Procès de l’attentat de Trèbes : le funeste périple qui a conduit à la mort d’Arnaud Beltrame
Son visage avait bouleversé la France. Le 23 mars 2018, le gendarme Arnaud Beltrame est mort tué par un terroriste à Trèbes, près de Carcassonne (Aude), après un geste héroïque. Les hommages se sont multipliés. Le militaire s’était échangé contre une otage, une caissière du magasin Super U pris pour cible par l’assaillant. Trois autres personnes ont perdu la vie dans cet attentat perpétré par Radouane Lakdim, 25 ans, mort sous les balles du GIGN.
Ce lundi, la cour d’assises spéciale de Paris jugera sept membres de son entourage, principalement issus de la cité Ozanam, à Carcassonne. Âgés de 23 à 34 ans, ils sont suspectés d’avoir eu connaissance de la radicalisation de Radouane Lakdim, voire de l’avoir aidé à s’armer pour son funeste projet. Cinq d’entre eux sont renvoyés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », quand deux autres sont jugés pour des délits connexes : l’un pour « détention d’armes », l’autre pour « non-dénonciation de crime », selon l’ordonnance de mise en accusation que Le Point a pu consulter.
À LIRE AUSSI « Une façon de lui rendre hommage » : l’otage sauvée par Arnaud Beltrame sort du silenceL’attentat du 23 mars 2018 débute par un sanglant vol de voiture sur le parking des Aigles, au pied de la cité historique de Carcassonne. Entre 9 et 10 heures du matin, Radouane Lakdim dégaine un pistolet-mitrailleur et abat d’une balle dans la tête Jean-Michel M., le passager âgé de 61 ans, avant de blesser grièvement Renato G., 26 ans, le conducteur.
Le terroriste monte à bord de leur voiture et roule en direction de l’est de Carcassonne. Sur l’avenue du Général-Leclerc, à 10 h 33, il repère un groupe de CRS sortis faire un footing et tire en leur direction à plusieurs reprises. Certains parviennent à esquiver les tirs. L’un d’eux, Frédéric P., est sérieusement blessé au thorax.
Radouane Lakdim poursuit sa route jusqu’au supermarché Super U de Trèbes, petite ville en périphérie de Carcassonne. À son entrée dans le magasin, à 10 h 39, il se présente directement comme un soldat de l’État islamique et sort ses armes. Radouane Lakdim tue Christian M., le boucher du supermarché, et Hervé S., un client. Une balle dans la tête chacun.
L’inouï échange d’otages avec Arnaud Beltrame
Son arrivée au Super U crée la panique. Les clients courent sous les invectives et les menaces du terroriste. Radouane Lakdim, très agité, se dirige vers l’entrée et prend en otage Julie, une hôtesse de caisse. Il s’enferme avec elle dans un petit local de l’accueil en attendant la venue des autorités.
Pendant ce temps-là, les forces de l’ordre foncent vers le supermarché. Une première unité de gendarmerie arrive sur place. Son chef : le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame. Le militaire engage le premier un dialogue avec le terroriste et lui propose un geste inouï : un échange entre la caissière et lui-même, estimant que sa fonction pouvait avoir plus de valeur aux yeux du tueur. À bout de munitions, celui-ci accepte, mais lui demande au préalable de lui remettre son arme de service et son chargeur. Arnaud Beltrame s’exécute. Il est échangé contre Julie à 11 h 45.
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Les forces de l’ordre, toujours plus nombreuses autour du Super U, maintiennent le contact avec Radouane Lakdim. « Je suis un soldat de l’État islamique », se présente-t-il. Nous sommes alors deux ans et demi après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. « Tant que vous continuerez à bombarder l’État islamique, ce sera la guerre », ajoute Radouane Lakdim, dans la droite ligne du discours des Français djihadistes, justifiant son acte comme des « représailles contre la France qui a bombardé la Syrie, l’Irak et le Mali ». Il cite Mohammed Merah, Amedy Coulibaly, et exige l’improbable libération immédiate de Salah Abdeslam, membre du commando du 13 novembre 2015. À 14 h 30, le GIGN donne l’assaut et abat le terroriste. Il aura tout de même le temps de tirer sur Arnaud Beltrame à deux reprises avec sa propre arme avant de l’égorger.
Radouane Lakdim, un délinquant confirmé
Quatre ans plus tard, en août 2022, l’enquête est finalement bouclée. L’organisation État islamique, qui avait revendiqué l’attaque l’après-midi même, aurait noué des contacts au préalable avec Radouane Lakdim. Avant de se muer en terroriste, Radouane Lakdim était un délinquant de droit commun très confirmé. L’enquête dessine alors les contours d’une sphère délinquante locale à laquelle appartenait le tueur, constituée de petits trafiquants et de caïds de Carcassonne. Des associés qui auraient pu lui fournir une aide financière ou lui permettre de se procurer des armes. Radouane Lakdim, bon client d’une armurerie locale, possédait d’ailleurs des couteaux crantés, un sabre et des munitions chez lui.
Certains accusés sont même soupçonnés d’avoir eu connaissance de sa radicalisation, étant eux-mêmes pratiquants d’un islam radical. Sur le mur d’une petite dépendance au fond du jardin de sa maison, Radouane Lakdim avait tagué « EI », pour État islamique. L’un de ses carnets de notes était noirci de discours haineux envers les mécréants. Cette radicalité n’est pas passée inaperçue dans le quartier. Si certains ont décidé de prendre leurs distances, d’autres n’ont pas jugé bon de s’en éloigner.
De « Grenouille » à « Kalash »
Ainsi, son ex-petite amie, témoin de ses coups de sang et du fait qu’il portait un couteau sur lui en permanence, ne semble pas s’être inquiétée lorsque Radouane Lakdim lui avait juré qu’il allait « passer sur BFM », « choquer tout le monde » et « mourir en martyr ». Sa petite copine de l’époque, âgée de 22 ans (et qui l’avait rencontré à 14 ans), est de son côté décrite par l’accusation comme « totalement imprégnée de l’idéologie djihadiste ».
Le jour de l’attentat, plusieurs membres de la cité Ozanam ont tout de suite pensé à « Radouane », compte tenu de sa double passion pour la religion et les armes. Parmi les accusés, Sofiane B. aurait partagé les idées et la radicalité du terroriste. Ahmed A., trafiquant local, aurait nettoyé le domicile familial avant une perquisition pour enlever des armes. Quant à Samir M., son meilleur ami, il l’avait accompagné quinze jours avant les faits pour acheter le poignard qui a tué Arnaud Beltrame. Le surnom de Radouane Lakdim à la cité n’était-il pas passé de « Grenouille » à « Kalash » compte tenu de son discours sur le djihad ? Aucun de ses amis, pourtant, ne l’avait cru capable de passer à l’acte.
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