Extrême droite : Pourquoi 1.500 néofascistes ont manifesté sans être inquiétés à Milan
Ce lundi, des nostalgiques de Mussolini ont défilé à Milan pour commémorer la mort de Ramelli, une figure du parti fondé après la mort du « duce ». Et ce, sans que les autorités interviennent
Giorgia Meloni, du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, est à la tête du gouvernement italien depuis l’automne 2022.
extrême droite – Ce lundi, des nostalgiques de Mussolini ont défilé à Milan pour commémorer la mort de Ramelli, une figure du parti fondé après la mort du « duce ». Et ce, sans que les autorités interviennent
Les images sont glaçantes. Ce lundi, 1.500 néofascistes ont défilé lors d’une marche au flambeau à Milan, sans que les autorités n’interviennent au cours de la manifestation. Si les événements à connotation fascistes ne sont pas nouveaux en Italie, ce rassemblement interroge alors que Giorgia Meloni, du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, est à la tête d’un gouvernement de coalition depuis l’automne 2022.
Alberto Toscano, journaliste et écrivain italien, qui publie ce jeudi le livre Camarade Balabanoff, vie et luttes de la grand-mère du socialisme (éd Armand Colin, 2024), et Marc Lazar, professeur des universités en histoire et sociologie politique, codirecteur du groupe de recherches pluridisciplinaires sur l’Italie contemporaine (GREPIC) à Sciences po, nous éclairent sur la situation socio-politique en Italie.
Que s’est-il passé à Milan ?
Pour commémorer la mort de Sergio Ramelli, une figure du mouvement social italien (MSI), crée après la mort de Mussolini, les manifestants néofascistes ont défilé ce lundi à Milan et réalisé des saluts fascistes ou saluts romains. Selon l’agence de presse italienne ANSI, le procureur de Milan a ouvert une enquête pour apologie du fascisme après ce rassemblement. « C’est très impressionnant et très choquant parce que c’est toute la liturgie fasciste, avec le salut romain et les torches qui s’exprime, commente Marc Lazar mais ce sont des groupes ultra-minoritaires, des activistes, qui ont toujours existé en Italie ».
Ces dernières années, même sous des gouvernements de gauche, des événements de commémoration fascistes ont régulièrement été organisés en Italie. « Il y avait une certaine tolérance pour des événements comme des enterrements de militants néofascistes. Ils restaient circonscrits et la police fermait les yeux, rapporte Alberto Toscano. Cependant, il est indécent que cette manifestation ait été autorisée à se dérouler ».
Pourquoi une telle manifestation a-t-elle pu se tenir ?
«Ã‚ Les groupes néofascistes se sentent autorisés àfaire ça car Giorgia Meloni, quand on l’interpelle sur ces sujets, elle répond que ce n’est pas son parti qui a appelé àla manifestation, tout en ne condamnant jamais explicitement », analyse Marc Lazar. Cette ambiguïté, la Première ministre la cultive volontiers : elle ménage l’infime partie de sa base qui partage ces idées néofascistes, tout en laissant penser qu’elle est sur une voie de « modération », compatible avec la charge de gouverner.
Au-delà des activistes néofascistes, très peu nombreux, une sympathie pour les années Mussolini transparaît à l’intérieur de Fratelli d’Italia. « Il existe une minorité dans son parti et au plus haut niveau qui a une certaine empathie pour ne pas dire nostalgie avec ce type de manifestation et ce que ça évoque, c’est incontestable, juge Marc Lazar. Mais en même temps, elle est critiquée par ces mêmes mouvements, qui la trouvent trop timorée, pas assez dure sur l’immigration, sur la prééminence nationale et trop complaisante avec l’Europe. »
Ces mêmes qui la trouvent trop « molle », veulent « la mettre en difficulté pour l’empêcher de compléter son évolution politique vers une droite démocratique européenne davantage normalisée », estime le journaliste italien, qui assure que la leader est bien au fait de ces dissensions internes.
«Ã‚ En ce moment, il y a une certaine atmosphère qui favorise l’expression d’une nostalgie fasciste, àcause de ce gouvernement, assure Marc Lazar, qui vit la moitié de l’année en Italie. Ainsi, le président du Sénat, Ignazio La Russane, ne cache pas que son plus grand plaisir dans la vie, c’est de faire la collection des bustes de Mussolini… »
Qu’est-ce que cela dit de la société italienne ?
Si, dans les enquêtes d’opinion récentes, les Italiens condamnent le fascisme, des débats, qui peuvent tendre à édulcorer les années Mussolini, perdurent dans la société italienne. « Certains disent qu’il a apporté de bonnes choses à l’agriculture ou à l’économie », pointe, par exemple, Alberto Toscano. Marc Lazar confirme qu’un discours circule selon lequel, de braves gens ont été obligés d’adhérer au parti de Mussolini, sans y croire vraiment. « Ils édulcorent la réalité totalitaire du fascisme, en laissant penser que ce n’était pas si grave que ça », pointe l’historien. Chaque année, des commémorations ont lieu à Predappio, le village natal de Mussolini, et attirent des dizaines de milliers de visiteurs qui achètent des goodies à l’effigie du duce, en vente libre.
Tout en arborant un « visage plus accommodant », selon l’expression de Marc Lazar, Giorgia Meloni est en guerre contre ce qu’elle appelle « l’hégémonie culturelle de gauche », et elle a récemment censuré un journaliste à la télévision publique italienne, qui voulait dénoncer ses réticences à répudier les racines fascistes de son parti d’extrême droite.
«Ã‚ Beaucoup d’observateurs en Italie disent qu’elle devra clarifier sa position àun moment donné », estime Marc Lazar.
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