Plan logement : le gouvernement entre réveil tardif et déni sur les erreurs passées
Des logements sociaux, à Dijon (Bourgogne-Franche-Comté).
Le « choc de l’offre » en matière de logement, promis par Gabriel Attal, accouchera-t-il d’un filet d’eau tiède ? Le volontarisme affiché par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, fin janvier, contraste assurément avec le plan présenté ce vendredi 3 mai en Conseil des ministres et porté par le ministre délégué chargé du Logement, le libéral Guillaume Kasbarian. Il y a pourtant urgence alors que se multiplient, partout en France, les histoires de locataires expulsés, parfois assignés en justice, faute de pouvoir continuer à payer un loyer. Comme autant de symptômes alarmants d’une crise qui s’aggrave d’année en année.
Chasse aux locataires HLM
Pour prendre à bras-le-corps ce chantier colossal, l’exécutif souhaite notamment accélérer la rotation dans le parc HLM (habitations à loyer modéré), alors que les ménages candidats à ce type de logements ont atteint en 2023 le nombre record de 2,6 millions, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH). À cette fin, le texte envisage de prendre en compte le patrimoine de ces locataires précaires, au cas où un heureux héritage les pourvoirait d’un « bien équivalent », comme une résidence secondaire. Toujours dans cet esprit de rotation, l’objectif affiché par Guillaume Kasbarian est de pousser vers la sortie les locataires de HLM les plus aisés en vue de soulager la file d’attente.
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« Les surloyers en logement social s’appliqueront dès le premier euro de dépassement du plafond de ressources et non pas, comme aujourd’hui, en cas de dépassement de plus de 20 %. Et si le plafond est dépassé de 20 % pendant deux années de suite, le bailleur résiliera le bail automatiquement », détaille-t-il en guise de mode d’emploi dans un entretien au Parisien. Dans un élan de générosité, le ministre accorde aux concernés un délai de prévenance d’un an et demi. Selon lui, 8 % des locataires actuels de HLM n’y seraient plus éligibles s’ils en faisaient la demande aujourd’hui.
Au lieu de se cantonner à prendre en chasse les supposés profiteurs du logement social, le gouvernement serait également inspiré de veiller à ce qu’il en sorte de terre un nombre suffisant. Car les HLM n’ont jamais aussi peu poussé que sous la présidence Macron. Et la loi « zéro artificialisation nette des sols », adoptée à l’été 2023, n’arrange rien, elle qui enjoint aux maires de ne plus bétonner de sols à horizon 2050 à moins de « renaturer » des surfaces équivalentes. De quoi réduire encore la marge de manœuvre des élus locaux, déjà bien en peine au moment de délivrer des permis de construire. En outre, Marianne expliquait en février que, sur les 60 000 logements étudiants promis par le président de la République en 2017, seule une moitié avait été construite à la fin du premier quinquennat.
Moins de HLM, plus de logements intermédiaires
Autre priorité énoncée dans le texte présenté en Conseil des ministres, assouplir la loi SRU, qui impose aux communes urbaines des quotas de logements sociaux. Comme annoncé par Gabriel Attal fin janvier, les maires pourraient inclure aux 20 à 25 % de HLM requis dans leur ville jusqu’à un quart de logements intermédiaires, plus onéreux que le loyer HLM mais plus accessibles que le parc privé. « La commune qui aurait, par exemple, pour objectif de produire 1 000 logements sociaux sur trois ans pourrait ainsi inclure jusqu’à 250 logements intermédiaires », donne en exemple Guillaume Kasbarian dans Le Parisien.
Son intention est ainsi d’ouvrir à la classe moyenne le marché du loyer réglementé, afin qu’il ne soit pas réservé uniquement aux publics défavorisés : « Ce que nous proposons, c’est une adaptation pour diversifier l’offre et soutenir la classe moyenne qui a du mal à se loger, créer de la mixité et développer un modèle vertueux. » Ou plutôt un système inique, favorable aux maires récalcitrants dans l’application de la loi SRU, déjà mal respectée. Et ce, alors que les candidats au logement social n’ont absolument pas les moyens d’un logement intermédiaire.
Rénovation énergétique : l’usine à gaz
En parallèle de ce plan logement qui entamera son parcours parlementaire par un examen au Sénat mi-juin, le gouvernement souhaite mieux valoriser ses dispositifs d’aide à la rénovation des logements mal isolés. L’État a même engagé depuis Chartres, vendredi 19 avril, une tournée visant à en faire la promotion. Car depuis son lancement en 2020, le dispositif MaPrimeRénov, un soutien financier aux travaux d’optimisation énergétique des logements vétustes, se révèle un échec monumental. Le nombre de dossiers déposés a drastiquement chuté en 2024, alors qu’un calendrier d’interdiction à la location des passoires thermiques doit entrer en vigueur dès 2025.
Un tout récent rapport sénatorial plaide même pour un report de cette interdiction à 2028, faute de quoi le marché locatif se tarira encore davantage. « Il est aujourd’hui évident que le calendrier de la loi Climat et résilience ne peut pas être tenu et fait peser un risque important de sortie du marché d’environ 18 % des logements locatifs », alertent les trois sénatrices à l’origine de la mission d’information, Dominique Estrosi-Sassone (LR), Viviane Artigalas (PS) et Amel Gacquerre (UDI).
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Pour le gouvernement, pas question – à ce stade en tout cas – de reconnaître quelque hardiesse écologique déconnectée de la crise qui menace de s’amplifier. Le calendrier arrêté reste en vigueur. « Nous avons simplifié le DPE (diagnostic de performance énergétique étiquetant les logements entre A et G, N.D.L.R.), notamment pour les petites surfaces, a toutefois concédé le ministre du Logement sur CNews ce vendredi 3 mai. On corrige le DPE pour permettre de monter dans la classification et éviter une sortie du marché locatif. »