Mort de Paul Auster : les 3 livres indispensables
Mort de Paul Auster : les 3 livres indispensables
En 2007, l’hebdomadaire New York Magazine souligne qu’à chaque apparition publique de Paul Auster, écrivain auréolé du statut de « rock star à Paris », « ce qu’on entend en premier, c’est du français ». Publiée pour l’essentiel par Actes Sud, l’?uvre, extrêmement variée dans sa forme, du plus célèbre des habitants de Brooklyn est de fait aisément disponible en France (à l’exception tout de même de sa poésie plus confidentielle, publiée aux éditions Unes).
La disparition d’un auteur que l’on aime ? le romancier est mort mardi 30 avril à l’âge de 77 ans ? coïncide souvent avec le besoin de revisiter ses livres. En ce qui concerne Paul Auster, le choix est large : livres d’entretiens (signalons sa belle correspondance avec le Prix Nobel sud-africain J. M. Coetzee), romans, essais ou même biographie (il signe en 2021 Burning Boy, sur la vie du poète et romancier du XIXe siècle Stephen Crane)? Que choisir parmi les dizaines de livres publiés au fil d’une carrière de près de cinquante ans ? Voici les suggestions du Point. À LIRE AUSSI Mort de Paul Auster, géant des lettres américaines
1. La Trilogie new-yorkaise
Cité de verre, Revenants et La Chambre dérobée sont les trois romans qui composent la fameuse Trilogie new-yorkaise par laquelle Paul Auster est devenu célèbre à la fin des années 1980. On en vante souvent le sens de l’atmosphère, l’hommage ultra-maîtrisé à Borges et Kafka, le côté film noir réinventé, le jeu des identités multiples (dans le premier volume, le héros, Daniel Quinn, est pris pour un Paul Auster détective alors qu’il est lui-même romancier sous le pseudonyme, hommage à Edgar Allan Poe, de William Wilson?). Il faut aussi dire l’exceptionnelle saveur littéraire de ces textes, le plaisir que l’on a à suivre Paul Auster avec son humour et son inventivité dans les méandres de son récit? D’autant qu’en une phrase limpide, il résume toute sa philosophie : « bien plus tard, lorsqu’il pourrait réfléchir à ce qui lui était arrivé, il en conclurait que rien n’est réel sauf le hasard ».
Traduit par Pierre Furlan, Actes Sud, 448 pages, 10,20 euros en poche, 1991 pour l’édition française.À LIRE AUSSI Quand Paul Auster remonte le temps
2. Chronique d’hiver
Souvent présenté comme l’histoire d’un corps parce qu’il met l’accent sur les expériences sensorielles vécues depuis l’enfance, ce livre dense et saisissant est aussi une autobiographie partielle, partiale et bouleversante. L’écriture s’y fait sensuelle et précise pour évoquer les sensations physiques des jeunes années qui restent, des décennies plus tard, tout aussi puissantes qu’au moment où elles furent éprouvées. Il s’agit d’explorer « ce qu’a été cette sensation de vivre à l’intérieur de ce corps, depuis le premier jour où tu te souviens avoir été en vie, jusqu’à ce jour. Un catalogue de données sensorielles. Ce qu’on pourrait appeler une phénoménologie de la respiration ». On y lit aussi les plus belles pages consacrées par l’auteur à sa femme, Siri Hustvedt, une déclaration d’amour dépourvue de tout sentimentalisme, soulignant avec force l’importance d’une communion des âmes dans un mariage heureux.
Traduit par Pierre Furlan, Actes Sud, 192 pages, 22,50 euros, 2013.
3. Une vie dans les mots : conversations avec I.B Siegumfeldt
Dans le scriptorium : c’est le titre de l’un des essais de Paul Auster (il date de 2007), et c’est là aussi que nous entraîne Une vie dans les mots, passionnante discussion avec une spécialiste danoise de son ?uvre, Inge Birgitte Siegumfeldt. Le scriptorium, c’est au fond le cerveau de l’auteur, sa fabrique de mots. Le dialogue s’organise autour de grands thèmes : certains obligés (le langage, le corps, la judéité), d’autres spécifiques à l’auteur de Moon Palace ? les espaces blancs, les doubles des personnages masculins? La richesse du livre vient de ce qu’il est aussi construit autour d’extraits d’?uvres. Le propos n’est jamais abstrait mais irrigué par la connaissance profonde qu’a l’universitaire du monde romanesque de Paul Auster. Et lorsque le romancier affirme qu’« avant de trouver le chemin de la page, un mot doit d’abord avoir fait partie du corps », la lecture de Chronique d’hiver ou d’Excursions dans la zone intérieure (2014) s’enrichit encore.
Traduit par Céline Curiol, Actes Sud, 344 pages, 23,80 euros, 2021.