Manifestations du 1er Mai : la CFDT et la CGT côte à côte à Paris et dans la moitié des cortèges
En 2023, la manifestation du 1er Mai avait vu défiler un cortège unitaire sur fond de lutte contre la réforme des retraites. LP/Arnaud Journois
Le 1er mai 2024 reprend ses accents traditionnels. Loin des cortèges unitaires de 2023 réunis sous la bannière du refus de la réforme des retraites, cette fête internationale des travailleurs renoue cette année avec ses habitudes du passé. Des défilés plus politiques, probablement peu fournis avec des niveaux conformes aux mobilisations de ce type (en 2022, cela oscillait entre 116 000 manifestants selon la police et 210 000 selon les syndicats) et une unité syndicale limitée.
Beaucoup gardent encore en tête l’image des huit organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) défilant bras dessus bras dessous il y a un an, toutes très remontées contre la publication au JO de la loi sur les retraites (le 14 avril). Et celle d’une mobilisation record (entre 800 000 et 2,3 millions selon la police et les syndicats). Du jamais-vu, ou presque, dans l’histoire des mobilisations du 1er Mai. « Une exception dans l’histoire syndicale récente » rappelle-t-on dans les différents QG syndicaux.
Paix, Europe et austérité : les trois grands thèmes
Pour ce cru 2024, les slogans et mots d’ordre sont larges et dispersés autour de trois grands thèmes : pour la paix, une Europe « plus protectrice », « contre l’austérité ». La CGT, FSU, et Solidaires, ainsi que des organisations de jeunesse dont l’Unef, la Fage ou le MNL (Mouvement national lycéen), lancent un appel commun à déambuler pour les salaires, contre les profits indécents et les « cadeaux au patronat », mais aussi « la défense des libertés » (notamment syndicale) ou encore la paix face aux principaux conflits (entre la Russie et l’Ukraine, ou entre Israël et le Hamas et la situation à Gaza).
Dans son mot d’ordre national, la CFDT choisit, elle, de mettre en avant la revendication d’une « Europe plus ambitieuse pour les travailleurs et les travailleuses » à l’approche des élections européennes du 9 juin. « Avec aussi en exergue, le risque de l’extrême droite au pouvoir, et l’importance de la démocratie » complète Béatrice Lestic en charge de cette journée et des questions internationales à la CFDT. Quant à l’Unsa, elle appelle à se mobiliser en pointant notamment le « pouvoir d’achat en berne » ou la « stigmatisation des chômeurs et des plus pauvres ». De son côté, le syndicat FO n’est pas très disert. Il dit défendre « ses propres positions et revendications ». Quant à la CFE-CGC, le syndicat des cadres renoue avec ses vieilles habitudes, en zappant les défilés.
La belle entente sacrée scellée par la réforme des retraites aurait-elle fait long feu ? En apparence seulement. Car si les slogans sont éparpillés un peu façon puzzle, il ne faut pas s’y tromper. La spécificité de ce cru 2024 se trouve dans la composition des défilés. Des cortèges quasi-unitaires avec la présence des deux grandes organisations syndicales françaises. Une pratique aux antipodes des précédents 1er Mai depuis des dizaines d’années, où chacun était dans son coin. À Paris, dans le cortège qui partira à 14 heures entre la place de la République et la place de la Nation, CFDT et CGT seront côte à côte. La confédération Force ouvrière, elle, a décidé, a décidé de faire bande à part, son noyau dur se contentera de se rendre comme à l’accoutumée au mur des Fédérés au cimetière du Père Lachaise (XXe).
« L’intersyndicale est en pause »
En province, même topo, la CFDT sera dans la moitié des cortèges aux côtés de la CGT. « Hors exception 2023, cette année, il y a plutôt plus de convergences que les autres années pour faire de ce 1er Mai celui où tout le monde ou presque se mobilise pour lutter pour les droits des travailleurs », confirme Béatrice Lestic de la CFDT. « On sait bien qu’à la rentrée ça va être terrible socialement et qu’il va falloir qu’on arrive à résister et remettre en place un front commun face aux réformes sur la loi Travail 2, la fonction publique, l’assurance chômage » fait valoir Céline Verzeletti de la CGT préoccupée par l’issue des européennes. « Ça va être quoi, après ? » lance-t-elle.
Fait notable, certaines unions départementales du syndicat de Frédéric Souillot (FO) ont décidé, à rebrousse-poil des positions confédérales, de se joindre à des appels communs pour ce 1er Mai dans une vingtaine de départements.
« Il n’y a pas de signe de fin de l’intersyndicale mais une mise en pause. Elle continue, sauf pour les confédérations syndicales les plus réticentes qui ne manifestent pas le 1er mai aux côtés des autres », observe Laurent Frajerman, spécialiste des mouvements sociaux et des syndicats. Selon lui, « les grandes organisations de salariés, comme la CFDT devenue aujourd’hui plus combative, ont bien compris l’importance de laisser un rapport de force, avec la possibilité de lancer de fortes mobilisations le moment venu, face àl’attitude d’Emmanuel Macron et la perspective d’un dialogue social et d’un consensus au point mort, voire impossible » .