Lysistrata, chaos technique

Pourquoi le rock échapperait-il à la soif de nouvelles têtes ? Donc pour éviter d’être chassé du podium par les nouveaux venus, il serait bien vu de maintenir une activité discographique soutenue. Sous peine de disparaître des radars (comprendre playlists) privilégiant la prime à la jeunesse. Catastrophe : on n’avait pas eu de nouvelles de Lysistrata depuis 2019. Soi-disant une éternité à l’échelle musicale d’aujourd’hui. Entre-temps les We Hate You Please Die, Slift, MMNQS, ou autres Johnny Mafia et The Psychotic Monks sont montés en puissance et ont occupé le terrain d’une scène rock hexagonale, elle aussi en perpétuel renouvellement. Pourtant, on n’avait jamais ghosté ce furieux trio de Saintes (Charentes), formé il y a plus d’une décennie, biberonné au rock alternatif/hardcore des années 90 d’ici (les Thugs) et d’ailleurs (Fugazi), retranscrit dans leurs compositions tendues et enflammées avec une énergie quasi-punk. Niveau abrasif, Breathe In/Out, leur précédent disque jouait le rôle de mètre étalon où ils domptaient savamment un chaos sonique de toute beauté.

Paradoxe, le groupe plutôt réputé pour faire parler l’électricité, entame son troisième album par une ballade sépulcrale acoustique. Les accents Nirvana Unplugged de ce frissonnant Tangled in the Leaves illustre parfaitement la variété des paysages que l’on va traverser tout au long de ce Veil heureusement toujours habité du caractère viscéral proposé par le batteur-chanteur aux origines anglaises Ben Amos Cooper, le guitariste Théo Guéneau et le bassiste Max Roy (les deux étant également vocalistes). Si la fureur, une certaine forme épique nourrissent le disque, on ressent moins cette sensation d’étouffement portée par leur verve bruitiste gargantuesque. L’infranchissable mur du son comporte son lot de briques de respiration (les sophistiqués Okay ou Artifice). Lysistrata affiche aujourd’hui la complexité fiévreuse d’un groupe parfaitement maître de son destin. Sans se soucier de la concurrence présente ou future. Ils ont bien raison.

Lysistrata Veil (Vicious Circle). En concert les 21 et 22 mars à Paris (La Maroquinerie).

Lysistrata

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