Européennes : à la Mutualité, la macronie peine à raviver la flamme
Valérie Hayer à la Mutualité le 7 mai 2024.
Des bougies à souffler, un compte à rebours à lancer. Entrant dans La Mutualité (Paris) avec Gabriel Attal devant quelque 2500 personnes, Valérie Hayer colle bises et hug aux ministres et chefs de partis, au premier rang. Militante zélée qui court les réunions publiques, Elisabeth Borne (acclamée par des «Babeth, Babeth !») prend place à côté d’Edouard Philippe. Poussés par le Président à faire campagne, des députés Renaissance, Modem et Horizons voisinent les candidats de la liste Renew dévoilée ce week-end. Dans la salle, piquée de drapeaux français et européens, des militants tentent de faire partir un «Joyeux anniversaire», sept ans jour pour jour après l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir.
Une petite émotion de vétérans gagne les troupes. Les marcheurs de la première heure remontent plus loin encore que le 7 mai 2017. Le 12 juillet 2016, Macron tenait ici son premier meeting. Sept ans plus tard, où a bien pu passer le «socle» électoral du chef de l’Etat ? A un mois des élections européennes, les 5 millions qui ont porté leur choix sur la liste Loiseau, lors du scrutin de 2019, voire les 9,7 millions qui ont voté Macron au premier tour de la présidentielle persistent à bouder. A la peine dans les sondages, Valérie Hayer plafonne entre 16 et 17 % d’intentions de vote, distancée par Jordan Bardella (RN) et talonnée par Raphaël Glucksmann (PS).
Corde pro-européenne
Alors sur scène, les orateurs s’efforcent de ranimer la flamme, promettant un nouveau, nouveau départ – après le meeting de Lille le 9 mars, puis le discours élyséen de la Sorbonne. Gabriel Attal évoque ce «moment capital, vital dans une campagne, où tout est prêt, où tout se lance et s’accélère», convaincu de lancer, ce mardi, «le tournant de cette campagne» : «battons-nous», enjoint le Premier ministre.
Pour réveiller les électeurs macronistes assoupis (ou déçus), les responsables du camp présidentiel s’attachent à faire vibrer leur corde pro-européenne, censée être leur «ADN». Au détour d’un exposé géopolitique religieusement écouté, le numéro deux de la liste, Bernard Guetta, lunettes tout au bout du nez, donne au public «un mois pour remonter la pente et faire gagner notre unité, celle de l’Europe». Et s’en prend au principal adversaire, le Rassemblement national. «Où en serions-nous si Mme Le Pen avait été Présidente ? Nous serions dans le trou.» Et l’ancien journaliste de cibler le candidat d’extrême droite, qui fait tout pour nationaliser le scrutin : «Non Monsieur Bardella ce n’est pas une élection de mi-mandat. Le seul fait que vous puissiez commettre une telle erreur vous disqualifie.»
«On veut rassembler notre électorat»
Chacun y va de son couplet anti-RN. Attal conseille à ses partisans d’interroger leurs proches «qui doutent» : «quelles seraient les conséquences le 9 juin, d’une vague brune» en France, représentée à Strasbourg par «un bataillon d’apparatchiks europhobes» ? Chargeant «des patriotes de papier» qui ont fait «allégeance» au Kremlin, Hayer se radoucit pour s’adresser aux électeurs frontistes. A une, notamment, Colombe, dont l’interview sur TF1, à la sortie du meeting de Bardella à Perpignan, a été vue plus de 5 millions de fois : «Avec eux au pouvoir, pas un prix qui baisse, pas un salaire qui augmente, pas une usine qui rouvre. C’est pour vous Colombe, pour tous les résignés, que je veux me battre. Ma responsabilité, c’est de vous faire changer d’avis.»
Reste que pour rattraper son retard, dans une élection traditionnellement marquée par une faible participation, c’est d’abord son fameux «socle» que la majorité doit reconquérir. «Rien n’est figé, on veut rassembler notre électorat, notre réservoir est là. Le militant LFI sur le marché, on ne va pas le convaincre», estimait Gilles Boyer, colistier Horizons, juste avant le meeting. En coulisse, un stratège de la campagne note que les électeurs macronistes, s’ils ne dévoilent pas leurs intentions pour le 9 juin, n’ont pas tous filé chez Glucksmann : «On serait dans une zone de risque s’ils partaient massivement. Pour l’instant, ils ne vont pas voter. Reste à faire entrer le pays dans la campagne.»
Punchlines toutes faites
Mais les orateurs ont beau dramatiser l’enjeu, donnant de l’écho à l’avertissement présidentiel d’une Europe qui «peut mourir», la «team ambiance» des jeunes militants a beau s’époumoner, Attal et Hayer peinent à électriser la salle. Et enchaînent quelques punchlines toutes faites (Hayer fière de «mener cette équipe de France de la cohérence et de la compétence») ou facilités d’estrade. Ainsi Attal résumant, plusieurs fois, l’équation de l’élection : «Voulons nous être dehors ou dedans ?» «Dedans !», répètent poussivement les militants.
Où retrouver de l’élan ? Rassurés par le duel Hayer-Bardella jeudi dernier sur BFMTV, les macronistes veulent croire que leur cheffe de file, désormais échauffée, va monter en puissance, et que désormais tout commence. «Une campagne européenne, c’est trois mois à fourbir ses armes et trois semaines à séduire l’électeur», théorise Patrick Mignola, vice-président du Modem. Un mois de sprint final, avec sept ans de pouvoir dans les pattes.