Meurtre de Matisse : des banderoles identitaires déployées à Châteauroux à la veille de la marche blanche
La famille de Matisse, mort poignardé à Châteauroux samedi 27 avril, a appelé à une marche blanche “solidaire” et refusé que quiconque ne “s’approprie” le drame. DR
Les proches de Matisse, 15 ans, tué par un adolescent du même âge le 27 avril, avaient appelé sans relâche à refuser toute récupération politique de la tragédie, mais leur appel n’a visiblement pas été entendu par tous. À la veille d’une marche blanche en hommage à l’adolescent prévue ce samedi, des dizaines de militants masqués et vêtus de noir ont investi la place de la République de Châteauroux (Indre) vendredi soir, devant la mairie, munis de drapeaux tricolores et de banderoles portant les messages « Justice pour Matisse » et « Français réveille-toi », relate France Bleu.
L’un des protestataires, prénommé Julien, a lu un texte faisant écho à la mort de Matisse, concluant son discours par « Afghans dehors ». Une référence à la nationalité de deux mis en cause dans cette affaire : l’agresseur présumé de Matisse, mis en examen lundi soir pour « meurtre » et placé en détention provisoire, et sa mère, âgée de 37 ans et soupçonnée d’avoir « asséné des gifles à la victime » blessée, mise en examen pour « violences volontaires » sur « personne vulnérable ». Bien que tous deux soient en situation régulière en France, plusieurs figures de la droite et de l’extrême droite ont critiqué à la suite du drame la « politique migratoire » du gouvernement.
Selon France Bleu, le groupe identitaire à l’origine de cette mobilisation s’appelle « Animus Fortis », « La force de l’âme en latin », et rassemble des militants venus de Châteauroux et de Bourges. L’un d’eux, Julien, le qualifie lui-même de « nationaliste révolutionnaire ».
Un hommage sous haute surveillance
Sur ses réseaux sociaux, le groupe se définit comme une « communauté militante et enracinée ». Il se serait également mobilisé en novembre après la mort du jeune Thomas à Crépol, dans la Drôme, partageant des photos de plusieurs militants arborant des banderoles « Justice pour Thomas et « L’immigration tue » au-dessus d’un pont. Créé en 2018, il s’était installé deux ans plus tard dans un local du centre-ville de Bourges, et est surveillé par la préfecture, selon Le Berry républicain.
Auprès de France Bleu, Julien a toutefois assuré qu’il ne se rendra pas à la marche blanche à la mémoire de Matisse prévue ce samedi à compter de 15h30, au départ de la place La Fayette. Mais les autorités s’attendent tout de même à ce que des militants d’extrême droite soient présents. Pour éviter tout débordement lors de l’hommage, la préfecture a décidé du « renfort d’une compagnie de CRS » aux côtés des gendarmes et policiers du département, de la tenue de « contrôles sur les sorties d’autoroute et sur les entrées de l’agglomération de Châteauroux ».
« Tout acte qui tendrait àutiliser cette marche blanche et ne serait pas conforme àl’esprit républicain, sera avisé de près par les forces de sécurité », a prévenu le préfet de l’Indre Thibault Lanxade. La marche, dont le parcours n’est pas dévoilé pour des « raisons de sécurité », « passera probablement devant le restaurant du père de Matisse (Jeux 2 Goûts, NDLR), avec une déambulation dans la ville », a-t-il indiqué. Selon lui, de « 3 000 à10 000 personnes » sont attendues dans cette commune d’ordinaire paisible de 43 000 habitants.
« Il aimait tout le monde, je veux que tout le monde soit comme ça »
La famille de l’adolescent avait souhaité que cet hommage se déroule « dans un esprit serein et solidaire », invitant « tous les participants à faire preuve de respect tout au long du parcours », selon un communiqué de la métropole.
Depuis plusieurs jours, le père de Matisse, Christophe Marchais, avait martelé qu’il ne souhaitait pas que cette tragédie soit reprise politiquement. « Ne mélangeons pas tout. Faites attention à tous les bords de droite ou d’ailleurs qui s’approprient ce genre de chose », a-t-il notamment déclaré au micro de RTL. Auprès de France 3 Régions, il a également déclaré ne pas vouloir « que qui que ce soit s’approprie la mort de Matou (son fils, NDLR), de quelque bord que ce soit ». « Il aimait tout le monde, je veux que tout le monde soit comme ça », a-t-il insisté.
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Dans un texte publié sur son compte Facebook en hommage à son fils en début de semaine, le père endeuillé disait aussi écarter « la haine et la colère », des options « légitimes » mais dont le choix « nous rabaisserait au niveau des deux monstres qui t’ont froidement assassiné ». La famille « ne souhaite pas qu’on parle d’immigration, qu’on parle de la nationalité. Ce n’est pas quelque chose qui leur ressemble », avait aussi rapporté dès lundi le maire de la ville Gil Avérous, lors d’une conférence de presse.
Quant à l’agresseur présumé de Matisse, des photos de lui, de ses parents et des liens vers ses comptes personnels ont été partagés sur les réseaux sociaux et dans des boucles de messagerie cryptée. Compte tenu de « pressions » et de la présence de « très jeunes enfants » au sein de cette famille, le préfet de l’Indre a assuré à l’AFP que « des moyens ont été mis en œuvre pour les sécuriser dès jeudi soir ». Une magistrate, qui n’a pas été impliquée dans l’affaire, a par ailleurs fait l’objet d’une vague de haine en ligne, menant le parquet de Bourges à prendre sa défense.