Les médias face au « tsunami antidémocratique » : comment le groupe Sipa-Ouest-France se positionne

les médias face au « tsunami antidémocratique » : comment le groupe sipa-ouest-france se positionne

David Guiraud, président de l’ASPDH, Association pour le Soutien des Principes de la Démocratie Humaniste, association à but non lucratif propriétaire du groupe de presse Sipa Ouest-France.

L’ASPDH (*), Association pour le Soutien des Principes de la Démocratie Humaniste, association à but non lucratif propriétaire du groupe de presse Sipa-Ouest-France, a organisé ce jeudi 11 avril 2024 une journée de réflexion avec 180 salariés du groupe. Thème de cette rencontre : « Médias et démocratie ».

Après « la confiance » en 2022, puis « l’indépendance » en 2023, la journée annuelle de réflexion de l’Association ASPDH, association loi 1901 à but non lucratif propriétaire du groupe de presse Sipa, auquel appartiennent Ouest-France, Le Courrier de l’Ouest, Presse Océan et Le Maine Libre, a abordé, cette semaine la question de la démocratie.

Lire aussi : Groupe Ouest-France : le défi de l’indépendance

David Guiraud, président de l’ASPDH, rappelle l’urgence de cette question, en cette année 2024 où les habitants de plus de 70 pays sont appelés aux urnes. « Nous voyons tous les jours à quel point la démocratie humaniste que nous défendons est malmenée, attaquée de toutes parts, de manière souvent cynique et souterraine ».

Parmi les raisons qui provoquent un « affaiblissement » de cette démocratie, David Guiraud cite « la mondialisation rapide, la montée des inégalités, l’incertitude croissante et l’absence de grand récit, la radicalisation et le communautarisme, la polarisation et l’épuisement politique »…

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De gauche à droite : Marie Mangane (éditrice chez Publihebdos), Laetitia Greffié (rédactrice en chef à Ouest-France), Dominique Quinio (vice-présidente de l’ASPDH), Stéphanie Séjourné (Directrice des rédactions des Journaux de Loire) et Marion Pignot (rédactrice en chef adjointe de 20 minutes)

Il évoque également « un tsunami antidémocratique des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, instrumentalisés par les plus grands États… Après avoir industrialisé la distribution, ce sont les contenus qui sont aujourd’hui industrialisés, ouvrant les vannes à un déluge d’information déracinée, générant une fatigue généralisée des cerveaux hackés par les algorithmes… »

Que peut un groupe comme Sipa Ouest-France face à un tel déluge ? « Plus il y aura de technologie et d’IA, plus nous devrons parier sur l’intelligence collective. Moins on saura qui parle, plus des médias comme les nôtres, enracinés dans une histoire, des territoires et des valeurs fortes et constantes, auront un rôle à jouer pour que la démocratie humaniste qui nous rassemble puisse encore donner envie au plus grand nombre. »

«Ã‚ La violence contre nous a explosé avec le Covid»

Parmi les constats des journalistes présents à cette journée de réflexion, des relations quotidiennes qui se compliquent avec le public : « Depuis trois ou quatre ans, le lien entre journalistes et lecteurs est devenu plus complexe » constate Marie Mangane, journaliste et éditrice chez Publihebdos. « La violence à notre encontre a augmenté avec les Gilets jaunes, puis elle a explosé avec le Covid », avec une baisse forte de la confiance dans les institutions. « Notamment les médias. La presse locale était aux premières loges ! »

Le constat est partagé par Laetitia Greffié, rédactrice en chef à Ouest-France : « Notre premier baromètre, c’est le courrier des lecteurs. Dans les 300 courriers que nous recevons chaque mois, nous constatons des positions de plus en plus radicales, une société de plus en plus fragmentée, des repères qui se perdent. » Les médias sont souvent accusés d’en être les responsables. « Les gens sont de plus en plus ancrés dans leurs certitudes. Ils ont une incapacité croissante à débattre. La capacité du vivre ensemble est en train de se perdre. »

les médias face au « tsunami antidémocratique » : comment le groupe sipa-ouest-france se positionne

Près de 180 salariés du groupe Sipa ont participé à cette journée de réflexion..

