Tournoi des VI Nations : Alors, elle vaut quoi la série Netflix sur le rugby ?

« 20 Minutes » a regardé en avant-première « Au Contact », dont les huit épisodes sont disponibles à partir de ce mercredi

Critique – « 20 Minutes » a regardé en avant-première « Au Contact », dont les huit épisodes sont disponibles à partir de ce mercredi

Après le basket (The Last Dance), la Formule 1 (Pilotes de leur destin), le Tour de France cycliste (Au cœur du peloton) et le tennis (Break Point), Netflix dégaine ce mercredi sa série documentaire sur le rugby, Au Contact. Huit épisodes retracent le Tournoi des VI Nations 2023 conclu par un Grand Chelem irlandais, neuf jours avant le début de l’édition 2024.

Pour ceux qui connaissent le genre, la recette ne change pas : découvertes des coulisses et de la vie privée de certains joueurs, extraits de matchs et interventions de consultants (principalement l’ancien international anglais Ugo Monye). Ces derniers sont censés éclairer le profane qui découvre le sport et la compétition mais, comme dans les autres docu-séries, ils peuvent agacer le connaisseur à force de dégainer des platitudes.

Produit par les Anglais de Box to box, déjà auteurs des cinq saisons de Formula 1 : Pilotes de leur destin, Au Contact se donne pour mission d’élargir le cercle des amateurs des VI Nations, et plus largement de rugby. Pas du luxe, tant ce sport souffre d’une certaine consanguinité depuis sa naissance au XIXe siècle.

Est-ce qu’on apprend des choses sur le XV de France ?

Si vous êtes un fidèle de Destins mêlés, la série YouTube chapeautée par la FFR qui dévoile l’arrière-boutique des Bleus, ne vous attendez pas à des révélations fracassantes. Parmi les six nations concernées, la France est même celle qui a donné le moins à « manger » aux caméras de Netflix. Comme l’expliquait Sud Ouest l’an dernier, le montant relativement modeste (795.000 euros au total, soit 113.000 euros par fédération) demandée par le Tournoi des VI Nations à la boîte de production n’a pas forcément incité tous les pays à ouvrir grand leurs portes.

C’est le cas de l’Irlande, du pays de Galles lorsque les joueurs ont fait grève pour défendre leurs droits, menaçant la tenue du match contre l’Angleterre, et donc, surtout, de la France. Alors oui, Fabien Galthié déverse bien quelques phrases « galthiesque » face caméra (avec notamment une comparaison entre les conquêtes de son équipe et celles de Napoléon), Antoine Dupont et Gaël Fickou livrent quelques confidences. Mais on vibre à peine pour nos couleurs, même quand on revit l’historique et jouissive raclée infligée aux Anglais à Twickenham (10-53).

Pour quelles équipes se passionne-t-on ?

L’Italie et l’Ecosse sont les deux équipes qui ont ouvert le plus largement leurs vestiaires et, forcément, cela se ressent. On souffre avec les Transalpins, champions des défaites encourageantes. Le « On n’est pas crédibles, personne ne nous respecte » clamé par Kieran Crowley, sélectionneur néo-zélandais des Azzurri, résonne autant dans les têtes du téléspectateur que dans celles des joueurs. Difficile de ne pas ressentir de la sympathie également pour le demi de mêlée Stephen Varney, né au pays de Galles mais international transalpin, que l’on voit partager ses doutes et son manque de confiance en visio avec un psychologue.

L’ouvreur écossais Finn Russell. – Malcolm Mackenzie / ProSports / Shutterstock / Sipa

L’Ecosse, elle, cultive l’espoir d’une première victoire dans le Tournoi depuis 1999, lorsqu’il n’y avait encore que cinq nations dans la compétition. On a envie de pousser derrière le fantasque mais indispensable Finn Russell, l’homme qui de son propre aveu ne s’entraîne jamais à fond et garde parfois les mains dans les poches pendant une séance. La relation tumultueuse entre le désormais ancien ouvreur du Racing 92 et son entraîneur, l’exigeant Gregor Townsend, est d’ailleurs parfaitement évoquée dès le premier épisode. Tout comme, un peu plus tard, la rivalité teintée de respect entre l’« ancien » Stuart Hogg et Blair Kinghorn, aujourd’hui au Stade Toulousain, pour le poste d’arrière du XV du Chardon.

