On a vu le concert de Taylor Swift (sans rien y connaître)
On a vu le concert de Taylor Swift (sans rien y connaître)
De Taylor Swift, on l’avoue, on ne connaissait pas grand-chose si ce n’est deux ou trois tubes : l’énergique « Shake It Off », « Cruel Summer » (qui avait convoqué nos années 1980 en nous rappelant le même titre des oubliées Bananarama) et « Anti-Hero » tiré de Midnights, l’album qui avait le plus tourné sur notre platine vinyle. C’est donc un peu perplexe que l’on s’est rendu au premier concert de la tournée européenne de celle que l’on considère comme la star planétaire de la pop.
Premier constat : on ne maîtrise pas du tout les codes des swifties. Pas de bracelets de perles à échanger avec nos voisins, pas de sequins, pas la moindre paillette à arborer alors qu’elles sont nombreuses ici à illuminer l’immense salle de Paris La Défense Arena pleine à craquer. Heureusement, à l’entrée, on s’est vu distribuer un petit bracelet lumineux à agiter fièrement en communion avec les 45 000 autres adorateurs de Taylor, tout au long du show,
Un show de 3 heures 15 ? et 45 chansons ? qui commence six minutes en avance ? Lana Del Rey, prends-en de la graine ? et dont nous sommes en droit d’attendre son lot de surprises, nous dit-on. De quoi ravir la salle composée de 70 % de Français et de 30 % de fans venus de l’étranger, déjà tous chauffés à blanc.
Un show ultra-millimétré
Ne pas être fan de Taylor Swift, et assister à « The Eras Tour », qui reprend l’ensemble de son parcours, c’est comme se plonger dans Game of Thrones au milieu de la cinquième saison : on n’est pas certain de tout comprendre. Heureusement, Taylor, généreuse, et volontiers pédagogue, prend la peine de nous en détailler le « mode d’emploi » en nous expliquant que le spectacle va revisiter l’ensemble de sa carrière, par chapitres, ou pour être plus précis, par albums ? même si les deux opus sortis pendant la période Covid ont été exceptionnellement regroupés. C’est gentil de le préciser mais, pour nous, avouons-le, ça ne change pas grand-chose?
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De toute façon, pas la peine d’être incollable sur l’intégrale de Miss Swift pour apprécier le spectacle. On se rend compte finalement que l’on connaît bien plus de chansons qu’on ne pensait, mais surtout, sur scène, la star ne ménage pas ses efforts pour nous faire oublier nos lacunes et combler dans un même élan son public, dont les hurlements, lors de son apparition sous un lit de pétales géants, donnent du décibel à retordre à nos tympans.
S’enchaînent alors une série de tableaux, colorés, lumineux, que Taylor Swift habite avec énergie, arborant une dizaine de tenues différentes, combishort, justaucorps, mi-poupée princesse, mi-patineuse artistique. Rien qui puisse l’empêcher de courir, sauter, se trémousser tout en lançant quelques moues savamment étudiées (mais jamais nunuches) à la caméra. Pas question de tomber dans le sulfureux ou la vulgarité, l’ensemble reste plutôt sage sans risquer de choquer l’assistance.
Un public qui obéit au doigt et à l’?il
Un show à l’américaine, ultra-millimétré, avec sa touche de « encore plus » (un « plongeon » dans la scène qui se transforme en piscine géante) et juste ce qu’il faut de « mauvais goût » comme cette prairie de fleurs qui s’affiche derrière elle au moment d’interpréter une ballade, cette chorégraphie peu inventive de danseurs à vélo ou encore ce piano vert moussu auquel elle s’installe dans une série de tableaux bucoliques, désuets et naïfs, un brin longuets.
Mais c’est justement là que réside la force de Taylor Swift : tout lui est pardonné. Car elle ne se contente pas de chanter sans playback (coucou Britney !) et sans fausses notes (hello Madonna !) : Tay Tay joue aussi de la guitare (rappel de ses débuts dans la musique country) et du piano. Et adresse des discours enamourés au public, quelques mots en français évidemment (« Enchantée ! » « Merci beaucoup »), dit tout son plaisir à se produire à Paris, « ville la plus romantique du monde » (on échappe de peu à « J’aime Paris »), et parvient même, à défaut d’échanger vraiment avec les spectateurs, à s’amuser avec eux.
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Car oui, le public lui est totalement dévoué et lui obéit au doigt à l’?il. Littéralement. Il lui suffit de pointer n’importe quelle direction dans la salle pour soulever des hurlements d’amour. Petite pause émotion, à la fin d’un morceau, suivi d’un silence savamment dosé, et là encore, la foule l’encourage dans une incroyable clameur de deux minutes.
Mais pas le temps de chouiner davantage : Taylor met le feu ? « Shake It Off »nous fait même lever de notre siège ? et plus encore, lorsqu’elle offre, pour la toute première fois sur scène, quelques morceaux de son dernier album The Tortured Poets Department, sorti il y a moins d’un mois. Des tableaux noir et blanc, élégants, moins joyeux, qui mettent cependant la salle en liesse, car, on est bien obligé d’en convenir, tout le monde semble déjà en connaître les paroles sur le bout des lèvres? sauf nous !
L’horloge tourne, on commence un peu à s’ennuyer mais le petit strip-tease burlesque de la chanteuse nous réveille et nous envoie nous trémousser sur un morceau ultra-efficace, « I Can Do It With A Broken Heart », que l’on se promet de réécouter dès le lendemain (Et dont on retrouve le titre grâce au compte @TSwiftNewsFR sur X, qui plus d’une fois dans la soirée, nous a sortis de notre belle ignorance).
Le cadeau de Taylor Swift à la France
Taylor Swift vient de créer l’événement en réservant ce cadeau à la France et renforce ainsi sa réputation, celle d’offrir à chacune de ses performances, un show unique. Une stratégie, ô combien efficace, qui passe par ces chansons surprises qui changent à chacun de ses concerts et qu’elle balance dans la dernière partie du show, l’une à la guitare, l’autre au piano. De notre côté, on passe un peu à côté de l’effervescence générale, peu conscient de l’enjeu que ses morceaux revêtent pour tout swiftie qui se respecte.
Dernière partie consacrée à Midnights, l’album que l’on connaissait le mieux. Certes, on a perdu un peu de notre fraîche candeur, mais on veut bien chercher un peu de tonus pour être à l’unisson de nos voisins. Sept chansons plus tard, un petit feu d’artifice et une pluie de confettis viennent sonner la fin de la fête. Taylor salue bien bas et se retire. Ne comptez pas sur un vrai faux rappel, ce n’est pas le genre de la maison US.
Alors, Taylor est-elle la reine du monde ? Sur scène, assurément. Et elle avoue elle-même prendre plaisir à se sentir aussi « powerful » (puissante), en embrassant son biceps dans un geste très masculin teinté d’ironie. Peut-elle faire élire Biden ? Impossible de répondre à cette question mais l’artiste est parvenue en tout cas, en trois heures, à nous donner envie de nous plonger dans sa discographie. C’est un bon début !