Son père Johnny, sa famille, ses projets… Les confidences de David Hallyday
Son père Johnny, sa famille, ses projets… Les confidences de David Hallyday
David Hallyday sort son autobiographie. De quoi s’épancher sur sa vie pas toujours facile de fils de deux immenses idoles, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan ? De quoi donner enfin sa version des faits quant à la sombre saga de l’héritage de son père ? Pas vraiment. Le chanteur-compositeur de 57 ans demeure pondéré dans ses propos, il offre un témoignage élégant et distancié sur sa construction tant personnelle que professionnelle. Jamais il ne donne de détails graveleux ou ne tacle son père et ses errements. Pas un mot sur la veuve de Johnny, dont il ne cite d’ailleurs pas le prénom et dont il ne saurait être question dans cet entretien. David Hallyday entend défendre son grand projet, après sa reprise de la chanson « Requiem pour un fou » : une tournée l’an prochain lors de laquelle il chantera les chansons de son père et les siennes.
Le Point : En vous lisant, on a l’impression que votre beau-père Tony Scotti a été presque plus important dans votre construction que votre père, Johnny Hallyday, dont vous soulignez l’absence?
David Hallyday : Je parle des doutes et des insécurités liés à ce manque. Je ne lui reproche pas, j’ai aimé mon père. J’exerce le même métier, j’ai eu des enfants, je peux le comprendre. C’était une autre époque. Ce n’était pas facile pour moi, mais pour lui non plus, il m’a eu à 23 ans. Sa notoriété explosait, tous les excès étaient acceptés, je me suis mis à sa place. Quand on est père soi-même et que l’on tente de procéder différemment, on comprend la difficulté de l’entreprise. Dans les années 1970, les hommes ne poussaient pas de landau, surtout ceux qui faisaient du rock. Le modèle paternel a évolué.
Votre père fut bien plus paternel avec ses deux dernières filles?
Oui. Il s’est affranchi de certaines choses. Il a rattrapé le temps perdu avec ses autres enfants. Et tant mieux.
Vous faites preuve de calme et de philosophie à son égard?
Comment peut-on se comporter autrement ? Je ne suis pas passé par la case rébellion. Jeune, j’avais la solitude confortable et j’ai gardé ce plaisir. C’est un superpouvoir d’être à l’aise avec soi-même. Et j’avais la musique : une vocation, pas une passade. J’étais batteur de formation, j’ai commencé le piano à 7 ans. Heureusement que j’ai eu cette passion, je n’étais pas bon ailleurs, ça m’a sauvé. Cette bulle m’a protégé. Je n’étais pas bavard, j’ai pu exprimer en notes ce que je n’arrivais pas à dire à mon entourage, toutes mes insécurités. La musique fut libératoire.
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Mais c’est votre beau-père qui fut décisif?
Oui. Mon père le fut, mais différemment. Je profitais comme je le pouvais de sa présence pour lui parler avant qu’il ne parte, mais Tony s’est intéressé à moi. Il m’a convaincu de me mettre sur le devant de la scène. J’avais peur. Pas forcément de me confronter à mon père, je ne pensais pas nécessairement à mes parents, mais je ne pensais pas vouloir cette place. Je dois beaucoup à Tony, je n’avais aucune stratégie de carrière. Les familles recomposées, on le sait, ne sont pas toujours aussi fonctionnelles. Quand il est arrivé dans ma vie, j’ai résisté, mon père ne vivait pas avec nous au quotidien et je ne comprenais pas pourquoi un autre homme tiendrait le rôle. Mais il m’a aimé, il s’occupait de moi. Et il a été formidable avec mon père, les deux s’entendaient très bien. Ils entretenaient de bons rapports. Entre gens intelligents, aucune raison que cela se passe mal.
Sylvie Vartan, Tony Scotti et David Hallyday © KENT TONY/SIPA / SIPA / KENT TONY/SIPA
Sylvie Vartan, Tony Scotti et David Hallyday © KENT TONY/SIPA / SIPA / KENT TONY/SIPA
Vous avez une phrase dans votre livre, au moment d’aborder la folie médiatique et les problèmes liés à l’héritage de votre père : « Ce que l’on espère chez son adversaire : du talent. En l’occurrence, nous ne pouvions qu’être déçus. » Visez-vous une personne ?
Beaucoup imaginent des tas de sous-entendus, or il y en a assez peu. Ce n’est pas un livre revanchard. Le passé est le passé, il faut avancer, même si des actes restent irréparables. C’est la vie, cela arrive à beaucoup de gens. C’est impudique de mettre sa peine au-dessus de celle des autres, de la partager en public. Je n’ai pas été élevé ainsi.
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Voilà 6 ans que votre père est mort, vous avez décidé de reprendre et de réarranger ses chansons, de les mélanger aux vôtres pour une grande tournée qui débutera en 2024. Pourquoi ?
Cela correspond à une envie. D’autres le font, en ont-ils davantage le droit ? Je me suis mis au service de mon père plusieurs fois, on me l’a rappelé tout au long de ma carrière, je ne vais pas l’oublier maintenant. Et d’un point de vue créatif, c’est inconfortable, or cette sensation me plaît. On ne touche pas un catalogue artistique comme celui de mon père comme ça. Je défie quiconque de s’y aventurer. Je vais raconter une histoire de famille pendant deux heures de concert. La musique était ce qui nous unissait le plus, lui et moi, notre passion commune. Je vais continuer l’aventure « Sang pour sang ». Laura va d’ailleurs réaliser le deuxième clip. C’est son histoire aussi, j’ai adoré travailler avec elle.
