En recevant cette visite, le président ivoirien, préoccupé par les tensions avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, prouve qu’il accepte de parler avec tous les pays, y compris ceux dirigés par des putschistes.
Le président de la transition gabonaise, Brice Oligui Nguema (à gauche), et le président ivoirien, Alassane Ouattara, à Abidjan, le 11 avril 2024.
A Abidjan, la diplomatie n’est pas une affaire de treillis. En froid avec les putschistes qui ont pris le pouvoir au Sahel, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a accueilli pour la première fois le chef de la transition gabonaise, le général Brice Oligui Nguema, jeudi 11 avril, près de huit mois après son coup d’Etat contre Ali Bongo Ondimba le soir de sa réélection, le 30 août 2023. « Cher frère, vous êtes ici chez vous ! », a chaleureusement déclaré Alassane Ouattara à l’entame d’une visite de trois jours de son hôte.
Au Gabon, après le putsch, une transition en quête d’équilibre
«Ã‚ Les régimes changent mais les relations restent », indique-t-on au ministère ivoirien des affaires étrangères. Cinq mois après leur première entrevue àRiyad en marge du sommet Union africaine-Arabie saoudite, en novembre 2023, les deux hommes se revoient pour faire converger leur agenda diplomatique. Brice Oligui Nguema, arrivé au pouvoir par la force, est en quête de respectabilité sur les scènes continentale et internationale. Quant àAlassane Ouattara, préoccupé par les tensions avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, il prouve qu’il accepte de parler avec tous les pays, y compris ceux dirigés par des putschistes.
L’ancien chef de la garde républicaine d’Ali Bongo tente de poursuivre son travail, déjà bien engagé, de normalisation des relations diplomatiques. En mars, Libreville a repris sa place dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), étape préalable avant une éventuelle réintégration de l’Union africaine, qui avait suspendu Libreville après le coup d’Etat. Un retour pour lequel Brice Oligui Nguema est venu « sollicite[r] l’appui de [son] aîné afin de plaider en faveur de la levée des sanctions ».
Après s’être rendu en Guinée équatoriale, en septembre, puis au Congo-Brazzaville, au Cameroun et encore au Sénégal en janvier, le chef du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) cherche à rassurer ses partenaires africains et les Gabonais de l’étranger, dont ceux qu’il prévoit de rencontrer à Abidjan, sur sa volonté d’organiser une élection présidentielle d’ici au mois d’août 2025. Dans cette perspective, le général de 49 ans a lancé début avril un dialogue national inclusif censé poser les fondements de nouvelles institutions et rassurer la communauté internationale quant à ses intentions de « retour à l’ordre institutionnel » dans un délai raisonnable.
Un coup d’Etat « légitime »
A l’international, l’image du général est relativement préservée. Son coup d’Etat, mettant fin aux près de cinquante ans de règne dynastique de la famille Bongo, a été bien moins critiqué que dans les autres pays. Il est perçu comme « plus légitime » au vu de la crise institutionnelle dans laquelle le Gabon était plongé, explique Bergès Mietté, politiste et chercheur associé à Sciences Po Bordeaux.
Ancien proche de l’ex-président Omar Bongo, dont il a été l’aide de camp, et cousin d’Ali Bongo, ce cacique de l’ancien régime ne joue pas la rupture. « Son régime ne remet pas non plus en cause la présence française et ne conteste pas les accords de coopération militaire », souligne Bergès Mietté – contrairement aux juntes sahéliennes, qui ont rompu avec la majorité de leurs partenaires occidentaux.
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Alors que les relations sont délétères avec les putschistes ouest-africains, le chef de l’Etat ivoirien a « compris que la présence de ces juntes dans certains pays est un fait, qu’on le veuille ou non, et qu’il est dans son intérêt d’échanger avec eux », relève Ladji Karamoko Ouattara, enseignant-chercheur en relations internationales. Abidjan a ainsi répondu favorablement à la demande d’aide de la Guinée, dirigée par le général Mamadi Doumbouya – qui a renversé le président Alpha Condé en 2021 –, après l’explosion d’un dépôt d’hydrocarbures à Conakry en décembre.
Avec les deux pays voisins de la Côte d’Ivoire, les incidents diplomatico-militaires se sont en revanche multipliés. En 2022, 49 soldats ivoiriens ont été détenus six mois par Bamako, provoquant des tensions entre les deux pays. Et en mars, une incursion de soldats burkinabés en territoire ivoirien a suscité une passe d’armes entre les deux voisins. Ni le Malien Assimi Goïta, ni le Burkinabé Ibrahim Traoré, ni le Nigérien Abdourahamane Tiani n’ont mis le pied à Abidjan.
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