#MeTooGarçons : des victimes minoritaires en chiffres et minorées dans leurs traumatismes

#metoogarçons : des victimes minoritaires en chiffres et minorées dans leurs traumatismes

Image d’illustration. Des personnes brandissent une pancarte lors d’une protestation à l’ouverture d’un procès pour viol sur mineur, à Versailles le 24 septembre 2020.

Depuis le lancement du hashtag #MeTooGarçons jeudi dernier, les témoignages d’hommes ayant subi des violences sexuelles se multiplient sur les réseaux sociaux. Des récits traumatiques qui se faisaient jusqu’ici très rares, notamment en raison de forts stéréotypes de genre. Discours masculinistes, préjugés homophobes… Les témoignages des hommes victimes sont parfois stigmatisés, selon les mêmes mécanismes que le sont ceux des femmes.

“ENFIN, vous. Je vous vois, je vous crois”, peut-on lire parmi les nombreux messages de soutien publiés ces derniers jours sur X (ex-Twitter). Huit ans après l’émergence du mouvement #MeToo qui a permis la libération de la parole des femmes, des hommes victimes de violences sexuelles sortent à leur tour du silence grâce au hashtag #MeTooGarçons.

Dans le sillage de l’affaire Depardieu, et des accusations portées récemment par Judith Godrèche sur le milieu du cinéma, l’acteur Aurélien Wiik, aujourd’hui âgé de 43 ans, a témoigné sur Instagram, jeudi 22 février, d’abus subis de la part de son agent et d’autres membres de son entourage lorsqu’il était mineur. Lançant le mot-clé #MeTooGarçons, l’acteur de “Munch” et de “Tout cela je te le donnerai” appelait alors “garçons et filles” à “parler” et “agir” en déposant plainte.

Depuis, le mouvement a rapidement pris de l’ampleur, notamment sur X. Certains racontent avoir été abusés par un·e proche dans leur enfance, d’autres agressés par une personne rencontrée sur une application de rencontres, ou encore relatent une agression subie lors d’une soirée arrosée.

Des récits d’agressions sexuelles commises par des hommes ou des femmes, plutôt rares jusque-là dans l’espace public, du fait notamment de préjugés qui s’appliquent aux victimes.

Moins nombreux, moins vus

Cette invisibilisation des hommes victimes de violences sexuelles tient avant tout aux réalités statistiques.

“Les hommes sont beaucoup moins confrontés à ce type de violences que les femmes”, affirme Christelle Hamel. Cette sociologue a copiloté en 2015 l’enquête “Violences et rapports de genre” (Virage) menée par l’Institut national d’études démographiques (Ined). L’étude rapportait qu’au cours de leur vie, 3,9 % des hommes ont subi des violences sexuelles, contre 14,5 % des femmes.

Aussi, “les déclarations d’hommes sur des faits de viols sont essentiellement des déclarations qui concernent la période de l’enfance et de l’adolescence”, poursuit-elle, évoquant des faits essentiellement liés à des contextes d’inceste.

L’étude précisait en effet que les deux tiers des violences sexuelles déclarées par les hommes s’étaient produites ou avaient débuté avant l’âge de 18 ans.

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Plus récemment, en 2021, la dernière enquête Genese (Genre et sécurité) conduite par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) rapportait une surexposition des femmes aux violences sexuelles, notamment à l’âge adulte : 1 femme sur 6 déclarait avoir été victime de violences sexuelles par un partenaire au moins une fois depuis l’âge de 15 ans (contre 1 homme sur 18) ; quant aux violences sexuelles par non-partenaire, elles concernent 17 % des femmes (contre 3 % des hommes).

“Il y a une conscience masculine des agressions à caractère sexuel qui a toujours été présente, mais peut être pas au point d’en faire des mouvements de revendications, car les hommes étant moins concernés [en tant que victimes], cela fait moins masse et il est alors plus difficile de se retrouver ensemble”, explique Christelle Hamel.

Aussi, en France, les hommes victimes de violences sexuelles peinent à trouver de l’aide pour faire corps, aucun centre leur étant exclusivement dédié (à l’exception d’associations très spécialisées) contrairement au Royaume-Uni qui dispose d’associations ouvertes à tous (comme SurvivorsUK qui œuvre auprès d’adolescents et d’hommes ayant subi des violences sexuelles) et même d’une ligne d’assistance téléphonique à disposition d’hommes victimes de violences conjugales.

En France, l’association “Colosse aux pieds d’argile”, créée par l’ancien rugbyman Sébastien Boueilh – lui-même victime de ses 12 à ses 16 ans -, fait référence en la matière, mais est spécialisée dans la prévention contre les risques de pédocriminalité dans le milieu sportif.

Quant aux associations qui aident les victimes de viol, à l’instar du “Collectif féministe contre le viol”, “Stop violences femmes” ou encore “SOS femmes”, elles semblent par leur nom ne s’adresser qu’aux femmes, même si dans les faits elles sont ouvertes à toutes les victimes.

