Face à l'inflation, cumuler deux emplois pour ne plus être "dans le rouge"

Face à l’inflation, cumuler deux emplois pour ne plus être “dans le rouge”

“L’avantage c’est qu’à la banque je ne suis plus dans le rouge”: auxiliaire de vie scolaire dans les Hauts-de-France, Hélène est également agent d’entretien, une vie usante pour sortir de la précarité.

Selon une étude du géant de l’intérim Randstad en janvier 2023, 15% des sondés français ont “décidé de prendre ou de rechercher un deuxième emploi pour mieux faire face à l’augmentation du coût de la vie”.

(Copyright: manonallard / Getty Images)

Malgré sa devise “nous travaillons pour vivre mais nous ne vivons pas pour travailler”, cette dynamique quadragénaire aux cheveux courts, fait partie des 2,4 millions de personnes qui fin 2020 exerçaient en France simultanément plusieurs emplois, soit 8,4% des actifs.

Dans un café en rase campagne au sud de Lille près de la frontière belge, Hélène (prénom d’emprunt NDLR), qui travaille depuis ses 16 ans, se confie avec réserve sur son quotidien “fatigant”.

Après un licenciement et une reconversion, elle est depuis six ans “accompagnante pour élèves en situation de handicap (AESH)”, souffrant de dyslexie, trouble de l’attention ou autres.

Elle est maman solo d’une adolescente de 16 ans et ce travail -24 heures par semaine payées au Smic- ne suffit pas pour assumer ses charges.

Alors Hélène accepte un second temps partiel, pour faire le ménage dans la crèche jouxtant l’école. En CDI, elle évite néanmoins d’ébruiter sa situation, de crainte d’être montrée du doigt.

“J’aimerais être AESH à temps plein, mais cela n’existe pas”, explique cette femme qui a milité dans un collectif d’AESH et s’est sentie proche des Gilets jaunes.

– Durée légale –

Ses emplois cumulés représentent un salaire de 1.685 euros net, pour 42,5 heures/semaine, avec des horaires hachés qui lui laissent “10 minutes pour manger” et s’achèvent souvent à 20H30.

Son HLM lui coûte 300 euros aides déduites, mais il y a les charges, les factures qui grimpent: “je ne suis plus dans le rouge”, mais “ce n’est pas pour autant que je peux partir en vacances”. L’été, elle se contente d’aller à la mer près de Dunkerque ou Bray Dunes.

“J’ai même réfléchi à un troisième emploi”, dit-elle.

Certains jours, elle se contente d’un seul repas, et à la maison, le chauffage est baissé à seize degrés.

Face à l’inflation, elle est plus attentive que jamais aux étiquettes, et quand le prix à la caisse est plus élevé qu’annoncé, elle demande le remboursement. “C’est comme si je venais pour mendier,” déplore-t-elle.

Pour Jean-François Boudy, auteur d’une “Histoire de la pluriactivité”, ces cumulards de l’emploi y trouvent “une porte de sortie vis-à-vis de la précarité”.

Mais même si cela peut durer quelques années, ce n’est “souvent que temporaire”, souligne-t-il. “Cela peut-être usant.”

Le salarié a le droit de cumuler les emplois et n’a pas l’obligation d’en informer son employeur, mais il doit respecter la durée maximale légale du travail, fixée à 10 heures par jour et 48 heures par semaine.

– Coût de la vie –

Face à une hausse des prix qui a atteint 4,9% en 2023 et des salaires qui “ne suivent pas l’inflation, ceux qui gagnent peu auront du mal à rattraper cette perte de pouvoir d’achat, ce qui les incite (…) à aller prendre un autre boulot”, indique Ibrahima Fall, chercheur et consultant qui dirige l’Institut du travail réel.

Selon une étude du géant de l’intérim Randstad en janvier 2023, 15% des sondés français ont “décidé de prendre ou de rechercher un deuxième emploi pour mieux faire face à l’augmentation du coût de la vie”.

A 34 ans, Kourou, un Guinéen, travaille jusqu’à 12 heures par jour, sept jours par semaine, car il a un projet: créer son entreprise.

Médiateur jeunesse à temps plein au Smic dans la métropole lilloise, il est également livreur de repas pour une plate-forme: durant sa pause méridienne, après le travail, le week-end, il parcourt la ville à scooter.

“S’il y a une facture à payer, je sais que je vais travailler plus,” explique-t-il.

Mais après un changement d’algorithme fin 2023, lui qui gagnait jusqu’à 600 euros/semaine ne gagne plus que 700 à 1.000 euros/mois, auxquels il faut déduire l’assurance ou l’essence, dit-il, montrant ses fiches de salaires.

Contractuel, sans visibilité pour son avenir, il voit cela comme une transition pour un jour lancer son entreprise de transport de colis et s’installer au Canada.

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