Un corrigé via QR code: ces profs enregistrent des notes vocales sur les devoirs de leurs élèves

Les collégiens et lycéens concernés peuvent avoir accès à des capsules audio via un QR code apposé sur leurs copies. Les professeurs adeptes de cette nouvelle méthode défendent un corrigé “plus personnalisé”, même s’il se révèle souvent “plus chronophage”.

Des copies annotées de corrections écrites, mais aussi d’un compte rendu oral accessible via un QR code.

Son stylo à encre rouge n’est jamais loin, mais c’est à l’oral que Paul commente désormais les copies de ses élèves. Équipé d’un micro, le professeur de SVT de 43 ans a pris l’habitude laisser des appréciations orales sur les devoirs rendus par ses six classes d’un lycée privé près de Lyon. Il a adopté cette méthode il y a trois ans, d’abord pour créer du lien avec ses élèves pendant les confinements.

D’une durée de deux à trois minutes, ses corrections audio sont accessibles grâce à un QR code indivuel – soigneusement généré, imprimé et collé sur chaque copie par l’enseignant. L’élève n’a plus qu’à flasher ce code avec son téléphone portable pour avoir accès à la capsule audio enregistrée par le professeur.

“Mes corrections sont plus nuancées et plus personnalisées”, se réjouit-il. “Plus positives et plus constructives.”

Une voix qui “guide, rassure et conseille”

“Le fait de parler m’offre une plus grande flexibilité et j’évite ainsi les commentaires trop généraux”, argumente le professeur. “Je peux vraiment mettre en avant les points forts comme les points faibles du devoir, et aiguiller l’élève lorsqu’il y a un point spécifique à retravailler.”

“On peut cibler le détail du détail, c’est ça qui est intéressant, surtout pour les élèves plus en difficulté”, abonde Romain Janover, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Carrière-sous-Poissy (Yvelines).

Le professeur a l’impression que ses élèves prennent désormais davantage en compte ses retours. Selon lui, l’oral “dédramatise”, là où l’écrit est plus froid. “Là je parle dans une tonalité assez légère. “C’est un bon moyen d’éviter les commentaires lapidaires qui flinguent le moral, et ça peut au contraire booster leur confiance. C’est du moins ce que j’espère”.

“Quoi de mieux que d’entendre la voix de son professeur qui guide, rassure et conseille?” En février dernier, la délégation académique au numérique (DNE) de l’académie de Lille vantait ainsi cette nouvelle méthode de correction à ses professeurs sur son site internet. Elle a depuis été suivie par d’autres académies comme celles de Créteil, Poitiers, Toulouse ou encore Nantes.

Des élèves plus à l’écoute?

S’il fait partie des premiers adeptes de la méthode, Paul n’a pas arrêté pour autant les annotations manuscrites, surtout que la SVT est “une matière assez rédactionnelle”. “C’est un outil complémentaire, qui agrémente la correction”, appuie-t-il.

Depuis l’an dernier, Nora Latroch s’y est ainsi mise ponctuellement, avec les 24 élèves de sa classe de sixième au collège Camille Claudel de Vitrolles (Bouches-du-Rhône). Cette professeure d’histoire-géographie “n’a pas le temps” de faire ce débrief personnalisé en classe, elle entend donc profiter de l’audio pour “apporter une correction plus vivante”, tout en impliquant les parents dans le suivi de leurs enfants.”

“L’écoute favorise l’attention (de l’élève) sur certaines pistes” de travail, estime-t-elle.

“Jusqu’alors, je n’ai eu que des retours positifs des élèves et de leurs parents, ils me disent qu’ils se sentent plus concernés que par l’écrit qu’ils ont tendance à survoler”, s’enthousiasme la professeure.

Une mission “chronophage”

S’il reconnaît lui aussi les bénéfices de cette nouvelle méthode de correction, Romain Janover l’utilise toutefois avec parcimonie car il trouve qu’elle a tendance à être “chronophage”, puisqu’il doit générer le QR code, l’imprimer, le coller ou l’agrafer sur chacune des copies.

La méthode “rallonge le temps de gestion des copies”, note Romain Janover, même si des plateformes gratuites telles que mon-oral.net ou encore vocaroo.com ont été lancées par des professeurs pour faciliter la tâche à leurs collègues. “Les manips techniques ne sont pas très longues en soi, mais mises bout à bout ça représente environ deux minutes supplémentaires par copie.”

“Je n’ai pas encore trouvé le moyen d’optimiser ce temps-là”, confie le professeur, désormais obligé de corriger ses copies à son domicile, et plus forcément dans des cafés comme il en avait l’habitude. Il est d’ailleurs le seul à avoir sauté le pas dans son établissement.

Chaque enseignant libre de sa notation

D’autres professeurs sont plus réticents, à l’image d’Arthur*, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Dordogne. “Peut-être un peu vieille école”, lui voit dans cette nouvelle invention “un énième bidule un peu technologique qui donne l’impression d’avoir trouvé un outil révolutionnaire”.

“Dans l’Éducation nationale, on aime bien réinventer la roue”, commente ce professeur de 50 ans. “On le voit, l’Éducation nationale investit beaucoup dans le numérique, et malgré tout le niveau baisse.”

Finalement, “c’est bien compliqué pour quelque chose qui devrait être simple”, sans parler de “la tâche de travail en plus que cela représente pour les enseignants”, estime-t-il.

Cette nouvelle méthode est cependant laissée à l’appréciation des professeurs eux-mêmes. Le ministère de l’Éducation nationale affirme à BFMTV.com ne pas avoir communiqué de directives particulières et laisse aux professeurs “une certaine liberté pédagogique” en la matière.