«Ã‚ Nous ne sommes pas des reporters de guerre ! »

Et la violence se banalise… Stéphanie Séjourné, directrice des rédactions des Journaux de l’Ouest (Le Maine Libre ; le Courrier de l’Ouest, Presse Océan), cite un exemple récent, significatif et très préoccupant : « Chaque année, le 1er janvier, nous publions la photo du premier bébé de l’année avec ses parents dans nos colonnes et sur notre site. En 2024, pour la première fois, nous avons dû bloquer les commentaires du site, tellement ils étaient violents et racistes ! »

Résultat, inimaginable il y a « encore quelques années : « Nous devons désormais former nos journalistes à assurer leur propre sécurité… Nous ne sommes pourtant pas des reporters de guerre ! » poursuit Stéphanie Séjourné.

Rédactrice en chef adjointe de 20 minutes, Marion Pignot détaille une étude réalisée par son journal auprès d’un panel de 18-30 ans sur les médias et la démocratie. Premier chiffre impressionnant : « 94 % d’entre eux ressentent de la lassitude vis-à-vis de l’actualité, 93 % se sentent impuissants et 86 % éprouvent de la colère ! » Quant aux réseaux sociaux, ils sont une majorité (56 %) à les trouver utiles et 28 % à les considérer comme dangereux. « À 20 minutes, nous avons dû fermer des comptes, supprimer des commentaires… La défiance vis-à-vis des médias et des journalistes n’a jamais été aussi forte ! »

les médias face au « tsunami antidémocratique » : comment le groupe sipa-ouest-france se positionne

Une journaliste en entretien à Rennes le 11 avril.

«Ã‚ Retisser du lien : une nécessité absolue »

Du coup, que faire demain pour assainir ces relations ? Premier objectif, urgentissime : retisser le lien. Comme le maire parmi les élus, « les médias locaux ont encore du crédit. La valeur du mot relier n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui », rappelle Marie Mangane. Camille Allain, de 20 minutes Rennes, insiste lui aussi sur « la nécessité absolue de retisser du lien face à la défiance ».

Cela passe, notamment, par plus de transparence sur le métier de journaliste : « Qui sommes-nous ? Comment travaillons-nous ? Descendons de notre piédestal, allons à la rencontre des gens. Nous n’expliquons pas assez notre métier », estime Benoit Guérin, directeur départemental de Ouest-France dans le Morbihan.

Jean-François Baron, rédacteur en chef adjoint du Maine Libre, approuve : « Développons la fabrique de l’info : il faut dire comment nous travaillons. Mélanie Niger, journaliste à l’hebdo gratuit C’est à Cherbourg, le dit autrement : « Je suis une mère de famille. J’ai les mêmes problèmes de poux à l’école ou de pouvoir d’achat que les lecteurs. »

Mais comment faire, quand l’information anxiogène vous bloque jusqu’à la nausée ? Virginie Enée, cheffe de la rédaction Ouest-France de Rennes, cite en exemple les sujets liés au climat : « Nous ne pouvons pas être que sur l’anxiogène. Il nous faut donner des solutions que chacun peut s’approprier, montrer aux gens qu’ils ont les moyens d’agir. »

«Résister aux micro-polémiques»

Dernier point évoqué : la bienveillance. « La société souffre, créons des espaces où l’hystérie collective n’a pas sa place ! » affirme Stéphanie Séjourné. « Quand on prend le temps de parler aux gens, leur expliquer, argumenter, cela aide à les calmer », poursuit Fabienne Supiot, cheffe de la rédaction de Cholet au Courrier de l’Ouest.

Tisser du lien, jouer la transparence, et la bienveillance… Des défis majeurs. Président de l’ASPDH, David Guiraud conclut cette journée de réflexion en ajoutant d’autres défis à relever : « Stop à la banalisation de la violence des propos, des actes et des faits ; stop aux généralités du type les jeunes, les casseurs ou les teufeurs ; ayons le courage de résister aux micro-polémiques qui font le miel des audiences ; travaillons avec humilité et respect, acceptons de dire qu’on s’est trompé ». Des objectifs vitaux à l’heure où l’intelligence artificielle, les infox et la violence s’emparent du monde de l’information.

David Guiraud rappelle la raison d’être du groupe Sipa Ouest-France : « Éclairer, informer, relier les citoyens pour faire progresser le bien commun dans le respect et la dignité de chacun »… Un formidable défi à l’heure où tant de dangers politiques, économiques ou technologiques menacent le monde des médias.

(*) L’ASPDH, Association pour le Soutien des Principes de la Démocratie Humaniste, est une association à but non lucratif loi 1901, propriétaire de l’ensemble des journaux et filiales du groupe Sipa Ouest-France. une structure capitalistique unique en France.

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