Fronde du milieu de l’immobilier contre la réforme bruxelloise des règles d’urbanisme Good Living

fronde du milieu de l’immobilier contre la réforme bruxelloise des règles d’urbanisme good living

Ce jeudi, Ans Persoons, la secrétaire d’Etat bruxelloise à l’Urbanisme, tentera de faire passer le texte Good Living au Conseil des ministres. La troisième lecture sera-t-elle la bonne ?

Passera, passera pas ? C’est peu dire que le texte Good Living provoque une levée de boucliers dans les milieux de l’immobilier. Pour rappel, Good Living est le nouveau nom donné au Règlement régional d’urbanisme (RRU) qui dicte les règles pour l’immobilier bruxellois. Il devrait passer ce jeudi en troisième et dernière lecture au Conseil des ministres pour adoption définitive.

Il faut dire que selon les spécialistes du secteur, qui s’expriment notamment ci-dessous dans une lettre ouverte à l’attention de l’exécutif bruxellois, le texte est mal rédigé et pourrait aller jusqu’à entraîner un ralentissement du marché (qui ne tourne déjà pas très vite en ce moment). Par ailleurs, il pourrait aussi avoir des répercussions néfastes sur le prix des logements. En bref, le texte ne serait pas prêt à être adopté tel quel.

Il est assez rare de voir plusieurs associations aux intérêts souvent discordants unir leurs forces pour s’opposer à une cause commune. Raison pour laquelle nous avons décidé de publier une « lettre ouverte » écrite par le Quartier des Arts, l’Arau, l’Ordre des Architectes, Arib et Embuild (ancienne Confédération Construction). Le but ? « Alerter le gouvernement et les politiques bruxellois du danger de faire passer coûte que coûte avant les élections le texte Good Living ».

Lettre ouverte

Bruxelles, 12 avril 2024.

Lettre ouverte aux membres du Gouvernement et de la Commission Développement territorial du Parlement de la Région bruxelloise.

Le nouveau projet de Règlement régional d’Urbanisme (RRU), dénommé Good Living, est aujourd’hui sur la table du gouvernement bruxellois en vue de son adoption définitive avant la fin de la présente législature.

L’ensemble des associations, signataires de la présente lettre ouverte, demande instamment au gouvernement de surseoir à cette décision.

Comme son nom l’indique clairement, le RRU est un instrument de nature réglementaire contenant des dispositions de portée générale, obligatoires et applicables sur l’ensemble du territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

La caractéristique essentielle du RRU doit rester sa nature réglementaire. Il ne s’agit pas d’un guide ou plan d’orientation. Il s’agit d’un corpus de règles qui doivent être comprises par les architectes, les administrations et toutes les personnes ou institutions qui se proposent de faire exécuter des actes et travaux, soumis à l’obtention préalable d’un permis.

Le RRU est ainsi censé reprendre de manière précise l’ensemble des règles à respecter pour répondre aux objectifs fixés par la Région en matière d’aménagement du territoire.

Le précédent secrétaire d’Etat à l’Urbanisme avait fait rédiger un nouveau projet de RRU, dénommé Good Living, appelé à réglementer trois domaines : les espaces ouverts, l’urbanité et l’intérieur des constructions.

Tout le monde s’accorde à dire que le RRU actuellement en vigueur est en effet devenu obsolète sur différents points et doit être revu afin de rencontrer l’objectif de créer une ville et des immeubles plus durables, plus verts, plus résilients au changement climatique et plus agréables à habiter. Bref, une ville plus accueillante pour l’ensemble de ses habitants, qui transcende leurs réalités sociologiques.

Les titres « Espaces ouverts » et « Intérieur des constructions » du projet Good Living établissent à cet égard des règles précises exprimées comme il se doit en termes quantifiables, même si ces titres suscitent également bon nombre de remarques.

