Joseph Staline et Léon Trotski : les dessous d'une guerre sans merci

L’un a comploté dans l’ombre jusqu’au pouvoir suprême. L’autre a été un héros avant de devenir un paria. Durant trente ans, ces deux figures du communisme russe se sont livré une guerre sans merci.

Ça n’a l’air de rien, et pourtant… Sur le film d’archives en noir et blanc de ce 22 juillet 1926, c’est l’avenir de l’URSS qui se joue. Ce qu’on y voit ? Un long cortège funèbre en plein Moscou, celui de Félix Dzerjinski, et dans la foule, deux proches du bolchevik défunt, Joseph Staline et Léon Trotski. Le premier, regard et moustache noirs, porte le cercueil, bien en vue au premier rang, tandis que le second est presque noyé dans la masse… La scène dit tout de ce qui se trame alors au Parti communiste russe : Trotski est peu à peu évincé par Staline qui sera bientôt seul maître à bord… Ces funérailles sont aussi la dernière fois où ils apparaissent ensemble en public. Deux camarades ennemis qui, trente ans durant, vont s’affronter jusqu’à la mort.

Le prolétaire et le bourgeois

Staline, le rejeton d’un cordonnier géorgien

Si le règne du “tsar rouge” est marqué par la violence, son enfance aussi. À peine est-il né le 18 décembre 1878 à Gori, dans le Caucase géorgien, que le petit Iossif (“Joseph” en russe) subit les coups de Vissarion, son cordonnier de père, qui les frappe, lui et sa mère Ékateriné, dès qu’il a bu. Alors que son fils n’a que 5 ans, le soulard abandonne le foyer. Mais Ékateriné est là, et tant pis si cette couturière doit se tuer à la tâche, son “Sosso” étudiera au séminaire de Tbilissi et deviendra prêtre orthodoxe ! Sauf que la fièvre révolutionnaire saisit bientôt le jeune homme… En 1899, il est renvoyé pour, se vantera-t-il, “propagande marxiste”. Celui qui vient d’adhérer au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) milite dans des groupuscules, organise des grèves, passe à la clandestinité… et par la case prison : le 6 avril 1902, il est déporté en Sibérie d’où il va s’évader.

joseph staline et léon trotski : les dessous d'une guerre sans merci
Staline. Wikipedia

Trotski, le fils d’un grand propriétaire terrien d’Ukraine

L’enfance du jeune Lev (“Léon” en russe) est tout autre. Le garçon a la chance de naître, le 7 novembre 1879, dans une famille juive d’Ukraine, alors dans l’Empire russe, où on ne connaît pas le manque. David, le père, a su tirer profit des réformes de Catherine II qui ont donné aux Juifs de Russie des terres à cultiver. Ce qu’il faut maintenant à ce propriétaire riche mais illettré, c’est un comptable digne de ce nom, et Léon, garçon à l’esprit vif, sera parfait ! À l’école, l’enfant brille par ses résultats qui l’amènent à la fac de droit d’Odessa. Pourtant, en 1896, le premier de la classe arrête tout : désormais, les cercles révolutionnaires universitaires passent avant les études. Un militantisme qui vaudra à Trotski, comme à Staline, une déportation dans la lointaine Sibérie.

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Trotski. Wikipedia

La révolution quoi qu’il en coûte

Staline, l’homme d’action qui organise un hold-up

Il est des rencontres qui vous forgent un destin. Celle de Staline avec Lénine, le 23 décembre 1905 en Finlande, en fait partie. Ce jour-là, le Géorgien représente le Caucase à la toute première conférence du POSDR présidée par Lénine. Très vite, le père du bolchévisme introduit “le merveilleux Géorgien” dans son cercle de fidèles. Parmi eux, un certain Léon Trotski. Staline jalouse déjà ce théoricien visionnaire qui sait si bien parler aux camarades et à l’oreille du maître. Mais le rustre provincial a ses propres atouts, à commencer par sa brutale efficacité : n’est-ce pas lui, le responsable du braquage de la banque de Tbilissi, le 26 juin 1907, qui a rapporté des milliers de roubles au mouvement bolchevik ? Qu’importe si cela s’est terminé dans un bain de sang avec 40 morts, c’était de “l’expropriation révolutionnaire”, estime Lénine qui, en 1912, va nommer Staline à la tête de La Pravda, le journal du tout nouveau Parti communiste.

