Jeux olympiques de Paris : en 2024, bâtissons la tour Eiffel
En 2024, Paris aura les Jeux olympiques sans les Parisiens. Et il ne s’agit pas, ici, de participer à un débat sur l’opportunité d’une manifestation sportive dans un contexte économique éprouvant, mais d’établir une vérité à laquelle l’aplomb et la mauvaise foi ne pourront rien. Les jeux seront peut-être un succès sportif, mais ils sont d’ores et déjà un échec politique. Le Grand Paris ne sera pas prêt, le prix des transports (gratuits dans les villes qui avaient accueilli les JO) sera extravagant, le métro et le RER sont dans un état pitoyable, n’importe quel Parisien le confirmera. Le tout seulement quelques mois avant l’inauguration de l’événement. La puissance publique, qui préfère l’obligation de moyen à celle de résultat, aura fait de son mieux, c’est tout dire.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Le documentaire Eiffel, la guerre des tours, réalisé par Mathieu Schwartz et diffusé sur Arte le 11 novembre, revient sur l’extravagante histoire de la tour Eiffel. En 1889, Paris accueille l’exposition universelle. L’événement est d’importance puisqu’en plus de célébrer le centième anniversaire de la Révolution, il s’agit de démontrer au monde l’excellence de la France. Quoi de mieux qu’un édifice gigantesque qui toiserait la capitale ? Deux hommes s’affrontent. D’un côté l’architecte Jules Bourdais, soutenu par l’école des Beaux-arts, c’est-à-dire l’élite esthétique, dans le sens le plus académique du terme. On lui doit notamment le Palais du Trocadéro, édifice construit à l’occasion d’une autre exposition universelle, celle de 1878, détruit depuis. De l’autre, un ingénieur, Gustave Eiffel.
« Monstrueuse tour Eiffel »
Le premier se propose d’ériger une tour de pierre, la « colonne soleil », au sommet de laquelle un phare éclairerait Paris. Le deuxième imagine, à partir d’une idée d’un de ses architectes, une tour de fer à base carrée. L’affrontement commence, et emporte la France entière ; dans les ministères, dans les journaux, à l’Assemblée, la bataille d’Hernani est jouée une fois encore. Pour les tenants du plus strict académisme, Gustave Eiffel n’est pas un artiste, c’est un ingénieur, donc un représentant de la technique et de l’industrie. Son projet passe, en plus, pour une hérésie. Même si le fer était déjà utilisé dans les constructions, il n’en était qu’un moyen, et jamais l’argument. Autrement dit : il était dissimulé sous d’autres matériaux.
Jules Bourdais bénéficie du soutien de ce que l’on pourrait appeler l’intelligentsia du bon goût et du conservatisme, avec pour chef de bande la plus grande célébrité de l’architecture : Charles Garnier, à qui l’on doit notamment l’Opéra. Eiffel, l’outsider, est tourné en ridicule : un original à la tête d’une utopie. En réalité, la tour de Bourdais, haute de 370 mètres et faite de granit, serait si lourde que les fondations pourraient ne pas supporter le poids de l’édifice. Eiffel contourne le président du Conseil, Charles de Freycinet, et convainc le ministre du Commerce en charge de l’Exposition, Édouard Lockroy, avec un argument décisif : il finance l’intégralité des travaux en échange d’une concession pour l’exploitation de la tour.
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Un concours est organisé, dont les critères sont si proches du projet d’Eiffel que l’issue est connue d’avance. Vainqueur, l’ingénieur doit encore affronter une « protestation » contre la « monstrueuse tour Eiffel », signée par d’illustres artistes : Guy de Maupassant, François Coppée, Charles Garnier ou encore le fils d’Alexandre Dumas. Les mécontents parient aussi sur l’impossibilité de tenir des délais aussi courts pour la réalisation d’un ouvrage aussi ambitieux. Le chantier commence en janvier 1887. L’ingénieur et ses équipes surpassent bien des obstacles, à commencer par le changement du site de la construction à la dernière minute. La tour devra finalement s’élever sur les bords de la Seine, c’est-à-dire près d’un cours d’eau, ce qui complique naturellement tout et fragilise les sols. Difficulté surpassée, comme d’autres, par des innovations d’ordre technique et une ingéniosité qui donne alors tout son sens au mot de « progrès ».
La tour s’élève à une vitesse fulgurante. Les pièces ont été fabriquées dans les usines de l’ingénieur, à Levallois-Perret, alors que les ouvriers, sur le chantier, n’en étaient qu’à l’élaboration des fondations. En deux ans, la plus haute tour du monde est érigée. Sa réalisation irréprochable et la rapidité d’exécution font de Gustave Eiffel un héros de la nation. Le tout sans le moindre argent public?
Le succès est immédiat, les Parisiens sont séduits par cette nouvelle compagne, et le monde entier jalouse l’édifice : deux millions de visiteurs pendant l’exposition universelle. Londres essaye de reproduire l’exploit et se ridiculise. Leur tour de fer (« tour de Watkin ») initialement construite sur le site du stade de Wembley ne dépasse jamais le premier étage et les vices de conception sont tels qu’elle sera détruite.
Le peu d’engouement pour les Jeux olympiques ne s’explique pas, comme il est répété, par un goût soi-disant bien français pour la mauvaise humeur et le scepticisme. Il se fonde sur une intuition (l’impuissance publique), l’expérience (répétition des échecs), l’écart extravagant entre la réalité et les adjectifs employés pour la qualifier. Une chose médiocre ne devient pas excellente par la force du verbe. En politique comme en amour, il suffit d’être aimable pour être aimé.
Référence documentaire
Mathieu Schwartz, Eiffel, la guerre des deux tours, Paris, Arte, 2023.
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