La France a-t-elle reconnu l’élection de Vladimir Poutine en Russie ?

la france a-t-elle reconnu l’élection de vladimir poutine en russie ?

Le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou le 9 avril 2024.

La France et l’Union européenne ont-elles reconnu la réélection, pour un cinquième mandat, de Vladimir Poutine ? Un mois avant le scrutin, l’opposition russe en exil, tel Leonid Volkov, appelait l’UE à refuser le résultat des urnes qui a débouché, sans surprise, sur la victoire du chef du Kremlin le 17 mars, avec un score officiel de 87 % des voix. Le jour des résultats, c’est le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec le Conseil européen), Theodoros Rousopoulos, qui demandait à la «communauté internationale» de ne pas reconnaître «la légitimité de Poutine en tant que président».

Mais Paris comme Bruxelles ne sont pas allés jusque-là. Les capitales françaises et européennes ont avancé sur une ligne de crête, en préservant l’homme fort de Russie comme interlocuteur, mais sans ménager leurs critiques contre le déroulé des élections. Un entre-deux très diplomatique dont n’avait pas bénéficié, en comparaison, le dictateur bélarusse et allié de Poutine, Alexandre Loukachenko.

«Chaque mot a dû être pesé»

Dans un communiqué publié le 18 mars sur le site du ministère des Affaires étrangères, la France dit ainsi «prendre acte du résultat attendu de l’élection présidentielle, par lequel V. Poutine se maintient à la présidence de la Fédération de Russie pour un cinquième mandat». Rapidement, pourtant, le texte s’en prend au processus électoral, qui «s’est déroulé dans le contexte d’une répression accrue à l’encontre de la société civile et de toute forme d’opposition au régime, de restrictions toujours plus fortes à la liberté d’expression et de l’interdiction de fonctionnement des médias indépendants».

Paris relève aussi que «les candidats opposés à la poursuite de la guerre en Ukraine n’ont pas été admis à concourir à l’élection, réduisant significativement son caractère pluraliste», et que «les standards internationaux en termes d’égal accès des candidats aux médias durant la campagne n’ont pas été respectés». Bref, pour la France, «les conditions d’une élection libre, pluraliste et démocratique n’ont une nouvelle fois pas été réunies».

Pour Alina Miron, professeur de droit public international à l’université d’Angers, «à la lecture de ce communiqué, on peut noter que la France conteste les conditions de l’élection, mais ne conteste pas les résultats de l’élection». Un texte, ajoute-t-elle, «dont chaque mot a dû être pesé, et on comprend pourquoi : contester le résultat aurait conduit la France à devoir préciser sa position, et à remettre éventuellement en cause le gouvernement issu de ce scrutin, et donc peut-être ses relations diplomatiques avec Moscou». Autrement dit, l’organisation du scrutin a bien été contestée par la France, mais pas son résultat, afin de ne pas couper toutes relations avec Poutine.

Un point d’équilibre semblable à celui de l’Union européenne. Dans un communiqué du 18 mars, le représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, notait ainsi : «L’élection [russe] s’est déroulée dans un espace politique de plus en plus restreint, ce qui a entraîné une augmentation alarmante des violations des droits civils et politiques, a empêché de nombreux candidats de se présenter, y compris tous ceux qui sont opposés à la guerre d’agression illégale menée par la Russie, a privé les électeurs russes d’un véritable choix et a fortement limité leur accès à des informations justes.» Là aussi, donc, les conditions de l’élection sont critiquées, voire contestées, mais pas son résultat, pour les mêmes raisons que la France.

Relations diplomatiques «dégradées»

La contestation des résultats en tant que tels concerne en réalité la partie du scrutin organisé dans les territoires occupés de l’est de l’Ukraine. En raison de la «violation manifeste par la Russie du droit international, y compris de la charte des Nations unies», l’UE, tout comme la France, affirme qu’elle «ne reconnaît pas et ne reconnaîtra jamais la tenue de cette prétendue “élection” dans les territoires ukrainiens ni ses résultats. Ils sont nuls et non avenus et ne peuvent produire aucun effet juridique quel qu’il soit». Ce qui, en creux, laisse entendre que les résultats sur le territoire russe uniquement produisent, eux, des «effets juridiques».

Il n’en a pas été de même, en revanche, pour le Bélarus en 2020. Ainsi, l’Union européenne avait déclaré qu’elle «ne reconnaît pas les résultats de l’élection présidentielle bélarusse du 8 août 2020 et la condamne comme une élection qui n’a été ni libre ni régulière. [Elle] estime qu’Alexandre Loukachenko n’a aucune légitimité démocratique».

De fait, l’UE, tout comme la France qui agit «dans un cadre européen», n’entretient plus de relations diplomatiques normales avec ce pays. Le chef de la délégation de l’UE a été contraint par les autorités de quitter le Bélarus, tout comme l’ambassadeur de France, en octobre 2021, «à la suite du refus français de présenter ses lettres de créance à Alexandre Loukachenko», indique le site du ministère des Affaires étrangères.

Pour chacune des deux entités, il n’y a plus qu’un chargé d’affaires, et les relations diplomatiques sont dites «dégradées». La France a bien une ambassadrice pour le Bélarus, en la personne de Violaine Billette de Villemeur, mais elle est établie à Paris et est chargée d’entretenir des relations avec le Bélarus dit «démocratique». Autrement dit : avec les représentants de l’opposition à Loukachenko. Pour désigner ce dernier, la France ne parle d’ailleurs pas du président, mais de son «régime».

Realpolitik oblige

Pourquoi ce traitement différencié entre ces deux pays frères alors que l’aversion pour la démocratie semble partagée par Minsk comme par Moscou ? Pourquoi la France conteste les conditions du scrutin russe mais pas ses résultats, alors qu’elle rejette à la fois le scrutin et la légitimité de Loukachenko comme président ?

La position de la France, selon un connaisseur du dossier, peut se justifier par le fait qu’au-delà du climat électoral insatisfaisant dans chacun des deux pays, Paris considère qu’au Bélarus, l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa aurait dû, selon le sondage de sortie des urnes, remporter le scrutin d’août 2020. En Russie, les conditions de l’élection sont également contestables et ont été contestées, mais Vladimir Poutine resterait largement soutenu par la population russe.

L’appréciation serait donc basée non seulement sur le déroulé du scrutin, mais aussi et surtout, dans un cas comme le Bélarus où la France ne reconnaît pas le vainqueur des urnes, sur le fait que le résultat aurait dû, en cas d’élections pluralistes, être différent. Dans le cas de la Russie, ce critère officieux permet aussi – realpolitik oblige – de conserver comme interlocuteur celui qui détient les clés d’une éventuelle sortie du conflit en Ukraine.

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