Trotski, théoricien aux mots assassins

Trotski, lui, a croisé trois ans avant Staline la route de Lénine. C’était en 1902, à Londres, où l’exil et les idées marxistes les avaient vite rapprochés. Dès 1905, après les journées révolutionnaires de janvier, Trotski rejoint son pays et devient président du soviet de Saint-Pétersbourg : un poste convoité, mais très exposé en pleine Russie tsariste. Le militant est de nouveau arrêté, puis déporté à vie en Sibérie. Mais durant le trajet qui le conduit au camp, il s’évade… C’est le début d’un long exil qui le mène, douze ans durant, de Vienne aux États-Unis en passant par Paris. Trotski ne retrouve sa terre natale qu’en mai 1917 alors que le tsar Nicolas II vient d’abdiquer. Il est, avec Lénine, le grand artisan de la révolution contre le gouvernement provisoire du réformiste Alexandre Kerenski, le 25 octobre 1917. Le lendemain, il monte à la tribune et lance aux partis de gauche hostiles aux bolcheviks : “Votre rôle est terminé. Allez là où est votre place : dans les poubelles de l’Histoire !”

Et si l’”éminente médiocrité” était un fin stratège ?

Staline et ses sombres manigances

Si Staline voit vite en Trotski un rival, ce n’est qu’après la révolution de 1917 qu’il va le considérer comme un frein à sa carrière. Car le Géorgien n’a qu’une ambition : le pouvoir suprême ! Alors dans l’ombre, il manœuvre pour évincer ses adversaires, à commencer par Trotski. Systématiquement, cet exécutant dévoué s’aligne sur les positions de Lénine, le maître de la future URSS. Il gravit en silence les échelons jusqu’à devenir, en avril 1922, secrétaire général du Parti. De cette fonction administrative peu prestigieuse, Staline va faire un tremplin : il construit son pouvoir en gérant les ordres du jour, en nommant les cadres, en tissant son réseau… Ce n’est qu’un an avant sa mort que Lénine comprend que le loup est dans le Parti. Dans son testament, le révolutionnaire, qui s’éteint le 21 janvier 1924, s’inquiète : “Staline (…) a concentré entre ses mains un pouvoir illimité (…). Je propose aux camarades d’étudier un moyen pour démettre Staline”.

joseph staline et léon trotski : les dessous d'une guerre sans merci
En 1926, lors des funérailles de Félix Dzerjinski, un des dirigeants bolcheviques de la révolution d’Octobre, Staline se tient en bonne place pour porter le cercueil (à droite), tandis que Trotski apparaît au second plan. Wikipedia

Trotski, la légende vivante

Après octobre 1917, si Staline n’est encore vu que comme un apparatchik sans envergure, Trotski est déjà une légende du communisme. Désormais Commissaire à la guerre, il dirige d’une main de fer l’Armée rouge qu’il a créée en janvier 1918 : il galvanise si bien les foules qu’en trois ans, elle compte cinq millions de soldats. L’Ukrainien sauve la Révolution de la guerre civile entre bolcheviks et tsaristes, mais au prix d’une terreur qui ne supporte aucune opposition. En 1922, son influence est telle que pour le cinquième anniversaire d’Octobre 1917, lui seul peut remplacer Lénine, déjà malade, sur la Place rouge. Sauf que Trotski ne se méfie pas assez de Staline, “la plus éminente médiocrité du Parti” comme il le surnomme… Il aurait dû : l’opportuniste Géorgien va profiter de la mort de Lénine pour inverser les rôles. Comment ? En écartant Trotski des funérailles. Il fait croire à son rival, en repos loin de Moscou, que les obsèques auront lieu trop tôt pour qu’il revienne à temps. Résultat : Trotski reste dans le Caucase tandis que Staline offre un enterrement digne de l’Empire romain au père de l’URSS et s’impose comme son successeur légitime.

La faucille et le piolet

Staline, un dictateur aveuglé par la haine

Cinq petites années. C’est le temps qu’il aura fallu à Staline depuis la mort de Lénine pour s’imposer comme “le tsar rouge”… Entre 1924 et 1929, le secrétaire général du Parti évince un à un ses rivaux des postes-clés et les remplace par ses fidèles. Simple, mais efficace : “Le Guide” a effacé la direction collective qui était la norme en URSS. Son règne personnel peut commencer ! La célébration en grande pompe de ses 50 ans, le 21 décembre 1929, marque les débuts de ce pouvoir absolu. Le dictateur lance des purges contre ses opposants et contre les paysans qui refusent sa collectivisation forcée. “La mort résout tous les problèmes. Plus d’homme, plus de problème”, lance celui qui aurait fait 20 millions de victimes dans son pays.