Mais pour ce qui concerne le titre « Urbanité », qui réglemente notamment l’intégration des nouvelles constructions au cadre bâti, leurs implantations et leurs gabarits, la particularité du projet de nouveau RRU, Good Living, est qu’il comporte un mélange d’objectifs, d’éléments, de critères d’évaluation et de règles tantôt très précises et tantôt laissées à la seule appréciation de l’autorité publique et de son administration. L’article 1 du titre « Urbanité » est particulièrement exemplatif dans la mesure où il fixe comme règle de droit… des objectifs !

Dans ce projet Good Living, la notion de « bon aménagement des lieux » est un paradigme qui est mis à toutes les sauces et qui se trouve devenir, pour des thématiques essentielles, le principal, sinon le seul critère d’appréciation.

Pour des questions aussi importantes que la démolition, le nombre de niveaux et la hauteur des constructions isolées, la densité ou le nombre d’emplacements de parking, il ne s’agirait plus d’apprécier les projets urbanistiques en fonction de leur conformité à des règles bien établies (exprimées en termes quantifiables : nombre, mètres, pourcentages, etc.), mais en fonction d’une appréciation laissée à la discrétion des autorités au cas par cas, basée sur le seul concept de « bon aménagement des lieux ».

Le « bon aménagement des lieux » : une notion à contenu politiquement variable ?

A la lecture du texte, l’objectif du gouvernement est on ne peut plus clair : laisser à l’autorité le pouvoir du dernier mot par le biais du critère (?) du « bon aménagement des lieux ».

Cela découle implicitement mais nécessairement de l’article 2 du projet Good Living, qui dispose que « la conformité d’un projet au présent règlement ne préjuge pas de sa conformité au bon aménagement des lieux, appréciée par l’autorité compétente pour délivrer les permis… » (sic)

Les dispositions du règlement qui suivent cet article assurément fondamental (puisque placé en tête du règlement) peuvent donc être privées de tout effet utile au seul motif d’une contrariété à ce concept, non autrement précisé, de « bon aménagement des lieux ».

Or, dans un Etat de droit, les pouvoirs publics doivent exercer leurs fonctions selon les balises définies par un ensemble de normes juridiques, tandis que ces normes doivent évidemment permettre aux citoyens (à qui elles s’adressent) de prévoir les conséquences découlant de la soumission à la norme ou de sa violation.

Le « bon aménagement des lieux » n’est certes pas aisé à définir, mais ce bon aménagement ne découle-t-il pas du respect de l’ensemble des dispositions du règlement destiné précisément à l’organiser ?

La pratique actuelle démontre combien l’appréciation d’un concept aussi vague est difficile à objectiver et peut être différente et fluctuante entre les différentes personnes appelées à se prononcer sur une demande de permis tout au long de son processus de délivrance. Il n’est pas rare que pour un même projet, différents fonctionnaires d’une même administration en aient des conceptions différentes, voire opposées. Et il n’est pas rare non plus que communes et Région s’opposent à ce sujet. Entre partis de la majorité au niveau du gouvernement, il n’y a d’ailleurs pas de consensus sur ce qu’est une densité équilibrée !

Pour la plupart des acteurs de terrain (architectes, urbanistes, juristes, développeurs immobiliers, propriétaires privés et investisseurs, associations de défense de l’habitat pour tous et du patrimoine…), ce nouveau paradigme de Good Living sera source d’allongement encore plus intolérable de la procédure (déjà extraordinairement longue à Bruxelles), d’arbitraire et d’insécurité juridique ; le risque d’impacter négativement la qualité urbanistique de la Région et la dynamique des projets immobiliers petits et grands, qu’ils soient publics ou privés, est réel.

C’est un peu comme si les règles du football pouvaient s’effacer devant la seule appréciation de l’arbitre, devenu ainsi l’autorité investie du droit de décider pour chaque match ce qui est permis ou non, ou comme un code de la route sans limitation de vitesse, celle-ci étant appréciée au cas par cas par le policier de service (en fonction du « bon déroulement » de la circulation ?).

La mission des concepteurs sera à l’évidence complexifiée. Architectes, bureaux d’études et avocats devront démontrer la conformité de leur projet au nouveau RRU en regard d’un texte réglementaire pour le moins flou sous de nombreux aspects essentiels, tels que la densité ou la hauteur. Et ils seront tout au long de la procédure à la merci de nouvelles exigences et d’appréciations subjectives des autorités.

