Edito | Médias Bolloré : que fait l’arbitre ?
La manipulation statistique a fait scandale. Ce 25 février, selon une aberrante infographie présentée sur Europe 1 et CNews, l’avortement aurait provoqué « 73 millions de morts en 2022, soit 52 % des décès » contre « 10 millions pour le cancer » et « 6,2 millions pour le tabac ». A l’heure du déjeuner dominical, l’émission « En quête d’esprit », en partenariat avec « France catholique » (publication du groupe Bolloré), prétendait aborder les enjeux de la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Ce furent quarante-cinq minutes de propagande anti-avortement…
Et pour la première fois, face au tollé, CNews a fini par présenter des excuses. « Il est absolument impossible de comparer ces chiffres [du nombre d’IVG, NDLR] et de les mettre en miroir de ceux de la mortalité liée au cancer ou au tabac », a rétropédalé la journaliste Laurence Ferrari, avec une pensée pour celles « qui luttent dans le monde pour obtenir le droit à disposer de leur corps ». Et un espoir : « Que ce droit acquis de haute lutte par nos mères et par nos aînées sera inscrit dans la Constitution. »
On ne saurait mieux dire. Mais quid de tous les autres dérapages de l’escouade médiatique contrôlée par Vincent Bolloré ? Deux chaînes de télé (C8, où sévit le télé-populiste Hanouna, et CNews), une radio nationale (Europe 1) et deux hebdomadaires grand public (« Paris Match » et « le Journal du Dimanche ») : jamais un tel pouvoir médiatique n’a été constitué selon les vues d’un seul maître. Sans vergogne, le groupe Bolloré met ses milliards acquis dans le négoce africain au service d’un message réactionnaire qui ouvre la voie à la droite de la droite et menace les fondements mêmes de la République. Désinformation, surenchère de commentaires rétrogrades et xénophobes… Jamais les faits n’ont été à ce point ignorés pour soutenir la vieille thèse du « choc des civilisations » : après la mort tragique du jeune Thomas à Crépol en novembre dernier, les médias de Bolloré ont entretenu ad nauseam la fake news d’une agression « anti-Blanc ».
« Réac info » : pourquoi les médias Bolloré inquiètent
Le gouvernement semble ne pas mesurer le danger. Après s’être inquiétée du raid de Bolloré sur « le JDD », la macronie a pactisé avec le nouvel empire pour les besoins de sa communication. Mais en défilant sur CNews sans piper mot de ses manquements, les ministres ne font que légitimer un média qui conspire à leur élimination. La gauche, elle, a été prompte à dégainer l’arme du boycott. A quoi bon servir de caution à des débats biaisés où les points de vue progressistes sont minoritaires et implacablement mis en pièces ?
A l’Assemblée nationale, une commission d’enquête lancée par La France insoumise se penche sur la prochaine attribution des fréquences télévisuelles. Elle auditionne, ces jours-ci, les vedettes de CNews et leur patron. De son côté, l’association Reporters sans Frontières a saisi le Conseil d’Etat. Pour apprécier le respect du pluralisme de l’information, la haute juridiction enjoint à l’Autorité de Régulation de la Communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de prendre en compte, non seulement le temps de parole des personnalités politiques, mais aussi la diversité des opinions des chroniqueurs, animateurs et invités. Un avis très difficile à mettre en œuvre, mais qui accroît la pression sur le système CNews.
De CNews au « JDD », les médias Bolloré en croisade
Dans le cadre de l’appel à candidatures qui s’ouvre, l’Arcom devrait-elle écarter les chaînes qui n’ont pas respecté le pluralisme inscrit à leur cahier des charges ? Les polémistes de CNews invoquent « la liberté d’expression » et vantent leurs audiences. Ils hurleraient à la censure si l’Arcom faisait taire une voix dans laquelle une partie des Français se reconnaissent. Aux yeux de citoyens défiants, les institutions républicaines y perdraient leur dernier crédit. Elles doivent pourtant se défendre. Cela signifie que l’Arcom, en cas de manquement avéré au pluralisme, doit infliger les plus fortes sanctions financières aux chaînes de Bolloré. C’est-à-dire les frapper sans relâche au portefeuille jusqu’à les contraindre à respecter la déontologie journalistique. « Pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’intolérance », a écrit le philosophe Karl Popper. Seule la jonction de tous les contre-pouvoirs – citoyen, politique, médiatique et judiciaire – peut résister victorieusement à ceux qui profitent de la démocratie sans en observer les règles.
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