Une violente “stigmatisation” des victimes

Sur X, les témoignages affluent, les réactions aussi. Parmi les principaux soutiens affichés sous les récits traumatiques, les mots de celles et ceux qui ont d’abord encouragé la libération de la parole des femmes.

“C’est si difficile et courageux de reconnaître qu’on a été victime de violences sexuelles. Tout mon soutien à ceux qui témoignent ; je pense aussi à tous ceux qui ne le peuvent pas, à ceux qui ont oublié, à ceux qui en sont morts”, écrit par exemple Victoire Tuaillon, journaliste, et autrice du podcast “Les Couilles sur la Table” qui questionne sur les masculinités.

“Ni l’homophobie, ni le mépris des masculinistes ne parviendront à contenir la vague #MeTooGarcons”, réagit également Sophia, militante féministe et activiste Femen. “Bravo à tous ceux qui ébranlent le patriarcat en libérant une parole vitale et nécessaire !”

Face à la nuée de messages de soutien que reçoit le hashtag #MeTooGarçons – notamment de la part d’associations et militant.es féministes – se détache en effet une catégorie de messages moqueurs voire insultants, aux relents masculinistes et homophobes, qui renvoient systématiquement les hommes victimes à une prétendue volonté de se faire remarquer, ou remettant en cause leur masculinité par le simple fait qu’ils n’ont “pas su se défendre”.

“17 ans ? Les mecs ne savent plus se défendre maintenant sérieux ? Ou c’est le symptôme d’une homosexualité mal assumée ? Le besoin de faire son intéressant ?”, suivi d’une flopée d’insultes, peut-on notamment lire sous le témoignage d’un homme racontant la fellation forcée à laquelle il a été contraint lorsqu’il était adolescent.

Face à des préjugés sexistes et homophobes proférés par d’autres hommes, les hommes victimes de viol peuvent éprouver de la peur à l’idée de témoigner des violences qu’ils ont subies.

“Cette stigmatisation est vécue par toutes les victimes, quel que soit leur sexe, bien que les arguments avancés pour cela divergent”, explique Christelle Hamel. “Ces processus qui visent à silencer les victimes sont extrêmement forts, et ce n’est pas du tout étonnant que les hommes victimes qui commencent à témoigner publiquement reçoivent le même traitement que les femmes qui dénoncent ces mêmes violences”.

“Je prends un peu de courage pour parcourir le #MeTooGarcons et écrire mes quelques vérités”, commence un autre témoignage sur X. “J’ai été victime à 7 ans d’un homme en situation de pouvoir et de domination. Jamais une femme n’a nié ou minimisé la douleur que j’exprimais – Les seuls qui en ont ri sont des hommes.”

Selon Christelle Hamel, si la responsabilité des violences subies est systématiquement projetée sur la victime, c’est que “cela provoque un effet miroir”, inconfortable pour certaines personnes qui se sentent éventuellement coupables un jour d’avoir su ou vu quelque chose, mais de n’avoir rien fait.

“S’il y a autant de personnes victimes, c’est qu’il y a quasiment autant de personnes qui sont des agresseurs”, dit-elle, rappelant que la dominance masculine du côté des agresseurs revient d’enquête en enquête. “Tous ces gens – principalement des hommes – qui font des commentaires, s’ils ne sont pas eux-mêmes des agresseurs, a minima connaissent des agresseurs. Ils savent qui a déjà agressé, qui s’est déjà mal comporté, qui fait pression, qui ne respecte pas le consentement.”

Le dernier rapport du ministère de l’Intérieur sur les violences sexuelles hors cadre familial, enregistrées par les services de sécurité en 2021, relevait que 96 % des mis en cause dans des affaires de violences sexuelles étaient des hommes.

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Même commis par une femme, un viol n’est pas “une chance”

La question de la manière dont tout un chacun perçoit la notion de viol a également son importance dans la caractérisation et la reconnaissance des violences sexuelles, notamment celles perpétrées sur des hommes par des femmes. Un cas de figure davantage moqué par certains qui considèrent cela comme une “chance”.

“S’être fait abuser par son ex à 16 ans c’est : les potes qui disent ‘trop de la chance’, avoir des appréhensions quand il s’agit d’avoir des relations sexuelles avec de nouvelles personnes, entendre ‘pas grave’ par tous ses potes parce que c’était par une fille”, témoigne par exemple cet homme.

“Tout le monde a une représentation propre de ce qu’est un viol”, explique Christelle Hamel, ajoutant que certains actes de pénétration (autres qu’avec le sexe) ne sont pas conscientisés par tous comme étant de nature à constituer un viol. “La question des fellations forcées rentre aussi dans la définition du viol, mais est moins identifiée comme telle par les individus”, poursuit la sociologue.

En France, un projet de loi, adopté en août 2018, a pourtant inclus dans la définition juridique du viol le cas des individus ayant subi des fellations forcées, ou celui des hommes ou garçons ayant été contraints de pénétrer l’auteur du viol.

L’article 222-23 du Code pénal dispose ainsi aujourd’hui que “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.”

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