Des mines de nickel en Nouvelle-Calédonie.
En Nouvelle-Calédonie, le « pacte nickel » de Bruno Le Maire s’enlise. Ce jeudi, les élus du Congrès de l’archipel ont acté la création d’une commission spéciale dédiée à l’examen des conséquences de ce pacte, voulu par le ministre de l’Économie pour sauver la filière néo-calédonienne, mais qui provoque des crispations sur le territoire.
Cette décision éloigne un peu plus la perspective de signer ce pacte négocié depuis des mois par Bercy, alors que le secteur est en crise et que les trois usines métallurgiques de l’archipel calédonien, dont le nickel est la principale ressource, enregistrent des pertes record.
En effet, malgré l’appel de Bruno Le Maire en mars à signer le pacte « tel quel », la commission a vocation à formuler « des propositions complémentaires ou alternatives », selon la délibération adoptée ce jeudi par le Congrès. « Il manque un éclairage et des réponses précises à un certain nombre de questions », a justifié lors de la séance publique Pierre-Chanel Tutugoro, le président du groupe indépendantiste UC-FLNKS, ajoutant qu’il ne s’agissait pas d’une « commission pour éteindre le pacte ».
Le pacte nickel provoque de fortes dissensions
Opposé à ce dernier, le représentant du groupe non-indépendantiste, Calédonie ensemble, Philippe Gomès a demandé à intégrer les échanges sur le nickel « dans les discussions politiques » sur le futur de l’archipel ainsi qu’un « partenariat stratégique sur les matières premières » avec l’Union européenne.
Les élus des groupes Loyaliste et Rassemblement-LR se sont, eux, opposés à cette commission, estimant « qu’il y a urgence à agir, que des milliers d’emplois sont sur la sellette », selon les propos de Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement-LR, durant les débats.
Lire aussiOù va le nickel calédonien?
Sonia Backès, la cheffe de file des Loyalistes, a, elle, expliqué que cette commission remettait en question la « crédibilité de notre institution ». « S’il faut mettre tout le monde d’accord, remettons tout le monde autour de la table », a-t-elle affirmé, estimant que cette commission « ne rime strictement à rien ».
Un soutien financier important de la collectivité calédonienne
Signe des fortes dissensions provoquées par le pacte nickel en Nouvelle-Calédonie : mardi, trois tribus de la région de Canala (côte est) ont bloqué des sites miniers pour marquer leur opposition. Un collectif a également bloqué des centres miniers à Kouaoua, non loin de Canala, et mis en place des barrages filtrants autour de La Foa, selon Nouvelle-Calédonie La 1ère.
Le point d’achoppement principal est la contribution attendue de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 66,7 millions d’euros. Or, le territoire est déjà dans une situation financière extrêmement précaire, avec un taux d’endettement de 170% et un déficit des comptes sociaux qui se creuse de 83 millions d’euros par an.
La Nouvelle-Calédonie s’est en outre engagée à créer 250 millions d’euros d’impôts nouveaux en échange des prêts d’urgence contractés pendant la crise liée au Covid-19.
Or, « les 66,7 millions d’euros du pacte nickel seraient financés par la taxe générale à la consommation, ce qui va encore alourdir la facture », dénonce Philippe Michel, président de Calédonie ensemble (non-indépendantiste).
Selon les calculs de ce groupe politique, 166,8 millions d’euros de recettes fiscales sont déjà abandonnés chaque année au profit des usines métallurgiques via des exonérations d’impôts ou des tarifs douaniers préférentiels.
Autre reproche: le pacte « ne contient aucun engagement fort des industriels », estime Philippe Michel, et rien ne garantit la pérennité des usines malgré sa signature.
Les trois usines métallurgiques de l’archipel en difficulté
D’autant que plusieurs usines métallurgiques connaissent des difficultés. Dans le nord de l’archipel, KNS a été mise temporairement en sommeil, à la suite de l’annonce du départ de Glencore, actionnaire à 49% de l’entreprise, mais qui en assumait seul les pertes. L’entreprise espère trouver un repreneur d’ici au mois d’août, faute de quoi les quelque 1.750 salariés seront licenciés.
Prony Resources, dans le sud, cherche aussi un nouveau partenaire, le négociant suisse Trafigura souhaitant se retirer : un prêt de l’État de 140 millions d’euros doit toutefois lui permettre de maintenir son activité jusqu’à mi-2025.
Enfin Eramet, la maison mère de l’opérateur historique, la Société Le Nickel (SLN), a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne financerait plus sa filiale.
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