Neuro-architecture : quand l’architecture participe au mieux-être des personnes autistes

neuro-architecture : quand l’architecture participe au mieux-être des personnes autistes

La neuro-architecture est encore, en France, à ses tous débuts.

Encore balbutiante en France, la neuro-architecture vise à offrir des espaces mieux adaptés aux besoins des personnes neuro-atypiques

Plus que tout autre, les personnes neuro-atypiques dont celles qui vivent avec des troubles du spectre autistique, sont sensibles à leur environnement. Un environnement qui, s’il n’est pas adapté, peut devenir une source de stress, d’anxiété sinon de souffrance entraînant potentiellement des réactions violentes et des comportement auto-agressifs. Un état de fait qu’aujourd’hui, les conceptions architecturales, qu’elles soient dédiées aux personnes autistes ou non, ont encore du mal à prendre en compte.

C’est dans ce contexte que se développe aujourd’hui la neuro-architecture. Hajer Hati, architecte et doctorante à l’Institut des sciences cognitives à Bron et pionnière de la recherche sur le sujet explique :

Souvent lorsque l’on est architecte, on regarde ce qui a été fait par le passé et l’on part d’un positionnement subjectif. Mais dès lors que l’on s’emploie à bâtir des espaces qui visent à répondre aux besoins des personnes neuro-atypiques, cette subjectivité n’a plus sa place. En effet, il s’agit alors d’investiguer la recherche en neurosciences pour offrir des réponses architecturales adaptées.

Elle insiste en effet sur le fait que “ce qui est bien pour une personne neurotypique ne l’est pas forcément pour une personne neuroatypique” – pas question de verser dans le “well being” ou l’ “autism friendly” basés, sans fondement scientifique, sur ce que les personnes neurotypiques pensent savoir de la perception des espaces par les personnes autistes.

Modularité et adaptabilité pour répondre à des besoins sensoriels

Hajer Hati souligne ainsi l’importance d’une association entre neuroscientifiques, cliniciens, architectes et personnes concernées pour déployer des études ad hoc permettant de quantifier l’impact de variables architecturales et d’évaluer les préférences des personnes autistes en matière d’environnement et d’aménagement des espaces

Une chose est sûre : la modularité et l’adaptabilité sont de mise tant le spectre de l’autisme est large et tant chaque personne autiste éprouve sa neuroatypie à sa manière : “Certaines personnes sont hypersensibles alors que d’autres sont hyposensibles : les mêmes effets peuvent être perçus différemment selon chacun et chacune”, signale l’architecte. Ainsi, certaines personnes autistes recherchent la pleine lumière, une vision panoramique de leur environnement et les espaces bruyants quand d’autres préférèrent une semi-pénombre, avec une vue restreinte et peu de sollicitations auditives.

L’architecture, c’est l’inclusion

C’est cette recherche d’une adéquation à des besoins sensoriels spécifiques et d’une modularité qui est aujourd’hui au cœur de la construction d’une nouvelle unité d’hospitalisation au CH Le Vinatier. Elle est destinée à des adultes et jeunes adultes concernés par les troubles du spectre autistique. Alors que l’inauguration est prévue pour cet été, la Pre Caroline Demily, psychiatre et chef de pôle, explique :

Cette unité servira de laboratoire pour tester l’efficacité des dispositifs pensés par et pour les résidents et en adéquation avec ce que la recherche en neurosciences nous apprend de leur sensibilité à leur environnement.

Tout en reconnaissant certains biais comme la difficulté à inclure des personnes non verbales et/ou avec trouble du développement intellectuel rendant difficile l’expression des besoins, elle ajoute : “Nous avons dans l’idée que l’on peut rendre l’espace confortable sur le plan sensible et apaiser certains troubles du comportement en aménageant ainsi l’espace.”

Lionel Tabaret, l’architecte en charge du projet, explique comment il a conçu ce nouvel espace : “Nous avons travaillé sur une base programmatique qui nous a permis d’élaborer des scenarii, des parcours de résidents au sein de l’établissement. Un des principaux enjeux a été de gérer la lumière afin qu’elle ne soit jamais gênante, qu’il y ait une certaine clarté mais sans jamais éblouir”

Autre enjeu : créer des parties communes qui soient des lieux de vie et donnent aux résidents l’envie de sortir de leur chambre : “Nous avons conçu une grande halle, un espace de déambulation avec des alcôves , des espaces intimistes que chacun peut s’approprier.” Et, alors que le lieu vise à faire le lien entre la santé et la détente, l’architecte souligne également l’importance de “créer des repères qui permettent de personnaliser les chambres et de permettre aux résidents de retrouver les codes du chez soi”.

Aujourd’hui, la neuro-architecture est encore, en France, à ses tous débuts mais on peut attendre, qu’au delà du Vinatier et des besoins spécifiques des personnes concernées par les trouble du spectre autistique, elle pourra trouver des applications dans la conception notamment des écoles, EHPAD, établissements sociaux ou encore prisons qui ne sont pas adaptés aux spécificités sensorielles de leur public.

“L’architecture, c’est l’inclusion” conclut Lionel Tabaret. Les neurosciences pourraient à l’avenir y contribuer.

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