Permis de conduire, test d'anglais... comment les Français utilisent leur CPF?

Les salariés bientôt mis à contribution. Dans le cadre du plan d’économies de 10 milliards d’euros annoncé dimanche par Bruno Le Maire, le gouvernement a confirmé la mise en place d’une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF).

“Vous savez que le compte personnel de formation représente plus de 2 milliards d’euros d’efforts, que nous avions décidés dès 2023 le principe d’une participation forfaitaire par les salariés, les entreprises, à l’exclusion des demandeurs d’emploi”, a déclaré lundi le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, assurant que l’instauration d’un ticket modérateur d’au moins 10% permettra de générer 200 millions d’euros d’économies.

Cette mesure suit les préconisations de la Cour des comptes qui recommandait dès juin 2023 la mise en place d’une petite participation financière des salariés utilisant leur CPF afin d’orienter leurs choix vers des formations davantage “tournées vers le développement des compétences et l’employabilité”.

“Afin de ne pas dissuader les titulaires d’un CPF de l’utiliser, notamment les personnes disposant de faibles revenus, ce reste à charge devrait être fixé à un niveau assez bas, par exemple 5% ou 10% du coût de la formation, et modulé en fonction du niveau de qualification de la formation souhaitée par le bénéficiaire”, estimaient les Sages qui observaient qu'”une part toujours importante des dépenses” de formation “ne mène pas à une certification qualifiante, même si elles peuvent avoir un effet positif sur le parcours professionnel des bénéficiaires (permis de conduire, par exemple)”.

Le permis de conduire est la certification la plus souscrite via le CPF.

Le permis de conduire en tête

Selon les données de la Caisse des dépôts, 1,8 million de dossiers de formations via le CPF ont été validés en 2022. Année à la fin de laquelle la plateforme Mon Compte Formation proposait encore 200.000 offres. Ces dernières étaient toutefois concentrées “sur un petit nombre de domaines de formation puisque près d’une formation sur deux” était “proposée dans le domaine des transports, manutention, magasinage ou dans celui des langues vivantes”, notait la Caisse des dépôts en septembre 2023. Et d’ajouter que “sur plus de 80 domaines de formation, les 20 premiers représentent plus de 90% des formations disponibles sur le site”.

Parmi les certifications effectivement souscrites via le CPF, le permis de conduire arrive en tête (17% des formations réalisées), devant les formations dispensées aux créateurs et repreneurs d’entreprise (14%), et le test d’anglais Toeic (7%). Suivent le bilan de compétences (5%), les formations d’utilisation d’un logiciel de tableur (2%) et la certification bureautique Excel (2%).

Si le prix moyen des formations proposés via le CPF était de 2.280 euros en 2022 pour une durée moyenne de 130 heures, les prix et durées des formations effectivement souscrites sont bien plus faibles: 1.430 euros pour 53 heures. Pour le permis de conduire, le prix moyen s’élève à 910 euros pour une durée moyenne de formation de 19 heures.

Ces écarts entre prix affichés et prix réellement payés s’expliquent d’une part par le fait que “les titulaires d’un compte personnel de formation recherchent prioritairement des formations en adéquation avec leur solde disponible, qui s’élève en moyenne à 1.460 euros début 2022”, souligne la Caisse des dépôts. De plus, les demandeurs d’emploi qui représentent le tiers des formations souscrites optent pour des certifications 13% en moyenne moins cher (1.310 euros en moyenne) que celles souscrites par les salariés et indépendants (1.490 euros).

Cette différence tient aussi au fait que les demandeurs d’emploi “préparent plus fréquemment des formations certifiantes directement liées à l’exercice d’un métier alors que les salariés et travailleurs indépendants s’orientent davantage vers des certifications en langues ou en informatique”, relève encore la Caisse des dépôts. Même si “le permis de conduire catégorie B et les actions de formation dispensées aux créateurs et repreneurs d’entreprise (ACRE) sont aux deux premiers rangs des certifications les plus souscrites pour les deux populations”.

Disparités géographiques

Une autre étude de la Caisse des dépôts observait début 2023 que l’utilisation du CPF était plus importante en ville que dans les zones rurales. “Le taux de recours au CPF (par les actifs occupés) est d’autant plus important que le degré de densité est élevé”, notait-elle: 5,5% dans les espaces denses en 2021, 3,6% dans les espaces de densité intermédiaire, 2,9% dans les espaces peu denses et 2,2% dans les espaces très peu denses, peut-on lire.

Ce constat est amplifié lorsqu’on s’intéresse uniquement aux demandeurs d’emploi. “C’est dans les espaces les plus denses que les demandeurs d’emploi sont, rapportés à leur nombre, les plus enclins à mobiliser leurs droits CPF (13,9% contre 11% en zones intermédiaires et 10,6% en zones peu denses)”, indique le rapport.

L’étude soulignait de surcroît que les formations suivies étaient “plus directement liées à l’exercice d’un métier précis en zone rurale”. Ainsi, “le taux de recours au CPF pour financer le permis B est plus de dix fois plus élevé dans les espaces denses que dans les zones rurales”. Dans ces zones, passer le permis de conduire “occupe le premier rang des formations financées par les droits CPF (19% de l’ensemble des bénéficiaires), le troisième dans les espaces de densité intermédiaire (7%) et, seulement, les neuvième et dixième rangs dans les espaces peu denses et très peu denses (3% des bénéficiaires).