De la glace de mer dans l’océan Arctique près de Ny-Aalesund, Svalbard, en Norvège, le 5 avril 2023.
Des étés sans glace en Arctique sont désormais inévitables dès 2030, selon une étude scientifique parue mardi 7 juin. Cette disparition était envisagée mais personne ne pensait qu’elle arriverait aussi vite. Plutôt que de désespérer, la glaciologue Heïdi Sevestre estime que c’est la preuve qu’il est plus que jamais temps d’agir.
«Â Cela devrait être le plus gros signal d’alarme jamais vu. » En découvrant la nouvelle étude scientifique annonçant la prochaine disparition de la banquise de l’Arctique l’été, la glaciologue Heïdi Sevestre, qui travaille à l’Amap, le programme de surveillance et d’évolution de l’Arctique, n’a pas été surprise. « On savait déjà depuis le rapport du Giec, en 2021, que c’était trop tard pour la banquise d’été en Arctique. Mais personne ne savait que cela arriverait aussi vite. »
Selon les nouvelles simulations de l’étude parue mardi 6 juin dans la revue Nature Communications , le premier été sans glace pourrait avoir lieu dès les années 2030. Une disparition qui apparaît comme irréversible. De quoi désespérer ? Au contraire, estime Heïdi Sevestre. Parce qu’il y a encore beaucoup à sauver.
Comment avez-vous accueilli cette nouvelle étude de scientifiques sur la disparition de la banquise estivale ?
Malheureusement, les choses ne vont pas du tout dans le bon sens aujourd’hui, surtout dans l’Arctique. Plus nos recherches scientifiques s’améliorent, plus on réalise que le changement climatique est encore plus avancé qu’on ne le pensait. Jusqu’à présent, nos modèles numériques et mathématiques avaient du mal à capturer la vitesse du réchauffement de l’Arctique. Cette étude utilise de nouvelles données, de nouvelles façons de faire et l’on se rend compte que, quoique l’on fasse aujourd’hui, quelle que soit notre stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on a déjà passé un cap pour cette banquise d’été en Arctique.
Quel est le rôle de cette banquise sur le climat ?
C’est un pilier du climat de la Terre tout entière. On parle d’une surface gigantesque : 14 millions de km2. C’est comme un drap blanc posé sur un océan très sombre. La banquise, c’est Hugo Clément qui utilise cette expression, est le bouclier de l’Arctique. Son climatiseur aussi. Elle agit comme un miroir et renvoie une grande partie du rayonnement solaire dans l’espace. Quand l’Arctique est gelé, les vents qui entourent la banquise, le Polar Jet Stream, forment un ruban qui isole l’Arctique du reste de l’hémisphère nord. Plus la banquise se réduit, plus ces vents ralentissent, font des zigzags… Cette perturbation influence notre météo jusqu’en France. On en a déjà subi les conséquences avec les gels tardifs ou précoces, des périodes de canicule intense, très sèche ou humide.
Mais pourquoi la disparition de la banquise estivale est vue comme une telle catastrophe ? Après tout, si elle se reforme tous les hivers…
C’est justement en été, la période où les températures augmentent naturellement, que l’on a le plus besoin de ce climatiseur naturel. En septembre, le mois de référence pour tous les scientifiques du monde, elle atteint son minimum de superficie. Ça nous donne une idée de sa santé. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore franchi le seuil d’irréversibilité pour la banquise d’hiver. Mais il est certain que, si on reste sur la trajectoire actuelle d’émissions de gaz à effet de serre, elle passera sous ce seuil critique d’un million de km2 qui signifie sa disparition. Pendant l’été, il restera peut-être quelques petites poches de banquise par-ci par-là mais la banquise ne remplira plus son rôle de bouclier.
Avec quelles conséquences ?
Déjà, des conséquences majeures sur la faune et la flore de l’Arctique. Des scientifiques décrivent souvent de façon poétique la banquise comme les récifs coraliens de l’Arctique. Là où la banquise est en contact avec l’océan, elle est pleine d’espèces qui sont à la base de la chaîne alimentaire sous-marine. Que va-t-il se passer quand la banquise ne sera plus là ? Elle est aussi très utile pour tous les 7 millions de personnes qui habitent l’Arctique, beaucoup de communautés autochtones. Pendant l’hiver, la banquise protège des vagues les côtes de l’Arctique, déjà très vulnérables. Ce n’est pas anecdotique, il y a des villages, des ports, des aéroports installés sur les littoraux.
Est-ce que cela aura une influence sur le niveau des mers ?
Directement, la banquise n’a aucune influence là-dessus. Mais si elle disparaît l’été, et on y va tout droit, on va avoir à la place un océan très sombre qui, au niveau de l’Arctique, va absorber la chaleur du soleil. Ça va catalyser le réchauffement de l’Arctique, déjà actuellement quatre plus rapide que celui du reste de la planète. Indirectement, cela va accélérer le dégel du permafrost (qui libérera du CO2) et la fonte du Groenland, qui contient assez de glaces pour augmenter jusqu’à 7 m le niveau des océans.
Tout cela semble lointain. Certains vous diront que c’est une histoire d’ours blanc, de phoques et d’Inuits…
Pourtant, cela va nous toucher directement. Déjà, avec l’élévation du niveau des mers à cause du Groenland. Ensuite, le dérèglement des vents – ce fameux Polar Jet Stream – va entraîner un chaos climatique. Avec des événements météorologiques extrêmes plus fréquents, plus destructeurs et plus difficiles à prévoir. C’est ce qui brise une économie, une agriculture… Ces phénomènes de quelques heures ou quelques jours sont tellement destructeurs qu’il est dur de s’y préparer et s’y adapter. Mais il va falloir parce que l’on sait que dès les années 2030, on risque d’en avoir encore plus qu’aujourd’hui.
S’y préparer et s’adapter, cela suffira ?
Non, et c’est là que le message est compliqué à faire passer. Certes, nous avons besoin d’adaptation face à ces événements majeurs mais ça va nous demander aussi de ne pas lâcher le morceau sur la source du changement climatique. On ne peut être juste en réaction et mettre des pansements, il faut drastiquement réduire nos émissions de gaz à effet de serre et arrêter d’investir dans les énergies fossiles pour éviter que d’autres piliers du climat tombent. Très clairement, investir dans les énergies fossiles aujourd’hui, c’est investir dans la disparition de l’humanité.
Les scientifiques de cette étude nous expliquent que même si on parvient à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, ce ne sera pas suffisant pour sauver la banquise estivale. N’y a-t-il pas un risque, en entendant cela, de finalement baisser les bras ?
C’est la grande inquiétude du monde scientifique. Plus le temps passe, plus on va se retrouver face à ces cas de figure. Si on reste sur la trajectoire actuelle, ce ne sera pas que la banquise d’été. Ce sera la banquise d’hiver, de grandes parties du permafrost. Alors, oui, c’est trop tard pour la banquise d’été mais cela devrait être le plus gros signal d’alarme jamais vu. Cette étude, elle est cataclysmique, cela devrait être une bonne leçon pour nous. On devrait voir tous les gouvernements du monde entier se lancer dans un plan Marshall pour réduire encore plus les gaz à effet de serre et sauver les autres piliers du climat. Il n’y a pas de messages plus forts que cette étude pour nous avertir que nous ne sommes pas du tout sur la bonne trajectoire.
Heïdi Sevestre est la co-autrice avec Isabelle Marrier d’un livre intitulé Sentinelle du climat, sorti récemment aux édiitons Harper Collins, 19 €.
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