À la réunion, le cyclone Belal a fait craindre le pire

Dans les prochaines heures, quand les vents à 170 km/heure auront cessé de balayer l’île, un premier bilan avancé pourra être dressé.

Depuis lundi dernier, la rumeur d’un cyclone enflait à la Réunion. Comme d’habitude, elle divisait les habitants : ceux qui n’y croyaient pas, ceux qui la craignaient et ceux qui attendaient de voir. En fin de semaine, Météo France, par la voix de sa directrice régionale Céline Jauffret, commençait à craindre un phénomène potentiellement «historique». Résultat, les boîtes de sardines Robert et les packs d’eau XXL ont rempli les allées des supermarchés. Ici, point d’affolement face à l’annonce de cyclone, les Réunionnais sont habitués aux alertes, qui interviennent à différents degrés au moins une fois par saison cyclonique. Dès samedi, 12h30, le préfet Jérôme Filippinni a pris les devants et annoncé bien en avance l’entrée en vigueur de l’alerte rouge à compter de dimanche soir, 20h. Une alerte synonyme d’un confinement total de la population.



Se confiner et suivre l’actualité de près

À l’Étang du Gol de Saint-Louis (sud), quelques heures avant le gong – ou plutôt l’alerte qui résonnait sur nos téléphones en mode sirènes d’évacuation -, les derniers promeneurs profitaient du bord de mer avant de se retrouver enfermés pour trois jours probablement. «C’est des conneries, regardez le ciel, il n’y a rien !», s’agaçait un Réunionnais. L’annonce précise – et vérifiée le lendemain – de Météo France pour une arrivée du cyclone sur nos terres lundi matin n’y fait rien, l’homme n’en croit rien et ne «prendra pas de mesures particulières».

Pourtant, dans ce quartier historique où les temples malbars multicolores confèrent à l’endroit une atmosphère d’un autre temps, les riverains sont habitués à voir les vagues lécher leurs maisons voire y pénétrer. C’est d’ailleurs pour une meilleure protection du littoral dans ce quartier classé en zone rouge, que Jean-Louis Dumont se bat. «C’est comme d’habitude, on est inquiets mais qu’est-ce qu’on peut y faire, ce n’est pas forcément pendant les cyclones qu’on est les plus touchés», explique le porte-parole du collectif «Sovgard Zarlor Kartyé Léta», qui refuse «d’abandonner ses racines». À ses côtés, Nicolas scrute le ciel. « Ça me rappelle Firinga, le cyclone de 1989! Ça m’avait fait très peur, c’était le grand calme et d’un coup boum, du vent et puis plus rien, plus d’électricité», raconte le père de famille, très inquiet. Sa mère, elle, peste contre «les pieds de bois», le mot créole pour désigner les arbres, qui n’ont pas été taillés. «Si ça tombe sur le fil électrique et sur ma maison, c’est très grave. Et en plus, je suis toute seule !», s’agace la gramoune (grand-mère en créole, NDLR). Plus loin, Mélodie, la trentaine, est un peu anxieuse «Je vais suivre de près l’évolution du cyclone, car s’il tape ici, ça peut être violent», pense-t-elle. À l’intérieur de sa maison, sa grand-mère de 84 ans et sept chiens qu’elle recueille pour l’occasion. Elle qui n’envisageait pas d’évacuer quittera finalement sa maison à 3h du matin sur les recommandations insistantes de la police. Suite à un arrêté de la mairie, une trentaine de personnes ont évacué le quartier, potentiellement menacé. «C’est vrai que ça aurait été trop dangereux avec les vagues», admet finalement Mélodie.

Confinement

Car depuis deux jours, les Réunionnais sont passés par toutes les couleurs : du rouge le dimanche soir, au violet de l’alerte exceptionnelle déclenchée ce lundi matin à 6h pour la première fois depuis sa création en 2019. Une alerte importante puisqu’elle a entraîné le confinement intégral de la population et donc l’arrêt de la circulation des secours et services d’urgences. C’est donc une nuit pénible qu’ont passée les Réunionnais. Difficile de trouver le sommeil, me confie une habitante.

L’expectative. Quand soudain il arrive. En fin de matinée, Belal a frappé l’île. Arrivé par le nord, il a d’abord touché Saint-Denis, La Possession, Saint-Paul… puis l’ensemble de l’île à des degrés différents, entraînant des rafales jusqu’à 215 km/h, ainsi que des cumuls de pluie importants. Voitures inondées, gouttières arrachées, jardins déchiquetés, les conséquences sont visibles depuis les fenêtres des habitants confinés.

À la mi-journée, et face à une légère modification de la trajectoire de Belal en notre faveur, l’alerte est finalement repassée au rouge. Les secours peuvent donc à nouveau intervenir et cela permet aussi d’engager les processus de reconnaissance. C’est donc dans les prochaines heures, quand les vents à 170 km/heure auront cessé de balayer nos murs, qu’un premier bilan avancé pourra être dressé. Pour l’heure, il est fait état d’une victime, un sans-domicile fixe retrouvé mort à Saint-Gilles hier soir, bien qu’on ne puisse pas assurer que le décès soit lié à la météo. Par ailleurs, plus de 100.000 foyers sont privés d’électricité, 37.000 d’eau et 17% n’ont plus accès à la téléphonie fixe. «Le retour à la normale n’est pas pour tout de suite», précisait le préfet à la mi-journée tout en se félicitant que Belal ait finalement été moins virulent qu’annoncé. Le cyclone quitte actuellement nos terres mais nous laisse pour l’instant en alerte rouge au moins jusqu’à mardi matin et, d’ici là, le soulagement ne sera pas total.