Manifestation pro-palestinienne à Columbia : l’université menace de « renvoi » les étudiants qui occupent un bâtiment
Des militants dans des tentes devant l’université Columbia, le 29 avril 2024. AFP/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/Alex Kent
L’université Columbia à New York, confrontée depuis deux semaines à un mouvement d’étudiants et de militants pro-palestiniens, a menacé mardi de renvoyer ceux qui occupent depuis la nuit dernière un bâtiment du campus.
« Nous déplorons que des manifestants aient choisi par leurs actions la voie de l’escalade (…). Les étudiants qui occupent le bâtiment font face (àun risque) de renvoi », a écrit dans un communiqué Ben Chang, porte-parole de Columbia.
Au lendemain d’un week-end relativement calme sur le campus, où est installé un « village » de tentes, la présidente de Columbia Minouche Shafik a lancé lundi un ultimatum expirant à 18 heures GMT. Elle a exhorté 200 occupants d’un campement à partir, à la suite de l’échec de cinq jours de négociations pour une solution à l’amiable.
« Pas un exemple », selon Biden
De son côté, Joe Biden, par la voix d’un porte-parole, a critiqué cette occupation dans l’université d’où est partie la vague qui secoue les campus américains depuis plus de deux semaines.
Le président américain « pense qu’occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche » et n’est « pas un exemple de manifestation pacifique », a exprimé John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, organe rattaché à la Maison Blanche.
Les étudiants et militants pro-palestiniens exigent que Columbia, université privée, coupe les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël. Ils ont appelé à « protéger le campement ». « Nous ne serons pas délogés, sauf par la force », a crié lors d’un point de presse Sueda Polat, une dirigeante étudiante du mouvement en dénonçant « une tactique pour faire peur qui ne signifie rien face à la mort de plus de 34 000 Palestiniens ».
Des dizaines de jeunes ont défilé, le visage caché par des masques sanitaires, marchant autour du campus en tapant des mains et en chantant « Libérez la Palestine », selon une journaliste de l’AFP qui a dénombré une cinquantaine de personnes restantes dans le petit campement dans une atmosphère détendue et sans présence policière.
350 personnes interpellées ce week-end
Columbia avait assuré vendredi qu’elle ne ferait pas appel à la police de New York pour évacuer les tentes. Mais pour Joseph Howley, professeur à Columbia, l’ultimatum lancé par la présidente Shafik équivaut à « céder aux pressions politiques externes ».
La nouvelle vague du mouvement d’étudiants et de militants contre la guerre que conduit Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a gagné nombre d’établissements, de la Californie (ouest) à la Nouvelle-Angleterre (nord-est) en passant par le centre et le sud du pays. Au cours du week-end, plus de 350 personnes ont été interpellées dans plusieurs universités à travers le pays et le campement de Boston a été démantelé.
À l’université du Texas à Austin, un campement a aussi été démantelé et quelques personnes interpellées. Lundi, la police a utilisé des bombes lacrymogènes au poivre face aux manifestants. « Aucun campement ne sera autorisé », a déclaré le gouverneur conservateur du Texas, Greg Abbott sur les réseaux sociaux. L’avocat Paul Quinzi, qui défend à Austin des personnes détenues, a dit à l’AFP estimer « à au moins 80 le nombre d’arrestations » qui « continuent ».
Le mouvement est parti de Columbia où cent personnes avaient été interpellées le 18 avril. Les images de policiers antiémeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde.
L’ONU s’est d’ailleurs dite « inquiète » ce lundi de « l’impact disproportionné » des interventions de la police sur des campus d’universités aux États-Unis. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit troublé « par une série de mesures musclées prises pour disperser et démanteler les manifestations », souligne un communiqué. « La liberté d’expression et le droit de réunion pacifique sont fondamentaux pour la société – en particulier lorsqu’il existe de profonds désaccords sur des questions majeures, comme c’est le cas en ce qui concerne le conflit dans le territoire palestinien occupé et en Israël », a déclaré Volker Türk.
Un « campus dépassé par des étudiants antisémites »
Les manifestations ont ravivé le débat tendu depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, sur la liberté d’expression, un droit constitutionnel et des allégations d’antisémitisme. Cet hiver, les deux présidentes d’universités de Harvard et de UPenn ont dû démissionner après avoir été accusées devant le Congrès à Washington de ne pas faire assez contre l’antisémitisme.
D’un côté, des étudiants et enseignants accusent leurs universités de chercher à censurer la libre expression politique, de l’autre plusieurs personnalités, dont des élus républicains, estiment que les militants attisent l’antisémitisme. Des étudiants juifs ont rejoint les rangs des mobilisations propalestiniennes. Mais « nombre de nos étudiants juifs, et d’autres, ressentent ces dernières semaines une ambiance intolérable. Beaucoup ont quitté le campus et c’est une tragédie », déclare dans son communiqué la présidente de Columbia. Minouche Shafik a en outre affirmé que l’université ne se désengagerait pas de ses investissements en Israël.
Le chef des républicains à la Chambre des représentants, Mike Johnson, a dénoncé sur X un « campus dépassé par des étudiants antisémites » et appelé Minouche Shafik à démissionner. Dimanche, la Maison Blanche a appelé les manifestations de soutien à Gaza à rester « pacifiques » et condamné « les propos antisémites ». La porte-parole du président Joe Biden, Karine Jean-Pierre, a rappelé lundi que « la liberté d’expression devait se faire dans le cadre de la loi et du droit ».