Le programme d’Emmanuel Macron pour les commémorations du 6 Juin
À l’Élysée, a-t-on vraiment tiré le bilan assez mitigé de la folle itinérance macronienne lors du Centenaire de 1918 ? Une semaine de discours, onze départements, douze étapes. Si le calendrier est plus resserré pour les commémorations du Débarquement, trois jours seulement, du 5 au 7 juin, il sera aussi plus dense.
Du 5 au 7 juin, pas moins de sept étapes. Mais comment résister à un autre calendrier, électoral, qui impose son tempo ? Emmanuel Macron et ses équipes n’ont pas manqué de repérer que le 6 juin arrivait juste avant le 9 juin ? jour du scrutin européen ?, qu’ils disposeraient là d’une dernière tribune électorale exclusive, dont seraient privés leurs adversaires.
Au premier jour, on mêlera deux hommages inédits. L’un, le matin du 5, aux paras des SAS, qui ont sauté dès le 5 juin pour fédérer le maquis de Saint-Marcel dans le Morbihan, l’autre, l’après-midi du 5, aux victimes civiles des bombardements alliés à Saint-Lô. Breton fidèle, Jean-Yves Le Drian a ?uvré pour que Saint-Marcel, haut lieu de la mémoire bretonne négligé par Paris depuis les années 1950, revienne au centre du jeu.
La Bretagne n’est-elle pas l’un des rares bastions proeuropéens, certes menacé par le RN ? Et ces SAS, vierges de tout engagement ultérieur en Algérie, ne sont-ils pas des paras plus propices à un pur éloge, avec leur devise « Qui ose gagne », que le président rappellera sans doute dans une invocation propitiatoire ?
Cousin négligé du D-Day
Au second jour, le 6, Juno Beach, Caen et Omaha Beach sont prévus. Là aussi, Macron veut du neuf. Pour la matinée, réservée d’ordinaire aux cérémonies binationales, il se sacrifiera. D’ordinaire, c’est un duo avec les dirigeants anglais ou américains, cette fois, selon nos informations, il devrait lui-même accompagner à Juno Beach les Canadiens, mal lunés depuis que le Sénat, fin mars, a rejeté l’accord du Ceta sur le libre-échange.
À LIRE AUSSI Libération : Le Havre, ville martyre, ne sait toujours pas pourquoi Le Canada, c’est tout de même 15 000 hommes sur les 130 000 soldats qui ont débarqué par mer le 6 juin 1944, rappelle l’ambassade d’un pays las d’être le cousin négligé du D-Day. Le président fera aussi du neuf à Caen avec un hommage aux suppliciés de la prison, près de 75 détenus massacrés par les Allemands ce 6 juin 1944, jamais retrouvés. Du neuf dans du vieux, car Caen incarnera le mot d’ordre de cette dernière ligne droite électorale : bain de foule.
Après une journée du 5 juin franco-française, le 6 juin haussera le ton à l’international. La cérémonie avec les chefs d’État étrangers ? et peut-être Donald Trump ? aura lieu ? autre nouveauté ? sur la plage même d’Omaha Beach. Le président pourra, par un nouveau discours solennel in situ sur la mort, le sacrifice, l’engagement pour libérer l’Europe du totalitarisme, soigner son prestige et le prestige géopolitique de la France.
Conclusion à Cherbourg
Au matin du 7 juin, autre innovation, avec un passage à Bayeux, cité dévolue au culte gaullien. Macron sera le premier président à tenir un discours là même où le Général était venu, le 14 juin 1944, poser les fondements de la renaissance républicaine, dans la première sous-préfecture libérée.
Gageons que Biden ne sera pas là, Bayeux incarnant le lieu où de Gaulle prit de vitesse la volonté de mainmise des Américains sur la souveraineté française. Bayeux, c’est aussi l’autre discours fondateur du 16 juin 1946, visionnaire, qui annonçait la Ve République, dans les premières affres de la crise de la IVe. Là aussi, l’occasion d’envoyer de nombreux messages républicains, à deux jours de l’élection européenne.
À LIRE AUSSI À Bayeux, les symboles gaullistes de Marine Le Pen
La conclusion se tiendra à Cherbourg, premier pont en eaux profondes des Américains, premier port au monde entre 1944 et 1945. L’occasion d’un discours à la Cité de la Mer sur les armées, la logistique, dont la guerre en Ukraine a rappelé la primauté, et la dissuasion nucléaire, manière de répondre au discours du 9 mai de Poutine, de ferrailler aussi, près du sous-marin Le Redoutable, avec Marine le Pen sur l’opportunité de partager cette dissuasion avec nos alliés.
Si l’on compte bien, ce sera donc sept discours pour Emmanuel Macron, autour de l’action de la France, la souffrance, la résistance des Français, les alliances, la refondation du pacte républicain, l’Europe, la puissance nationale, européenne, et le mantra de la transmission aux jeunes, dûment cadrés, qui seront tenus de lire des textes, des listes de noms. Pas question de revoir les images traumatisantes de ces collégiens courant parmi les tombes à Verdun en 2016. On verra si ce tsunami, qui saturera l’espace médiatique pendant les trois derniers jours de la campagne, aura un effet d’aubaine ou de brouillage.