Meurtre du policier Éric Masson à Avignon : un dealer jugé aux assises

Meurtre du policier Éric Masson à Avignon : un dealer jugé aux assises

Son visage a marqué la profession. Éric Masson, policier âgé de 36 ans, est mort lors d’une banale intervention sur un petit point de deal en centre-ville d’Avignon, le 5 mai 2021. Son meurtrier présumé, Ilias A., est un dealer, aujourd’hui âgé de 23 ans. Accusé de « meurtre » et « tentative de meurtre » sur personne dépositaire de l’autorité publique, il sera défendu par maître Franck Berton à la cour d’assises d’Avignon, où son procès s’ouvre ce lundi.

Deux autres accusés s’assiéront près du box : Abdi A. et Ismaël B., 24 et 25 ans, soupçonnés de l’avoir aidé dans sa cavale. Un collègue d’Éric Masson, visé lui aussi par des tirs, sera sur le banc des parties civiles aux côtés de la famille de la victime. Le procès doit durer dix jours.

Les accusés interpellés lors de leur fuite vers l’Espagne

Le soir du meurtre, Éric Masson et ses collègues interviennent rue des Teinturiers à Avignon pour un différend de voisinage. Le calme est rétabli. Vers 18 h 30, les agents décident alors de fureter autour d’un point de deal connu, près d’une épicerie de la rue Thiers. Une consommatrice est contrôlée juste après avoir récupéré sa barrette de résine. La tension monte lorsque deux dealers s’approchent.

«Ã‚ Vous faites quoi, les gars ? Vous charbonnez ? » demande l’un d’eux, d’un ton menaçant, aux policiers. Ils n’ont pas vraiment le temps de répondre. Ilias A. dégaine, semble-t-il, une arme à feu de sa sacoche et tire au moins trois fois sur Éric Masson, tandis que son collègue réplique en se cachant derrière une voiture. Il est alors la cible d’un nouveau tir. Plusieurs témoignages évoquent l’auteur des tirs comme un jeune homme mince, aux mèches blond décoloré, qui aurait pris la fuite à trottinette.

À LIRE AUSSI Quand la drogue gangrène les centres-villesCinq jours après le meurtre, l’enquête menée par plus de 80 policiers mène à Ilias A. surnommé « L’excellent », et son ami Ayoub A., réfugiés dans une cave dans une cité du sud d’Avignon. Ils tenteront de fuir vers l’Espagne mais seront interpellés juste avant à hauteur d’un péage du Gard. Ilias A. a toujours nié les faits, sans pouvoir réellement justifier son emploi du temps ce jour-là. Son profil ? tout comme celui des deux autres accusés ? n’est pas celui d’un cador, mais plutôt d’un petit revendeur de shit, condamné six fois alors qu’il était mineur pour du trafic de stupéfiants.

Des hommages massifs à Éric Masson, un policier apprécié

Peu avant le meurtre d’Éric Masson, plusieurs règlements de comptes entre narcotrafiquants avaient eu lieu à Avignon, dans un climat tendu. Rien ne laissait penser qu’une intervention aussi banale puisse dégénérer. Chez les policiers, le meurtre avait créé l’émoi. Éric Masson était un collègue apprécié et père de deux filles de 5 et 7 ans. Avant de rejoindre le groupe départemental d’Intervention du Vaucluse (GDI 84), il était passé par Marseille pendant quatre ans et par la brigade anticriminalité (BAC) de Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne), limitrophe de Champigny, un secteur sensible. Ce policier volontaire et sportif n’hésitait pas à courir après les délinquants et vivait son métier dans l’action.

Plusieurs membres de sa famille sont aussi policiers en Île-de-France. En 2021, les hommages ont été massifs : près de 4 000 personnes se sont rassemblées sur le parvis de l’hôtel de police d’Avignon cinq jours après le meurtre. « La cour du commissariat était noire de monde, je revois les collègues autour de la photo d’Éric Masson, une gerbe de fleurs au pied du portrait, se souvient David-Olivier Reverdy, à l’époque représentant du syndicat de police Alliance dans le sud de la France. Les gens étaient venus de toute la France pour se recueillir. »

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D’autant que la violence du meurtre contraste avec la dangerosité de l’intervention. Les policiers s’inquiètent à l’idée qu’un dealer de petite envergure soit capable de tuer l’un des leurs. « Éric Masson est mort froidement, pour rien, estime David-Olivier Reverdy. Ce n’était pas une opération dangereuse ou difficile. Cela a créé un choc à Avignon, qui est comme un village où tout le monde se connaît. » Plusieurs anciens collègues et chefs d’Éric Masson, aujourd’hui mutés ailleurs en France, feront le déplacement à Avignon en soutien à la famille.

L’accusé savait-il qu’Éric Masson était policier ?

Le soir du meurtre, la ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’était rendu à Avignon auprès de la famille du policier et de ses collègues. Puis, le 19 mai 2021, une grande manifestation avait eu lieu à Paris à l’appel d’une intersyndicale de policiers, en présence de personnalités politiques, dont Gérald Darmanin mais aussi des élus Les Républicains et du Parti socialiste. Seule absente notable, La France insoumise, qui y voyait une man?uvre « corporatiste ». Les syndicats, qui ciblaient une « trop faible réponse pénale », réclamaient alors le rétablissement de « peines planchers » pour les crimes et délits contre les policiers. Le projet n’est plus à l’ordre du jour.

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La profession et la classe politique de l’époque s’accordent à dénoncer un meurtre de la « haine antiflic ». À partir de ce lundi, la cour d’assises d’Avignon devra néanmoins déterminer si Ilias A. savait qu’Éric Masson était policier. Son collègue affirme avoir entendu la victime crier « Police ! » avant de se faire tirer dessus. Mais cela n’est pas confirmé par tous les témoins, certains parlant d’un cri prononcé après les tirs. L’accusation s’appuie sur le fait qu’Éric Masson aurait sorti son brassard de police à la main, mais certains témoignages parlent d’un geste discret. Trop discret pour être vu par le dealer, qui les aurait pris pour des concurrents ? Cette nuance changerait la qualification pénale et donc la peine envisageable pour l’accusé. Elle passerait de la réclusion criminelle à perpétuité à trente ans de prison.