Refaire sa vie, un événement devenu « banal »
Anne et Yves ont 48 ans. Elle est galeriste, lui universitaire. Divorcés et célibataires depuis plusieurs années, ils se rencontrent, un soir d’octobre 2020, lors d’un dîner chez des amis communs. Placés côte à côte, « le courant passe ». Ils se quittent en promettant de se revoir. « J’apprendrai, plus tard, que c’était arrangé ! » confie la quadragénaire dans un rire.
La situation, pour charmante qu’elle soit, n’en est pas moins classique. Alors que près d’un mariage sur deux (46 %) aboutit aujourd’hui à un divorce ? lequel intervient en moyenne autour de 42 ans ? et que l’espérance de vie atteint 82 ans (79 ans pour les hommes, 85 pour les femmes), les Français sont de plus en plus nombreux à « refaire leur vie ».
La « remise en couple » est « devenue un événement banal du parcours de vie », concluait ainsi Arnaud Régnier-Loilier, chercheur à l’Ined (Institut national d’études démographiques), dans une vaste enquête consacrée au sujet, parue en 2019. La moitié des Français de 25-50 ans retrouvent un partenaire dans les cinq années suivant la rupture, y précisait-il.
La vie intime ne s’arrête pas à 50 ans
«Ã‚ Les m?urs et la législation offrent aujourd’hui une forme de souplesse dans l’entrée et la sortie de couple. Et il est clair que l’on rompt désormais plus facilement, lorsqu’une situation ne nous convient ou ne nous satisfait plus », explique Christophe Giraud, sociologue spécialiste du couple et professeur àl’université Paris-Cité.
Une aspiration de tous les âges, si l’on en croit la nette augmentation des divorces après de 30 à 35 ans de mariage : leur nombre a été multiplié par neuf, depuis 1985 (Ined) et le taux de célibataires de plus de 50 ans désireux de vivre « une nouvelle histoire d’amour » atteint 63 % (Kantar pour Disonsdemain.fr).
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«Ã‚ Où l’on estimait ? particulièrement pour les femmes ? que la vie intime et amoureuse était terminée après 50 ans, il apparaît désormais naturel de chercher, àtout âge, un partenaire », commente Christophe Giraud.
En témoigne la multiplication, depuis une quinzaine d’années, des sites de rencontres (« Disons demain », « Meetic sénior », « Nos belles années »?) destinés à cette catégorie de la population. Une alternative vers laquelle se tournent aujourd’hui 38 % de quinquas et plus, « à la recherche d’une relation sérieuse » (Kantar).
Les partenaires n’ont plus les mêmes aspirations
Aspirations, besoins, contraintes? Ces histoires de deuxième ou troisième partie de vie recouvrent, de fait, une réalité bien différente des relations de première intention, souligne Catherine Demangeot, thérapeute de couple et autrice du podcast « Qui m’aime me suive ».
Après 40 ans, expose-t-elle, chacun a, généralement, bâti sa vie professionnelle, sociale, familiale et « les enjeux de la relation (réussir, acquérir, plaire?) ne sont plus les mêmes » : « Beaucoup perçoivent ces histoires comme l’opportunité de s’occuper (enfin) d’eux-mêmes. »
Une situation d’autant plus appréciable qu’on « n’est ni dans une situation d’urgence quant à ces accomplissements, ni, généralement, dans l’impatience d’être rassuré quant à son insécurité affective », observe la spécialiste. « On y gagne invariablement en légèreté ! »
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Ces paramètres ne poussent pas moins les personnes qui refont leur vie vers des partenaires « solides, fiables, sincères », note-t-elle. Car la question ? consciente ou non ? est aussi celle du « vieillir ensemble », et « il faut pouvoir compter l’un sur l’autre ».
«Ã‚ Je crois que ces relations, lorsqu’elles tiennent, sont plus affermies et plus lucides », abonde Anne. Plus éclairées aussi : « On ne se berce plus de l’illusion qu’il existe un partenaire parfait, on sait aussi mieux ce qui nous correspond et cherche àne pas reproduire les mêmes erreurs. »
Olivier*, 60 ans, le confirme. En couple avec Émilie*, 42 ans, qu’il s’apprête à épouser, le sexagénaire a déjà connu deux divorces. Sans acrimonie, il confie : « L’expérience change notre sensibilité, remodèle nos besoins et on se dirige vers des profils différents. À une femme autoritaire, on peut préférer la douceur? »
Le poids des normes et « fausses croyances »
Si les observations se rejoignent, hommes et femmes n’en abordent pas moins ce tournant sentimental de manière distincte. Ainsi, les femmes, relevait Arnaud Régnier-Loilier dans son enquête, rencontreraient leur nouveau conjoint avant les hommes, plus enclins, après une rupture, à multiplier les partenaires.
Une inclination qui n’empêche pas ces derniers d’être les plus susceptibles de refaire leur vie. Entre autres raisons : la présence d’enfants ? dont les femmes se voient majoritairement confier la garde ? mais aussi l’avancée en âge.
«Ã‚ Les normes bougent doucement, mais il est encore difficile, pour les femmes de 50 ans et plus, de retrouver l’amour? », confirme le sociologue Christophe Giraud. De fait, si à40 ans, hommes et femmes vivent aussi fréquemment àdeux, les statistiques creusent, à55 ans, un écart de 7 % (respectivement 83 % et 76 %).
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Un état de fait que la thérapeute de couple Catherine Demangeot impute moins à l’âge qu’à de « fausses croyances » : « Beaucoup ? à commencer par les femmes ? considèrent encore que, après 50 ans, l’amour est derrière eux. Or, cette idée limitante et autovalidante est prophétique ! »
Un conditionnement qui n’est pas non plus étranger au contexte de séparation ? lequel peut être particulièrement déstabilisant sur le plan affectif et conduire à la prudence. « L’amour, rappelle ainsi la spécialiste, dépend surtout de la capacité mentale et affective à être disponible pour une relation, à laisser entrer la nouveauté, l’altérité. »
Olivier d’abonder : « Être ouvert à une nouvelle relation n’est pas évident. Après un échec, on perd confiance en soi, on doute, on se dit ?plus jamais ça?. Et pourtant? »
* Les prénoms ont été modifiés
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