Le président russe Vladimir Poutine, jeudi 15 février à Nijni Taguil (Russie).
Au 723e jour de guerre, qui ne devait en durer que trois selon ses propres prévisions, alors qu’aucune avancée majeure n’a été enregistrée depuis des mois, Vladimir Poutine ne se considère pas en position de perdant, ni même de faiblesse. Le front n’a pas significativement bougé depuis le premier anniversaire de l’invasion, et les pertes humaines sont considérables dans les deux camps. Mais contrairement à son homologue ukrainien, le président russe n’a pas pris une ride (botox aidant), et semble avoir complètement repris la main sur la narration de son «opération spéciale». «Ce qui, il y a deux ans, ressemblait à une folie totale et à une erreur d’une ampleur étonnante, donne aujourd’hui l’impression que Poutine infléchit la situation en sa faveur, grâce à ses qualités de judoka, qui, s’il ne peut pas gagner tout de suite, travaille sur des techniques douloureuses, dit Nikolaï Petrov, chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité. Il y a deux ans, Poutine semblait complètement acculé. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.»
Combat existentiel
Au contraire, la guerre éclair, devenue en deux ans guerre d’usure, a saigné l’Ukraine et essoufflé ses alliés, fissurant par moments la solidarité sacrée occidentale, ne serait-ce qu’au niveau des opinions publiques. Poutine, lui, continue de se tenir droit dans ses bottes. Vu de Moscou, les perspectives de faire plier l’Occident à ses exigences lui paraissent plus prometteuses qu’avant le début de l’offensive. «On avait l’habitude de le prendre pour un petit trouble-fête, qui interférait quelque part au Moyen-Orient. Désormais, il s’avère qu’il est un trouble-fête stratégique qui mise sur l’affaiblissement de l’Occident et la modification de l’ordre mondial», poursuit Petrov. Poutine considère que le temps joue en sa faveur, que Kyiv ne pourra pas indéfiniment compter sur la générosité des alliés, qui, par ailleurs, ont, même collectivement, moins de ressources que la Russie.
L’économie russe a été mise sur le pied de guerre, et c’est en tant que chef suprême d’un pays engagé dans un combat existentiel que le président russe se présente à sa propre réélection, qui se tiendra dans un mois exactement. «La guerre est présentée aux Russes non pas comme un conflit militaire avec une Ukraine faible mais comme la confrontation de la Russie avec tout l’Occident maléfique. Et en ce sens, beaucoup de gens soutiennent sincèrement Poutine», analyse Petrov. Du reste, l’autoritaire dirigeant n’a pas besoin de mobiliser réellement l’opinion en faveur de la guerre, ni même d’un enthousiasme sincère pour sa politique. Un soutien silencieux ou l’indifférence suffisent. Et la répression fait le reste. Les opposants les plus bruyants sont emmurés à perpétuité, et envoyés croupir – comme Alexeï Navalny ou Vladimir Kara-Murza – toujours plus loin dans les tréfonds du goulag moderne russe. Et celles par qui le scandale pourrait ou devrait arriver – les mères et femmes de soldats injustement, ou trop longtemps mobilisés sur le front – sont sommées, manu militari, de se taire.
Déclaration en prime-time
Pendant que Volodymyr Zelensky poursuit ses tournées de levée de fonds et d’armes pour l’aider à résister à l’ennemi à l’orée d’une troisième année de guerre qui s’annonce longue – il signe ce vendredi 16 février à Paris un accord bilatéral de sécurité avec Emmanuel Macron –, Vladimir Poutine déclare, en prime-time sur la chaîne Rossiya 1, au sujet de l’Ukraine, que «la seule chose qu’[il peut] regretter, c’est de ne pas avoir commencé la phase active plus tôt».
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