Christophe Béchu libère 12 000 hectares pour 424 projets d’envergure

Le ministre français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Bechu, le 10 avril 2024 à Paris.

Limiter l’artificialisation des sols en autorisant les industriels à le faire ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a dévoilé, ce jeudi 11 avril, une liste de 424 projets qui pourront être décomptés autrement du dispositif «zéro artificialisation nette des sols» (ZAN) et ainsi ne plus peser sur le quota des régions. «Aucun projet industriel n’a été refusé sur la liste – soit 30 % des 424 projets- , aucun projet industriel n’est bloqué par la mise en œuvre du ZAN», martèle le cabinet du ministre, qui assure que ces projets «permettent de concilier nos objectifs de transition écologique avec le développement économique et territorial».

Cet objectif de sobriété est l’une des principales avancées de la loi «Climat et Résilience», issue de la Convention citoyenne et adoptée en août 2021. Son ambition est de diviser par deux la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers tous les dix ans -soit passer de 250 000 à 125 000 hectares artificialisés entre 2021 et 2031- pour atteindre l’objectif national de «zéro artificialisation nette» en 2050. Mais le texte n’a cessé d’être contesté par certains élus locaux – le dispositif doit être piloté par les régions – et chefs d’entreprise. Au mépris des considérations environnementales, le président de la Région Auvergne-Rhônes-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), avait même annoncé en septembre qu’il n’appliquera pas la loi.

Face à cette levée de boucliers, le gouvernement a tenté une première opération de déminage en faisant voter l’été dernier par le Parlement une nouvelle loi censée apporter davantage de souplesse aux élus locaux pour piloter le dispositif des ZAN. Si l’objectif global y a été maintenu, sur les 125 000 hectares qui pourront être artificialisées d’ici 2031, un forfait de 12 500 hectares a été réservé aux «grands projets d’envergure nationale ou européenne» et ne sera donc pas décompté dans les «droits à artificialiser» répartis dans chaque région. Le but étant de ne pas pénaliser les territoires où sont concentrés les projets de nouvelles usines. Au total, les 424 projets choisis par le ministère de la Transition écologique concernés s’étalent sur une surface inférieure : 11 870 hectares.

20 000 hectares artificialisés chaque année

Fruit «d’échanges» et de «remontées» avec les régions selon le ministère de la Transition écologique, la liste publiée est divisée en deux catégories : une première rassemblant 167 projets «les plus matures et les plus précis» ; une seconde contenant des projets «qui manquent à ce stade de maturité» mais qui «visent à donner de la visibilité aux collectivités locales». Transmise aux élus locaux mercredi, la liste sera publiée ce jeudi et fera l’objet d’une consultation publique durant un mois, précise le cabinet de Christophe Béchu. La publication de l’arrêt se fera ensuite «au cours du mois de mai».

«Cette liste est un calcul d’apothicaire qui permet de savoir à quel niveau géographique on calcule la consommation d’espace de ces projets, là en l’occurrence à l’échelle nationale et pas locale ou régionale. Aucun de ces projets n’est exclu du ZAN», tient bon de préciser Maxime Paquin, chef de projet biodiversité et territoires de France Nature environnement (FNE). Certains projets autoroutiers – à l’instar de la future autoroute A69 Castres-Toulouse – les sites de construction des futurs EPR2, ou encore le projet de mine de lithium en Allier font ainsi partie des heureux élus. De quoi faire grincer des dents les ONG de protection de l’environnement. Si les projets choisis ne sont pas pour autant assurés d’être menés à leur terme, leur présence dans la fameuse liste envoie un «signal fort», explique le spécialiste du ZAN de FNE. «C’est embêtant car on ne connaît pas encore l’impact environnemental de certains projets tandis que d’autres, à l’instar des projets routiers et autoroutiers comme l’A69, sont contraire aux objectifs nationaux et internationaux de lutte contre le changement climatique», regrette Maxime Paquin.

En France, plus de 20 000 hectares de terres sont artificialisés chaque année, soit près de cinq terrains de football par heure. Et avec, en cascade, des conséquences sur la biodiversité, dont l’effondrement est déjà à un stade avancé, une perturbation du cycle de l’eau et une réduction du précieux stockage de carbone qu’opèrent les surfaces forestières.

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