Equateur : «Fito», le narco qui affole Quito

Il est devenu l’ennemi public numéro 1 en Equateur. Photographié récemment avec les cheveux hirsutes, barbe noire longue et fournie, caleçon noir, Adolfo Macias alias «Fito», 44 ans, purgeait depuis près de quinze années sa peine dans un quartier de haute sécurité de la prison Litoral de Guayaquil, dans le sud du pays. Condamné à trente-quatre ans de privation de liberté en 2011 pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre, l’homme s’est fait la belle dimanche 7 janvier. Selon la presse locale, cette évasion réussie s’est faite à la veille d’une opération de police visant à le transférer dans une autre prison à la sécurité maximale.

Car depuis sa geôle, l’homme n’avait rien perdu de son influence. C’est de là qu’il commandait l’un des principaux gangs criminels du pays, Los Choneros. Le gang est apparu dans les années 1990 dans la province côtière de Manabi (sud-ouest), une zone privilégiée et stratégique pour l’exportation de la cocaïne vers les Etats-Unis et l’Europe. Selon le quotidien équatorien El Universo, dans la ville de Chone, les membres de Los Choneros auraient développé des liens étroits avec le cartel de Sinaloa, l’une des organisations de narcotrafiquants les plus puissantes du Mexique mais aussi avec les Colombiens du Clan del Golfo.

Humble passé de chauffeur de taxi

Au-delà de la guerre contre une vingtaine de gangs dans laquelle est engagé le groupe criminel, El Universo précise que Los Choneros sont également accusés d’assassinats, de trafic de stupéfiants ainsi que de vol et d’extorsion. Fito, qui dirige ce gang fort de 8 000 hommes depuis un an, est un homme mystérieux. Rares sont les informations qui filtrent à son sujet, si ce n’est son humble passé de chauffeur de taxi et sa capacité de nuisance qui pousse le gouvernement équatorien à le décrire comme un «criminel aux caractéristiques extrêmement dangereuses».

Une équipe de la police à proximité de la chaîne de télévision prise d’assaut par le gang des Choneros, le 9 janvier à Guayaquil.

Depuis son évasion, c’est tout le pays qui est en alerte. Plus de 3 000 policiers sont à ses trousses et inspectent les toits des maisons ainsi que le réseau d’égouts situés sous la prison de Guayaquil. Mardi 9 janvier, un Conseil de sécurité publique et de l’Etat (COSEPE) s’est tenu durant trois heures au Palais Carondelet de Quito, dirigé par le président de la République, Daniel Noboa. Le gouvernement a ainsi identifié 20 groupes criminels qualifiés d’organisations terroristes dont Los Choneros.

Les autorités n’ont pas encore établi le montant qui sera versé à ceux qui fourniront des informations sur le chef de Los Choneros. Le parquet a ouvert une enquête contre deux fonctionnaires pénitentiaires «qui auraient participé à l’évasion» du chef de gang. Ce n’est pas la première évasion réussie par Fito. L’homme s’était déjà évadé en 2013 d’une prison de haute sécurité mais avait été finalement capturé au bout de trois mois.

Des vidéos le montrant en train de faire la fête à l’intérieur de la prison

Dans le quartier du centre pénitentiaire de Guayaquil, les peintures murales sont à sa gloire, de même que les dessins d’armes, de dollars et de lions, devant lesquels il aime prendre la pause. Les médias locaux ont partagé des vidéos le montrant en train de faire la fête à l’intérieur de la prison accompagné de musiciens, le tout ambiancé par des engins pyrotechniques. Derrière les murs, Fito a même eu la chance d’enregistrer un clip vidéo toujours disponible sur YouTube. On le voit se trémousser sur le morceau El Corrido del Leon, un «narcorroccido» (une chanson à la gloire des narcotrafiquants) notamment entonné par sa fille connue sous le nom de Queen Michelle. Fito y apparaît affublé d’un large chapeau, tantôt caressant les plumes d’un coq de combat, tantôt riant avec quatre autres détenus sur un air de mariachi.

Des forces de l’ordre équatoriennes déployées à Quito, la capitale, mardi 9 janvier 2024.

Dans un rapport daté de 2022, la commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a souligné que Fito exerçait «un contrôle interne important sur la prison», tout en précisant que le fugitif tout comme Junior Roldan, un autre dirigeant du gang tué l’année dernière en Colombie, bénéficiaient en prison d’un «traitement différencié et préférentiel de la part des autorités».

Réputé très charismatique, Fito a suivi derrière les barreaux des études de droit jusqu’à obtenir son diplôme d’avocat. Ces derniers mois, son nom a fait la une de la presse nationale après l’assassinat début août de l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle. Fernando Villavicencio, ancien journaliste et parlementaire abattu par un tueur à gages colombien, avait fait état peu avant son exécution de menaces de mort de la part du chef des Choneros. Sur les réseaux sociaux, Los Choneros se présentent comme des bienfaiteurs, des sortes de Robin des Bois, avec des clips vidéo vantant le trafic de drogue. En ligne, ils menacent les journalistes et, sur des rythmes de musique urbaine, lancent des avertissements aux autres gangs rivaux. «Choneros, nous sommes des lions. Avec l’oncle Fito contrôlant le quartier, nous sommes les patrons», dit ainsi l’une des nombreuses chansons postées par le gang sur Internet.