FIGAROVOX/TRIBUNE – Jonathann Daval était jugé, mercredi 10 avril, pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de sa belle-famille. Le parquet a requis la relaxe. L’avocate Laure-Alice Bouvier plaide pour renforcer les procédures offertes à la justice en obligeant les accusés à prêter serment.
Jonathann Daval porte plainte en diffamation contre la famille d’Alexia
Laure-Alice Bouvier est docteur en droit et avocate au barreau de Paris.
«Je jure de dire la vérité, toute la vérité». Qui n’a pas entendu ce serment prononcé dans un film policier ou un western par un accusé lors de son procès qui, s’il se révélait être coupable de parjure risquerait une lourde peine de prison ? La justice française est aux antipodes de cette procédure et un récent procès vient de nous le rappeler. Le 10 avril dernier, Jonathann Daval, condamné en 2020 pour le meurtre de son épouse, était jugé cette fois pour «dénonciation calomnieuse» envers sa belle-famille. Il avait en effet, durant l’enquête, accusé son beau-frère d’avoir étranglé sa femme et ses beaux-parents, de l’avoir couvert… puis s’était finalement rétracté.
Or, malgré la gravité de cette fausse accusation, du fait de l’opprobre jeté sur cette famille, le procureur a, de façon tout à fait surprenante, requis ce 10 avril, la relaxe de Jonathann Daval. «La loi et la jurisprudence reconnaissent à une personne poursuivie de pouvoir mentir, même si c’est moralement très dur», a-t-il déclaré. Une telle requête du ministère public, représentant des intérêts de la société, peut paraître choquante si l’on ne sait pas qu’en France le mis en cause ne prête pas serment. De ce fait, il ne peut donc pas être accusé de parjure. En conséquence il bénéficie d’une sorte de «droit de mentir» contrairement aux témoins qui, eux, peuvent faire l’objet d’une condamnation pour entrave à l’exercice de la justice (article 434-13 du Code pénal). Il n’existe pour autant aucun texte accordant ce «droit de mentir» et il n’est d’ailleurs aucune raison valable de vouloir le fonder juridiquement.
La réalité est que la recherche de la vérité nécessiterait au contraire, que les témoins comme l’accusé ou le prévenu soient tenus de prêter serment. Plus encore, on comprend mal pour quelle raison des auteurs de délits ou de crimes se voient accorder le droit de se défendre en trompant ceux qui ont en charge de protéger la société contre ceux qui en menacent la sécurité et l’équilibre. N’est-ce pas là «marcher sur la tête» ? La décision du tribunal correctionnel de Besançon n’est pas encore connue, ayant été mise en délibéré au 24 mai prochain. Mais quoi qu’il en soit, de cette affaire en particulier et du jugement qui sera prononcé, on doit s’interroger sur une législation qui permet à un criminel de mentir impunément devant la justice.
On doit même se demander si ce n’est pas aller trop loin dans la protection des droits de l’accusé, qui dispose notamment de celui de se taire, reconnu à toute personne soupçonnée ou jugée ce qui, déjà laisse place à des mensonges par omission. Mieux : comment peut-on accepter qu’un mis en cause puisse impunément mentir avec pour effet de brouiller les pistes et d’induire volontairement en erreur le juge et les enquêteurs ? On le comprend, une telle initiative n’est pas sans alourdir considérablement les tâches de ces derniers ainsi que les budgets qui leur sont alloués.
Il est donc crucial de prendre des mesures législatives afin d’en terminer avec ce «droit à mentir» qui n’existe encore que par la négligence ou le manque d’audace du législateur. Ce ne serait pas pour autant porter atteinte aux droits de la défense. Il s’agirait seulement de renforcer les procédures offertes à la justice en obligeant les accusés à prêter serment. Certes, le principe de sécurité juridique implique que les textes ne changent pas à tout bout de champ, mais il est clair que l’on se trouve ici face à une sorte d’absurdité d’autant moins acceptable que la part belle est faite à une délinquance et à une criminalité qui sont en nette progression.
Il s’agit finalement de la nécessité d’adapter notre législation à un environnement qui n’a plus rien à voir avec celui dans lequel elle fut initialement conçue et qui se montre de plus en plus menaçant pour les droits essentiels de la personne.
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