Avez-vous écouté « Un cri », la chanson inédite de votre père produite par Yodelice ?
Récemment, mais je ne savais pas qu’elle sortait. Si cela fait plaisir aux fans, tant mieux? Nous ne sommes pas dans la même position. « Requiem pour un fou » est sorti en 1976, j’avais 10 ans, cette chanson fait partie de mon ADN. J’ai un vague souvenir de répétitions. Chanter ce titre fut une expérience aussi bizarre que paradoxale, j’avais l’impression de l’avoir toujours chantée inconsciemment. Je me la suis appropriée. Comme « Que je t’aime », je me revois petit, l’entendre jouer au piano.
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Personne d’autre n’a grandi entre ce père et cette mère?
Hélas, j’aurais préféré partager la tâche avec un autre ! Mais c’est formidable aussi, je suis heureux d’avoir la force de défendre ce projet. Pour vous dire mon caractère, je me souviens d’avoir vu ma grand-mère Néné pleurer un jour, je devais avoir 6 ans, je lui avais donné ce conseil : « Quand tu es triste, fais comme moi, creuses un trou, mets ton problème dedans, et va-t’en. »
Vous avez creusé des trous récemment ?
Franchement un peu partout ! Très tôt j’ai dû me blinder et construire des murs de protection. Je n’ai pas suivi de psychanalyse, je ne me confiais pas, j’ai réglé mes problèmes seul. J’ai trouvé d’autres solutions, la philosophie bouddhiste notamment.
N’avez-vous pas gardé une certaine ranc?ur contre votre père quand vous avez découvert dans son livre coécrit avec Amanda Sthers qu’il disait de vous que vous n’aviez pas assez « la rage » ?
Mon père tenait un discours différent avec moi. Il a eu quelques moments de faiblesse, c’est autorisé. Ces remarques ne lui ressemblent pas. Lorsqu’il m’a demandé de travailler sur « Sang pour sang », il savait où était mon talent. Je lui pardonne car cette phrase ne vient pas de lui. Mon père, je le connais? Ce n’est pas grave.
N’est-ce pas un regret de n’avoir pas cédé à ses sollicitations pour concocter un deuxième album ensemble ?
Non, j’ai bien fait. Notre collaboration constitue le plus grand succès commercial de sa carrière. Cela aurait moins bien marché. L’industrie du disque déclinait, certaines mauvaises langues se seraient empressées de souligner un moindre succès. Et je souhaitais qu’il n’y ait qu’un seul album. Toutes ces heures et ces mois ensemble à parler de musique ou autre, voilà ce qu’il me reste de cette aventure. J’avais Jean-Philippe Smet en face de moi et plus Johnny Hallyday.
Vous pensez qu’il existait encore, Jean-Philippe Smet ?
Johnny Hallyday et Sylvie Vartan © Praturlon/Shutterstock/SIPA
Johnny Hallyday et Sylvie Vartan © Praturlon/Shutterstock/SIPABien sûr. C’est celui que j’aime le plus, mon père. J’ai vite compris qu’un artiste sur scène, c’est un bon acteur. La vie d’acteur, c’est Johnny Hallyday. Dans l’intimité, il était lui-même, ses meilleurs amis le savent, Eddy Mitchell et d’autres. Cette intimité est le sujet de « Sang pour sang ». Mais les deux ne sont pas antinomiques. Petit garçon, je me sentais dépossédé de mes parents. Des gens se jetaient sur eux pour leur arracher une mèche de cheveux.À LIRE AUSSI Eddy Mitchell et Laeticia Hallyday : ça ne s’arrange pas?
Vous ne révélez pas le contenu de la lettre que vous aviez écrite à votre père et que vous n’avez pas pu lui tendre le jour de son décès?
Jamais de la vie. C’est trop personnel. Mon père ne l’a visiblement jamais reçue donc elle m’a été rendue gracieusement. Je l’ai gardé, j’en ai fait une chanson, « ma dernière lettre ».
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Une exposition parisienne consacrée à Johnny Hallyday, qui dévoile pas mal de ses objets personnels, va bientôt ouvrir. De lui, vous dites qu’il ne vous reste qu’une guitare. Comptez-vous vous y rendre ?
Pour les redécouvrir, vous voulez dire ? Non. Ce que personne n’aura jamais, c’est notre complicité et notre vécu. Dans sa dernière heure de vie, est-ce que l’on pense au canapé et à la montre manquante ? À part cet acte irrémédiable, que je ne peux changer, qui est la mort de mon père dont j’ai été privée, tout ça n’a pas d’importance. Sa dernière épouse ? C’est une des femmes de mon père. Point. Quand on prétend continuer un héritage public ou artistique, si l’on n’a pas été présent dès le début, mieux vaut faire attention à ses actes et ses paroles. Il s’agit de le respecter.
« Meilleur album », David Hallyday, éd. Cherche-Midi, novembre 2023, 277 pages, 20 euros.