Trotski, l’ennemi traqué jusqu’au Mexique

L’arrivée de Staline au pouvoir marque le début de la fin pour son ennemi juré… Trotski est chassé du gouvernement en janvier 1925, exclu du Parti en novembre 1927 et, coup de grâce, déchu de sa nationalité et banni de l’URSS en janvier 1929. Commence alors pour lui et sa femme Natalia une longue errance à travers l’Europe. Mais en janvier 1937, c’est finalement le Mexique qui leur offre l’asile politique et pour Trotski, la possibilité de continuer le combat à distance. Le théoricien dénonce la dérive totalitaire du régime soviétique, traite “le petit père des peuples” de “meurtrier de masse”… Hors des frontières russes, ce gêneur est encore plus dangereux : il faut le faire taire ! Le coup fatal va être porté par un espion espagnol à la solde de Staline. Le 20 août 1940 à Mexico, Ramón Mercader frappe Trotski à la tête avec un piolet. Il succombe le lendemain à l’âge de 60 ans. “J’ai été poursuivi par la haine noire de Staline à travers la moitié du monde”, avait-il dit à un journal mexicain. La mort de son plus grand rival ne calmera en rien les ardeurs assassines de Staline…Le tyran sombre toujours plus dans l’autoritarisme et la paranoïa. Personne n’est à l’abri, tout le monde le craint ! C’est cette terreur d’État que laisse en héritage “le tsar rouge” quand il meurt le 5 mars 1953, à 74 ans… Il n’empêche : aujourd’hui encore, Staline reste une référence dans une Russie qui n’aura jamais réhabilité son illustre ennemi.

Staline et Trotski, des pseudonymes !

Si Staline et Trotski s’opposent sur bien des choses, ils ont un point commun : leur nom n’est pas leur vrai patronyme ! Staline ? C’est le pseudonyme de militant de Iossif Vissarionovitch Djougachvili : il signifie “l’homme d’acier” en russe… Parfait pour ce chef froid et cruel. Né Lev Davidovitch Bronstein, Trotski a pour sa part emprunté le nom d’un de ses gardiens de la prison d’Odessa, en Ukraine, où il a séjourné dans sa jeunesse : drôle de choix !

Staline, père de famille

Staline, Petit Père des peuples… et père de famille ? Difficile à imaginer tant “l’homme d’acier” a toujours caché ses proches, afin de se donner l’image d’un dirigeant dévoué corps et âme à son pays. Et pourtant, il a été marié deux fois : d’abord en 1906 avec Ekaterina, morte du typhus un an plus tard et qui lui laisse un fils, Iakov ; ensuite avec Nadejda en 1919, qui lui donne un garçon, Vassili, et une fille, Svetlana. “J’aurais préféré que mon père fût un simple cordonnier géorgien”, écrira dans ses mémoires cette dernière qui, en plus d’avoir eu à endurer le suicide de sa mère, aura vécu dans l’ombre écrasante d’un tyran.

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Joseph Staline avec sa fille Svetlana, en 1935. Wikipedia

Staline, le “Grêlé” reclus au Kremlin

“Le Grêlé”. C’est le surnom que les policiers du tsar ont donné à Staline quand il n’était encore qu’un militant clandestin. Pas très sympa… mais réaliste. Si cela ne se voit pas sur les images de propagande du Guide, sa peau est très abîmée, la faute à une variole infantile. Et ce n’est pas le seul défaut physique d’un tyran trapu qui ne dépasse guère 1,70 mètre : heurté par un fiacre quand il était jeune, il en a gardé le bras gauche atrophié… Mais entre un dictateur qui vit cloîtré au Kremlin et des photos retouchées, tout cela reste bien caché !

Les excréments de Mao Zedong analysés

“Je suis là pour autre chose que pour manger et chier !” En visite à Moscou en 1949, Mao Zedong s’insurge. Depuis son arrivée, le leader chinois a l’impression de ne faire que cela, lui qui était venu pour affaire. Il ne croit pas si bien dire : ses excréments intéressent au plus haut point Staline qui est allé jusqu’à faire bidouiller ses toilettes ! Acheminées vers des boîtes, ses déjections sont ensuite analysées par les services secrets. Car le Guide veut tout savoir sur les étrons de ses homologues, persuadé qu’ils en disent long sur leur personnalité.

La liaison de Trotski et Frida Kahlo

Des yeux bleu acier, une intelligence vive et un charisme indéniable : jusqu’au bout, le fringant Trotski aura plu à ces dames ! Au Mexique, où il se réfugie à presque 60 ans, l’apatride trouve une terre d’exil… et une idylle avec la peintre Frida Kahlo ! Qu’importe si les amants ont trente ans d’écart et sont mariés, ils vont vivre une passion dévorante le temps d’un été. “L’une des meilleures choses qui me soient arrivées”, confiera l’artiste mexicaine à une amie. Et pour Trotski, une seconde jeunesse dans la tourmente stalinienne.

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Frida Kahlo en 1926. Wikimedia Commons

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