Qu’est-ce que la méthode de Singapour, dont la France veut s’inspirer pour améliorer le niveau des élèves en maths
Depuis des décennies, les élèves de Singapour ont des résultats spectaculaire ne mathématiques (Photo d’illustration). REUTERS/Edgar Su
Grâce à la méthode de Singapour, les élèves apprennent les fractions dès le CE1. De quoi faire rêver l’Éducation nationale à l’heure où les derniers résultats des classements Pisa donnent la France 23e face à Singapour, large leader. Depuis les années 1980, cette méthode établie par des professeurs de la cité-état d’Asie du Sud-Est est la clé du succès des élèves locaux.
Elle a depuis largement été reprise à l’international face à ses résultats probants, et la France ne devrait pas faire exception. Le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé ce mardi 5 décembre une profonde réforme des programmes de mathématiques à l’école primaire, qui prévoit notamment la mise en place de la méthode de Singapour dans les écoles françaises. Mais en quoi consiste-t-elle exactement ?
Du concret vers l’abstrait
L’une des principales difficultés des mathématiques est l’aspect abstrait de la matière. C’est pour faciliter ce passage du concret vers l’abstrait que la méthode de Singapour a été pensée. Mise en place tout au long de la scolarité, de la maternelle à la sixième année (équivalent de la sixième en France), elle permet aux élèves d’aborder ensuite au collège des notions mathématiques abstraites avec beaucoup moins de difficulté.
Six temps d’apprentissage composent la méthode : la manipulation, l’observation, la modélisation mathématique, l’entraînement/la répétition, l’utilisation de jeux mathématiques et la résolution de problèmes. « L’idée est d’emmener très graduellement les enfants du concret à l’abstrait, avec des représentations de nombres et des manipulations adaptées à leur âge et à leur développement », expliquait dès 2019 au Parisien Monica Neagoy, docteure en didactique des mathématiques et autrice de manuels sur la méthode de Singapour.
« En fonction de son âge, l’élève peut manipuler différents objets : à5 ou 6 ans, des cubes ou des jetons représentent des unités, une colonne de dix cubes emboîtables ou dix crayons dans un élastique représentent une dizaine. Vers 7 ans, il utilise une plaque avec cent cubes ou un gros cube pour mille. À 9 ou 10 ans, on lui donne des disques de taille identique mais de couleurs différentes, marqués 1, 10, 100, 1 000, 0,1 ou 0,01. On se rapproche ainsi progressivement de l’abstraction. Les enfants sont ainsi àl’aise avec les nombres. Au secondaire, ils sont prêts àsauter dans le grand bain de l’abstraction », détaillait encore la spécialiste.
Division en CP, fractions en CE1
Le but est ainsi de permettre aux jeunes élèves de visualiser concrètement dans un premier temps les opérations qu’ils effectuent. Dès le début du primaire, les petits Singapouriens sont ainsi familiarisés avec les quatre opérations mathématiques de base : addition, soustraction, multiplication et division. Dès l’équivalent du CE1, l’idée des fractions peut même commencer à être abordée. Et pas question de dénominateur ou de numérateur. Il suffit de plier une feuille de papier, en deux, en trois, pour évoquer auprès de ces jeunes enfants la notion.
Bien loin des tables à apprendre par cœur dès le départ, la méthode privilégie le jeu et la manipulation pour comprendre les rouages et les ressorts des opérations, avant de passer à la phase de modélisation. Cette étape permet aux élèves de transformer les situations qu’ils ont vécues en modèle mathématique. Exemple : après avoir compris que si l’on retirait 3 jetons d’un ensemble de 4, il n’en restait plus qu’un, l’enfant transpose cela en 4-3 = 1.
À force de répétition et de manipulation, les enfants deviennent de plus en plus à l’aise avec l’opération dans son aspect abstrait, car ils sont aussi incités à verbaliser le processus de pensée et comment ils parviennent au résultat.
Une méthode préconisée depuis plusieurs années
Ce changement des méthodes pédagogiques est tout sauf une idée sortie du chapeau. Dès février 2018, le mathématicien et ex-député Cédric Villani avait remis un rapport sur le niveau des Français en mathématiques aux côtés de l’inspecteur général de l’Éducation nationale Charles Torossian. Leur constat avait donné suite à « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques », toujours en ligne sur le site du ministère.
Dans leur rapport, les deux spécialistes préconisaient déjà le recours à la méthode de Singapour dans le système scolaire français pour remédier à une situation qu’ils qualifiaient de « catastrophique », notait 20 Minutes. Six ans plus tard, la méthode pourrait ainsi faire son entrée dans les programmes scolaires à la rentrée 2024 à l’occasion de la refonte annoncée mardi par le ministre pour les classes de CP, CE1 et CE2.