Notre urine : la nouvelle arme pour sauver la planète

Notre urine : la nouvelle arme pour sauver la planète

Utilisée comme un formidable fertilisant, l’urine éveille l’intérêt des acteurs de l’agroalimentaire. Une alternative aux engrais chimiques responsables de l’émission de millions de tonnes de gaz à effets de serre.

L’astuce est vieille comme le monde. Pourtant elle pourrait révolutionner l’agriculture. L’idée d’utiliser de l’urine comme engrais fait peu à peu son chemin et les perspectives sont si prometteuses que des entreprises mettent désormais en place des circuits de collecte à l’échelle nationale. Il faut dire que l’enjeu est de taille. Aujourd’hui, la production d’engrais est au cœur de plusieurs filières de l’agroalimentaire, en particulier celles de la viande et du lait extrêmement polluantes. La production de viande génère à elle seule 453 000 tonnes d’équivalent pétrole par an quand l’industrie laitière en consomme le double.

Il faut nourrir les bêtes et on comprend que la culture de grains et de fourrage participe largement à ce bilan néfaste pour la planète. Les engrais, essentiels à la pousse des plantes, représentent eux aussi une source de rejets : 2,6 milliards de tonnes de CO2 soit 5% des émissions annuelles mondiales selon une étude récemment publiée dans Nature Food. Et là, c’est surtout leur fonctionnement qui est pointé du doigt car les bactéries qui ingèrent les engrais relâchent du protoxyde d’azote, l’un des gaz à effet de serre les plus puissants.

Une augmentation des rendements de 30%

Face à ce constat, la recherche d’alternatives se concentre aujourd’hui sur l’intérêt que peut représenter l’urine. Pas très ragoûtant certes et pourtant le pipi contient absolument tous les éléments nécessaires à la pousse des végétaux : des nutriments, de l’azote, du phosphore ou encore du potassium. Certaines marques recommandent d’ailleurs aux amateurs de potagers de l’utiliser dans le jardin et on retrouve l’astuce sur la plupart des sites spécialisés. D’après des travaux menés par l’Inrae aux côtés d’agriculteurs franciliens entre 2017 et 2019, il a été prouvé que l’urine était aussi efficace que les engrais chimiques.

L’exploitation de l’urine dans l’agroalimentaire attise désormais la curiosité des chercheurs comme ceux du National Institute of Agricultural Research du Niger. En 2022, ils ont mené une vaste expérience avec des cultivateurs volontaires. Résultat, ceux qui avaient eu recours à l’urine comme engrais avaient vu les rendements de leurs cultures bondir de 30%, rapporte le site Slate.fr. Le produit utilisé avait été préalablement décanté : le pipi a été stocké pendant 3 mois à une température de 24 degrés afin d’en retirer les agents pathogènes pour ne garder que les nutriments et les autres éléments bénéfiques.

Un marché prometteur

En France, le recours à l’urine a pris une autre dimension grâce à l’initiative d’une start-up bordelaise, Toopi Organics, relayée par l’AFP. Elle a récemment reçu le feu vert de l’Anses, le gendarme de la sécurité sanitaire, pour commercialiser un bio stimulant fabriqué à base d’urine humaine. Elle a même amélioré le processus en utilisant le liquide comme milieu de culture pour des micro-organismes qui développent la capacité des plantes à absorber les nutriments.

Pour se fournir en matière première, l’entreprise a mis en place un véritable réseau d’approvisionnement grâce à des partenariats avec des festivals de musique comme Rock en Seine ou Solidays en région parisienne, le parc d’attractions du Futuroscope de Poitiers ou encore certains collèges et lycées. Et la demande est forte : aujourd’hui Toopi Organics a également obtenu une autorisation de mise sur le marché dans plusieurs pays européens comme le Portugal, la Belgique, la Grèce et l’Espagne. D’ici 2027, 3,75 millions de litres d’urine devraient être collectés par le biais d’une vingtaine de sites en France.

Ça peut aussi vous intéresser :

⋙ Cette plante pourrait révolutionner l’agriculture française

⋙ Urine, sueur et bactéries : ce qu’il se passe vraiment dans l’eau du jacuzzi

⋙ Comment faire de l’engrais naturellement ?