Pourquoi c’est impoli de trinquer
Trinquer : une tradition qui ne vieillit pas.
À l’exception des plus aigris d’entre nous, nul ne refuse de trinquer. Après tout, quoi de plus convivial que le son – qui s’approche parfois d’une douce mélodie – des verres délicatement entrechoqués les uns contre les autres ? Une tradition quasi universelle pour signifier à chacun des participants que les hostilités sont enfin lancées… même si les plus assoiffées de l’assemblée auront bien sûr déjà humidifié leurs muqueuses discrètement. Difficile de se départir d’une pratique si installée, quel que soit l’environnement social ou la boisson consommée, du champagne à la bière, en passant par le vin : tout est prétexte à se souhaiter une bonne santé ou plus simplement, faire «t’chin». Lors d’un séjour à l’étranger, on retient d’ailleurs assez facilement l’expression ou l’onomatopée consacrée à ce moment particulier.
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Mais si ce rituel n’était finalement pas en phase avec les bonnes manières ? C’est effectivement le cas, selon Jérémy Côme, expert en savoir-vivre et en étiquette à la française. Même si cela est «convivial», reconnaît-il, «ça ne se fait pas». «On a trinqué à un moment dans l’histoire parce qu’on voulait être sûr qu’il n’y avait pas de poison dans son verre», rappelle Jérémy Côme, à raison. Porter un toast, comme on dit, n’avait alors rien d’amical ou de chaleureux, mais trahissait plutôt un manque de confiance envers son vis-à-vis. La légende raconte en effet qu’au Moyen Âge, en trinquant, la personne potentiellement malveillante ayant servi les verres se retrouvait dans l’impasse car cogner les deux réceptacles impliquait à l’époque qu’une goutte du verre empoisonné contaminait l’autre.
On l’aura compris, trinquer revient donc à remettre en cause la confiance que l’on a envers celui qui a rempli les verres ; ce qui est, reconnaissons-le, profondément mal poli. Mais Jérémy Côme déconseille de trinquer pour une autre raison, beaucoup plus terre à terre cette fois. «On ne trinque pas car cela pourrait abîmer le cristal. Parce qu’évidemment, les verres sont en cristal et pas en verre», nous glisse-t-il dans un sourire malicieux. Cristal ou pas, vous pouvez évidemment continuer à trinquer, mais désormais, sachez-le, c’est une petite incartade à nos bonnes manières.