Le temps d’examen et d’analyse des projets au cas par cas par les autorités, de déjà long qu’il est à l’heure actuelle, va tout simplement devenir interminable. Motiver deviendra sinon mission impossible, du moins une obligation particulièrement complexe pour les fonctionnaires, sachant que la question des recours sera ultimement tranchée par le Conseil d’Etat, qui devra s’astreindre à rechercher l’insuffisance de motivation ou l’erreur manifeste d’appréciation par les autorités. Les fonctionnaires seront donc en permanence mis en première ligne au front pour expliciter leurs décisions face au public et devant la juridiction administrative.

Une levée de boucliers générale pendant l’enquête publique

Le projet Good Living a été soumis à l’enquête publique fin 2022. Concernant le nouveau paradigme du titre « Urbanité », il a subi un rare feu nourri de critiques émanant de tous les acteurs de terrain sans exception.

Nos associations (le Quartier des Arts, l’Arau, le Conseil francophone et germanophone de l’Ordre des Architectes, l’Arib, Embuild Brussels), mais aussi l’Upsi, IEB, la FUB ainsi que la CRMS et les administrations communales ont tous dénoncé le risque d’arbitraire que porte ce paradigme de Good Living.

Ces associations ont chacune, à leur manière, rappelé à la secrétaire d’Etat qu’un RRU doit être un document réglementaire, et non pas un guide ou un plan d’orientation, et que la clarté des règles du RRU est fondamentale tant pour l’habitant, les professionnels de l’immobilier ou les administrations et les juridictions qui en vérifient l’application.

Le critère du bon aménagement des lieux ne devrait pouvoir être invoqué que de manière supplétive pour motiver une dérogation, accordée ou refusée par l’autorité́ compétente, à qui il appartiendrait d’évaluer de manière objective le degré́ d’acceptation et le caractère justifié, ainsi que sa compatibilité au regard de l’objectif poursuivi par la norme concernée. Autrement dit, le recours au bon aménagement des lieux devrait – dans la lecture d’un projet – venir après les règles contenues dans les titres « Espaces ouverts », « Urbanité » et « Intérieur des constructions », et uniquement au cas où des dérogations devraient être appréciées.

Mais les porteurs du projet Good Living ont décidé de ne rien entendre de ces réclamations et font le forcing pour faire adopter au forceps la réforme du RRU avant les élections.

Afin d’éviter qu’une nouvelle enquête publique ne reporte le processus au-delà des élections, le texte proposé en deuxième lecture au gouvernement ne comprendrait que de très légères modifications par rapport au texte soumis à l’enquête publique de fin 2022. Le texte remanié de Good Living, dont nous avons pu prendre connaissance, corrigerait ainsi certaines exigences environnementales du titre « Espaces ouverts » et certains critères du titre « Intérieur des constructions ».

Mais le texte aujourd’hui sur la table ne répondrait en rien aux critiques et mises en garde relatives au titre « Urbanité », que tant les professionnels précités du secteur privé que les représentants des secteurs publics et associatifs avaient émises lors de l’enquête publique, en pointant les risques d’arbitraire et d’insécurité juridique, et toutes ses conséquences dommageables pour la Région.

Il semble de plus que le parcours du texte ne passerait pas par l’avis de la section législative du Conseil d’Etat, ce qui risque encore d’affaiblir la sécurité juridique du texte qu’il doit assurer !

A la lecture des différents chapitres du texte Good Living, l’expérience partagée par les signataires fait, de plus, craindre une élévation substantielle du prix du logement, calibré suivant des standards qui échappent à la réalité, qui entraînerait un frein à la production de nouveaux logements ainsi qu’à la rénovation du bâti existant.

Pour ces raisons, nous demandons au gouvernement de surseoir à la validation du texte pour assurer toute la force des principes qu’il expose et préciser des règles claires pour le futur de la Région bruxelloise.

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