Manifestation du 1er-Mai : Faible mobilisation à Paris mais « c’est le calme avant la tempête, on va revenir très fort »
Les syndicats ont revendiqué 50.000 manifestants ce mercredi à Paris pour la fête du travail, contre 18.000 pour les forces de l’ordre. Loin de la mobilisation du 1er mai 2023. Cette petite affluence n’inquiète pas forcément dans le cortège
La manifestation de ce 1er mai 2024 à Paris a été marquée par les très nombreuses revendications sans lien avec le travail comme celle des Kanaks venus demander l’annulation du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
« Retour à la normale » – Les syndicats ont revendiqué 50.000 manifestants ce mercredi à Paris pour la fête du travail, contre 18.000 pour les forces de l’ordre. Loin de la mobilisation du 1er mai 2023. Cette petite affluence n’inquiète pas forcément dans le cortège
On n’ira pas jusqu’à dire que la manifestation de ce 1er mai à Paris était confidentielle. Mais pour les habitués du parcours place de la République-place de la Nation, la mobilisation de ce mercredi a pu paraître a minima « réduite ». Les sonos avaient beau cracher « On lâche rien » et autre « Motivés », les manifestants avaient beau s’époumoner, le bitume paraissait parfois clairsemé pour ce qui est habituellement le grand rendez-vous annuel des revendications sociales.
Si la police a recensé 18.000 manifestants, les syndicats en ont compté 50.000. Loin des 550.000 revendiqués pour la même occasion en 2023. « Il faut faire attention au miroir déformant. Les dernières mobilisations étaient assez exceptionnelles », met en garde Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis pour expliquer l’impression de démobilisation.
Selon l’élue, l’ampleur des manifestations contre la réforme des retraites a été telle qu’un simple « retour à la normale » peut se grimer en essoufflement : « La colère et la mobilisation contre le pays et dix années de lois libérales sont toujours présentes chez les Français. »
Tout de même embêtés, certains porte-parole syndicaux essaient de mettre en avant la date, cette année « située entre plusieurs ponts et jours fériés », la météo qui place Paris en « alerte orange aux orages virulents ». Mais tous finissent par admettre que les rues de Paris sonnent un peu creux après les grandes manifs de 2023.
« Les élections européennes intéressent peu »
«Ã‚ Les élections européennes intéressent peu, explique Bernard qui marche avec le convoi de la CGT, même la position de favori du RN ne choque plus. » Même son de cloche pour Nathalie Hocdé, membre exécutif de la CFDT ÃŽle-de-France. Selon elle, l’Europe a du mal àintéresser les salariés : « Pour beaucoup, l’Union européenne n’est qu’un problème, c’est difficile d’expliquer que non, au contraire, elle peut être une solution. » La position du RN ? « Un sujet sensible dans beaucoup d’entreprises. »
Même la situation à Gaza, omniprésente dans le cortège parisien, n’a pas suffi à remplir les rangs. « La question de la Palestine a toujours été présente dans les manifestations sociales. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, elle est centrale », estime Sarah au milieu des drapeaux palestiniens sur la place de la République. Son amie Raquel tempère toutefois : « Le truc c’est que les soutiens des Palestiniens sont déjà des personnes qui se mobilisent pour d’autres questions habituellement, donc ce ne sont pas des personnes en plus dans le cortège, ou alors assez peu. »
Une remarque valable pour les défenseurs de l’Ukraine ou les anti-JO, plus visibles que les années précédentes, sans doute une question de proportion plus que de nombres, à l’exception du très animé cortège des Kanaks venus demander l’annulation du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
La violence des matraques intimide
Parmi les présents du jour, plusieurs confessent également que le gouvernement a réussi à instaurer une certaine peur dans l’esprit des potentiels inscrits à la marche du jour. Hadrien, 26 ans et cadre dans l’ingénierie informatique, avoue s’être « fait lâcher » par des amis qui craignent les affrontements avec les forces de l’ordre : « À force de balancer des lacrymos au milieu de la foule et de taper à tout-va comme ça au hasard, on se dit qu’on peut finir dans le coma ou avec un œil en moins même si on ne fait rien et qu’on essaie de se tenir à l’écart. Forcément, ça finit par intimider. » Quelques minutes après ses mots, les premiers heurts entre manifestants et CRS éclatent en tête de cortège.
Et les coups de matraques ne sont pas les seuls à avoir fait mal à la mobilisation sociale. Les 49.3 du gouvernement Elisabeth Borne sont encore dans tous les esprits. « Je comprends ceux qui se découragent malgré des manifestations exceptionnelles, des combats, des débats, ils n’entendent rien et passent tout en force. Même moi qui milite depuis mes 14 ans, parfois je me demande à quoi bon ? », s’exaspère Tina, 27 ans, devant un drapeau des jeunes communistes.
« Il y a de grands combats à venir »
Selon Hervé, cinquante-deux ans de militantisme, peut-être la société a-t-elle atteint un point de non-retour. « Tant qu’il y a de l’espoir, les gens se battent, solidaires. Mais quand on sait que tout est fini, c’est chacun pour sa gueule. »
Reste que pour la grande majorité des manifestants interrogés, dont Clémentine Autain, la situation n’est qu’une simple pause après les grands efforts de 2023. Martin, 37 ans, préfère y voir la mer qui se retire avant un tsunami : « C’est le calme avant la tempête. Il y a de grands combats à venir avec les nouvelles réformes du chômage et du travail, sans compter les prochains scores du RN. On va revenir très, très fort. C’est nécessaire et certain. »
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