Fred Dewilde, dessinateur et survivant de l’attentat du Bataclan, s’est suicidé
Auteur de plusieurs bandes dessinées témoignant de son traumatisme et de son parcours de reconstruction, Fred Dewilde s’est donné la mort, neuf ans après les attentats du 13 novembre 2015.
Neuf ans après les attentats du 13 novembre 2015, Fred Dewilde, un des survivants du massacre du Bataclan, a fini par se donner la mort qu’il avait vue de trop près, dimanche 5 mai, a annoncé mardi l’association d’aide aux victimes Life for Paris, dont il était membre. Il avait 58 ans.
Graphiste et dessinateur, ce gentil géant aux airs de « colosse bourru » était sorti indemne physiquement de la fosse du Bataclan, où il avait passé deux heures au milieu des cadavres et des mourants, mais le « poison » du traumatisme a fini par le rattraper, écrivent ses proches dans un hommage transmis à la presse.
Au procès des attentats du 13-Novembre, une semaine avec les morts du Bataclan
Depuis « ce soir funeste du 13 novembre 2015, où il disait qu’une partie de lui était morte », écrit sa famille, Fred Dewilde avait raconté son traumatisme et son lent parcours de reconstruction psychique à travers plusieurs romans graphiques : Mon Bataclan, vivre encore (Lemieux, 2016), La Morsure (Belin, 2018), Conversation avec ma mort (Rue de Seine, 2021) et La Mort émoi (Editions 13 en vie, 2022). A travers ces différents ouvrages, il avait partagé sa rencontre avec la mort qui, il l’ignorait alors, était entrée en lui.
«Р’В Son immense appГ©tit de vivre portГ© par lРІР‚в„ўamour quРІР‚в„ўil donnait autant quРІР‚в„ўil recevait, son Г©nergie communicative, son humour dГ©capant, ses Е“uvres poignantes, ses projets pleins les tiroirs ont Г©tГ© fauchГ©s en une nuit par une pulsion suicidaire insurmontable le rendant sourd Г tout avenir. Cette nuit-lГ , une Г©tincelle a ouvert bГ©antes ses insupportables blessures qui le meurtrissaient depuis tant dРІР‚в„ўannГ©esР’В Р’В», Г©crivent ses proches.
«Р’В Nous, sa famille, nous sommes sous le choc et dГ©vastГ©s par la violence avec laquelle ce sournois poison rГ©pandu par les terroristes du 13Р’В novembreР’В 2015 lРІР‚в„ўa implacablement frappГ© aprГЁs plus de neuf ans de rГ©sistance acharnГ©e. Ils lРІР‚в„ўont tuГ© une seconde fois, sans plus de seconde chance de “survie” (…).Р’В Mais Г travers tout ce quРІР‚в„ўil a partagГ© avec nous, Fred continuera Г nous indiquer la voie Г suivreР’В : combien lРІР‚в„ўattention Г lРІР‚в„ўautre panse les plaies, combien la parole libГЁre, combien le respect de lРІР‚в„ўautre rГ©sout les maux, combien la fraternitГ© fait la force.Р’В Р’В»
Les « balles invisibles »
Fred Dewilde n’est pas le premier survivant du Bataclan à se donner la mort. Deux ans après les attentats qui avaient fait 130 morts au Stade de France, sur des terrasses de café de l’Est parisien et dans la salle de spectacle, Guillaume Valette, lui aussi sorti indemne physiquement de la fosse du Bataclan, avait été retrouvé pendu, le 19 novembre 2017, dans sa chambre de la clinique psychiatrique du Val-de-Marne, où il avait été admis un mois et demi plus tôt. Il a été reconnu de façon posthume, en 2019, comme la 131e victime de ces attaques. Il avait 31 ans.
Pendant le procès des attentats du 13-Novembre, en octobre 2021, son père, Alain, était venu raconter à la barre les deux ans d’enfer vécus par son fils après sa sortie de la fosse : « Guillaume n’a pas reçu de balles dans le corps, mais des balles invisibles, qui l’ont tué, doucement mais sûrement. Dans les deux années qui ont suivi, son état psychique s’est dégradé, comme une gangrène. »
Au procès du 13-Novembre, les « balles invisibles » qui ont tué Guillaume, la 131e victime des attentats
«Р’В Son histoire me pousse Г vous dire que les blessures invisibles devraient ГЄtre mieux comprises, avait-il insistГ©.Р’В Les attentats gГ©nГЁrent des blessures psychiques si graves quРІР‚в„ўelles peuvent pousser au suicide, comme certains soldats revenant des zones de combat.Р’В Р’В»
France-Elodie Besnier n’était pas au Bataclan ce soir-là. Elle s’était installée à la terrasse du bar Le Carillon, juste en bas de chez elle, quand trois membres des commandos ont ouvert le feu à la kalachnikov. Elle aussi a échappé aux balles réelles. Elle aussi a finalement succombé à ses blessures psychiques. Le 6 novembre 2021, deux mois après l’ouverture du procès, elle s’est donné la mort. Elle avait 35 ans.