#MeToo dans l’armée : le ministre Sébastien Lecornu lance une mission d’inspection

Sébastien Lecornu, ministre des Armées, à l’Elysée, le 26 février 2024.

Le gouvernement passe aux actes face au #MeTooArmées. Une mission d’inspection sur les violences sexuelles dans l’armée, est mise en place, annoncent Sébastien Lecornu, ministre des Armées et Patricia Mirallès, secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la mémoire, dans une tribune publiée par le Monde ce vendredi 12 avril. «Nous avons mandaté l’inspection générale des armées pour qu’elle diligente une mission sur l’ensemble des mesures de prévention, de protection des victimes et de sanction des agresseurs», écrivent-ils. Les deux membres de l’exécutif disent avoir été révulsés par «les témoignages de militaires ou anciens militaires relatés par la presse pour faire état du harcèlement et des violences sexuelles subis de la part d’autres militaires».

Ils font notamment référence à Manon Dubois, ex-quartier-maître dans la marine, qui a témoigné dans plusieurs médias d’agressions sexuelles subies à de nombreuses reprises de la part d’un électrotechnicien, dans deux navires sur lesquels elle avait été affectée. L’agresseur, qui a reconnu les faits, a échappé au tribunal correctionnel. Il a été mis dix jours en arrêt, et a ensuite écopé de 600 euros de dommages et intérêts et de l’obligation de suivre un stage de sensibilisation. La victime, elle, a mis fin à sa carrière. «Toutes les femmes dans les armées ne sont heureusement pas victimes d’agression sexuelle. Mais il existe un sexisme ordinaire qui les touche toutes, dans les représentations comme dans les pratiques», disait alors à Libération la sociologue Camille Boutron.

La nouvelle mission devra rendre son rapport fin mai. Elle doit permettre d’améliorer la prise en charge de la victime, analyser le traitement disciplinaire et la cohérence des sanctions contre les agresseurs et renforcer les mesures de prévention, selon la tribune. Désormais par ailleurs, «chaque fois qu’il existe une suspicion de viol ou d’agression sexuelle présentant un caractère suffisant de vraisemblance, la personne mise en cause sera systématiquement suspendue de ses fonctions», écrivent les ministres. Une instruction a été envoyée en ce sens par le ministère le 26 mars à tous les commandements.

226 cas en 2023

La mission d’inspection aura aussi pour mission de «rendre plus efficace encore» le fonctionnement de la cellule «Thémis» créée en 2014 pour recueillir les témoignages des victimes à la suite de la publication du livre la Guerre invisible (Ed. Les Arênes et Causette), des journalistes Leila Minano et Julia Pascual, consacré aux violences dont sont victimes les femmes militaires. A l’époque, le ministère de la Défense avait ouvert une enquête interne. Mais des faits ont continué d’émailler l’actualité. En 2021, Libération dévoilait l’ouverture d’une enquête judiciaire sur une affaire de viol d’une gendarme au sein même de l’Elysée. C’est une culture toxique envers les femmes qu’il faut combattre, comme le montre notre enquête de 2018 sur le système sexiste mis en place au sein des classes préparatoires militaires du lycée Saint-Cyr.

Selon le ministère, les armées françaises comptent 16,5 % de femmes sur les 34 142 personnels dans leurs rangs. En 2023, 167 signalements pour violences sexuelles ou sexistes ont été adressés à la hiérarchie des armées et 59 traités par la cellule Thémis, soit un total de 226 cas qui ont fait l’objet de l’ouverture d’un dossier. «Au sein des armées, si une victime parle, elle doit être écoutée et entendue. Sa parole doit être recueillie et crue. Elle doit ensuite être protégée de son agresseur ou de son harceleur. Cette parole doit libérer les victimes, elle ne doit pas les condamner. C’est au harceleur ou à l’agresseur de sortir du rang, c’est sur eux que doit peser le fardeau», insistent les ministres dans leur tribune.