Un ancien parking métamorphosé en petit espace érudit de 36 m2

C’est un appartement situé entre les rues Daguerre et Froidevaux, dans ce quartier résidentiel et familial du XIV^e arrondissement. « Les propriétaires ont une maison en cœur d’îlot, ils ont cinq enfants qui venaient tous de déménager et ils se sentaient un peu tout seuls dans leur maison, ils ont acheté cet espace pour le louer à des chercheurs et des expatriés qui louent six mois pour travailler sur Paris, qui ont un peu de goût et veulent un lieu confortable. Ce n’est pas une location de week-end », explique l’architecte d’intérieur Léo Schlumberger, à qui ce couple cultivé à confié la restructuration du lieu. Le lieu, justement : un parking en façade et une loge de gardien sur l’arrière cour, transformés en bureaux, avec des séparations et des faux plafonds ; un cube basique « pas très compliqué » avec lequel l’architecte doit composer. Pour ce petit espace de 36 mètres carrés en rez-de-chaussée Léo Schlumberger pense avant toute chose à créer une enveloppe claire et lumineuse – un volume simple à utiliser : béton ciré au sol, cuisine sobre… –, et surtout tirer profit du jour traversant entre la rue qui éclaire le salon à travers un grand vitrail qu’il fait réaliser par l’artiste Marion de Rouvray et le côté cour qui apporte sa source de lumière à la chambre avec, telle une lanterne, la salle de bains qu’il dessine en pavés de verre pour séparer, tout en transparence, l’espace de nuit et l’espace de vie.

La cuisine « sans fioritures » a été dessinée par Léo Schlumberger dans un souci de simplicité et d’efficacité. Son dessin, ses étagères jaunes, lui donnent un caractère années 1980 qui s’accorde avec les pavés de verre et l’architecture des lieux.

Jouer avec les contraintes

Avant cela, après curage, l’architecte d’intérieur casse le mur de séparation du milieu de l’espace, n’en conserve que ses poteaux porteurs et crée un plan en C inversé qui annihile visuellement toute sensation de boîte rectangulaire. Il double les poutres pour aligner parfaitement les murs de sorte que le calepinage des pavés de verre s’ajuste parfaitement. « J’ai fait avec l’existant… et puis j’aime bien quand il y a des contraintes. On ne tombe pas toujours sur des volumes de 5 mètres de hauteur avec vue spectaculaire ! Ici, c’est un projet plus concret avec des impératifs de lumière et ce challenge de l’intimité étant donné la façade sur rue. » Dans cette enveloppe neutre, il crée des éléments forts, introduit des touches colorées et des éléments textiles qui réchauffent l’atmosphère. Et, comme « ce n’est pas parce qu’on a un petit espace que tout doit être petit », Léo Schlumberger dessine une douche de taille confortable ainsi qu’une table de 3 mètres de long qui, dans une configuration normale, contre le mur, peut accueillir quatre personnes pour manger et travailler ou, lorsqu’elle est placée au centre de la partie salle à manger, jusqu’à dix personnes pour dîner. Côté chambre, une partie du mur en pavés de verre et l’autre en claustra de terre cuite créent un jeu de matière et une rencontre intéressante face à un poteau habillé de miroir sur chacun de ses côtés : « J’essaie toujours de mettre les éléments structurels en valeur », sourit-il.

Le salon est éclairé par une grande verrière réalisée par l’artiste Marion de Rouvray d’inspiration Piet Mondrian. Aux tonalités beige, gris pâle et blanc cassé répondent les œuvres et objets chinés par les propriétaires. Table basse vintage Tetra de Bernard Vuarnesson, tabouret de berger de Charlotte Perriand (Sentou).

Des références choisies

Dans un quartier célèbre pour ses ateliers d’artistes, la verrière de façade d’inspiration Mondrian est assurément le geste fort de cette rénovation. Tout en jeux de verres, de transparences rehaussées de touches de gris en accord avec les tonalités de l’appartement, elle est, sous son apparence Art déco, isolée thermiquement et phoniquement aux standards d’aujourd’hui. C’est ce qui fait mouche dans ce petit espace à la fois simple et riche : son mélange des styles et des époques. Les années 1930 de la verrière et le dessin eighties de la cuisine sur mesure, la table jaune très 1980 et ses chaises des années 1960, les pavés de verre 1950 et le claustra ethnique… Ce mix d’influences et de références vit bien, entre éléments qualitatifs et basiques. On le doit au plan, quadrillé, propre à accueillir tous ces différents éléments. À l’image des tonalités choisies pour leur luminosité et leur simplicité. Sols gris, murs gris très léger, cuisine beige et jaune soleil pour la table objet. « Une seule touche vive. Pas besoin d’en faire trop. Des beaux objets, entre styles scandinave et Art-déco, une bonne curation d’éléments intéressants, comme les chaises, en transparence bien sûr… »

Autour d’une table dessinée sur mesure par Léo Schlumberger, des chaises Bertoia vintage, en transparence.

Un jeu s’installe entre les croisillons des chaises Bertoia, les carreaux de pavés de verre et le motif des tuiles du claustra en terre cuite Celosia de Patricia Urquiola (Mutina).

Le claustra permet de faire circuler la lumière venue de la chambre tout en conservant toute son intimité à la partie nuit. La longue table jaune ne peut cacher son inspiration eighties. Verre, terre cuite, bois, laque jaune poussin, miroir et métal se répondent dans une enveloppe volontairement neutre et claire de gris perle, de beige et de blanc cassé.

Décollée du mur, la table de 3 m. de long dessinée par Léo Schlumberger peut accueillir jusqu’à dix convives Le plan de l’appartement transforme ainsi ce passage/couloir en salle à manger.

La chambre est ouverte mais protégée par le claustra. Elle est blanc très cassé, lumineuse et des niches jaune comme la table et les étagères de la partie vie créent une ponctuation colorée.

La tête de lit menuisée intègre des niches de chaque côté du lit. Posée dessus, une œuvre de la série Drawing de Ronan Bouroullec.

La salle de bains est pensée « comme une petite lanterne » par Léo Schlumberger : elle reçoit et diffuse la clarté du jour grâce à ses pavés de verre.

Le calepinage des carreaux de céramiques et des pavés de verre est réalisé avec précision. La douche est de taille confortable : « Ce n’est pas parce qu’on a un petit espace que tout doit être petit », confie Léo Schlumberger.

Le plan de l’appartement après les travaux.