Qui est la star ?

Avec Formula 1 : Pilotes de leur destin, Günther Steiner, le patron de la modeste écurie Haas est devenu une star inattendue. On ne promet pas la même renommée à Kieran Crowley, le désormais ancien entraîneur de l’Italie. Mais Au Contact donne terriblement envie de rejoindre le sexagénaire et son impayable adjoint Neil Barnes, lorsqu’ils boivent un verre en regardant des canards s’ébrouer dans l’eau du côté de Trévise, la capitale du rugby italien. L’humour pince-sans-rire de l’ancien arrière All Blacks des années 1980 ne masque pas toujours son désarroi devant l’accumulation des défaites, ni une certaine mauvaise foi partagée par son staff.

Kieran Crowley, le désormais ancien sélectionneur de l’Italie. – Malcolm Mackenzie / ProSports / Shutterstock / Sipa

Le téléspectateur compatit d’autant plus qu’il connaît la fin de l’histoire, puisque c’est désormais l’Argentin Gonzalo Quesada, ancien entraîneur du Stade Français, qui est aux commandes de l’éternel dernier du Tournoi. Mais, en cas de saison 2, il regrettera la franchise de l’homme qui aura dirigé l’Italie de 2021 jusqu’à la dernière Coupe du monde.

Est-ce qu’il est question des problèmes de santé liés au rugby ?

Les fidèles de Break Point ont l’habitude de voir joueurs et joueuses de tennis se confier sur leurs maux, physiques et mentaux. Au Contact trace le même sillon. On peut s’étonner au premier abord que les producteurs aient choisi de suivre en priorité le 3e ligne Sebastian Negri dans l’équipe d’Italie, plutôt que l’électrique trois-quarts de Toulouse Ange Capuozzo. Mais cet adepte du tout droit devient un témoin idéal pour raconter les conséquences des commotions cérébrales, lui qui fut sauvé par l’Anglais Ellis Genge lors du Tournoi 2022, alors qu’il était sur le point d’avaler sa langue après un choc.

Derrière son visage perpétuellement tuméfié, le pilier irlandais Andrew Porter ne cache rien de la dépression qui a suivi la mort de sa mère, alors qu’il était adolescent. Et les paroles de Stuart Hogg donnent à réfléchir lorsqu’il explique au moment de raccrocher les crampons : « je n’ai que 30 ans mais mon corps semble plus âgé. J’aimerais qu’il ait 30 ans aussi, qu’il soit plus jeune et moins abîmé. »

Alors, on regarde ou pas ?

Ecoutez, vous faites ce que vous voulez, mais je dirais « oui ». Certes, Au Contact ne révolutionne pas le genre de la série documentaire, et certains épisodes passent plus vite que d’autres. Mais pénétrer dans le quotidien de champions reste malgré tout une immersion toujours fascinante pour les besogneux qui n’ont jamais dépassé l’échelon local, ou à la rigueur départemental.

En outre, le rugby est un sport terriblement photogénique et télégénique, mais il dévore aussi ses enfants, et cette série Netflix n’en fait pas mystère. Et puis, avant d’attaquer l’édition 2024, on ne boude pas son plaisir de revivre le très beau tournoi 2023, avec quelques figures bien connues que l’on ne reverra pas cette année, pour cause de retraite (Stuart Hogg, Jonathan Sexton) ou de passage au VII (Antoine Dupont). Enfin, il est rare de vibrer pour un match avec la Cuillère de bois comme « trophée » à éviter absolument, comme cet Italie – Galles parfaitement restitué dans Au Contact.

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