Transition de genre : des médecins s’inquiètent d’une future directive de l’OMS

transition de genre : des médecins s’inquiètent d’une future directive de l’oms

Les rues de Londres pavoisées aux couleurs LGBT pour la gay pride du 18 juin 2023.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) veut élaborer une liste de recommandations pour «améliorer l’accès des personnes transgenres à une offre de soins de qualité, et respectueuse». L’agence des Nations unies pour la santé publique a annoncé fin décembre qu’elle réunirait à son siège de Genève, du 19 au 21 février 2024, un collège de 21 experts qui travailleront à la rédaction de ces recommandations. Cette initiative est portée conjointement par trois départements au sein de l’OMS, respectivement en charge de l’égalité des genres et de l’inclusion, de la prévention des maladies sexuellement transmissibles, et de la recherche en santé reproductive.

«Ces recommandations seront centrГ©es autour de cinq thГЁmes, indique l’OMS : les soins permettant une transition de genre, y compris la prise d’hormones ; la formation du personnel de santГ© qui administre ces soins ; la prise en charge des personnes trans victimes de violence en raison de leur identitГ© de genre ; les politiques de santГ© permettant l’inclusion de la diversitГ© des genres ; et la reconnaissance lГ©gale du droit Г  l’auto-dГ©termination de son genreВ».

Une pression militante de plus en plus forte

Une transition de genre peut revêtir plusieurs formes : sociale (se faire appeler par un autre prénom, demander d’être «genré» différemment dans les interactions de la vie quotidienne), administrative (changer de prénom et de sexe à l’état civil) ou médicale (bloqueurs de puberté, traitements hormonaux, chirurgie de la poitrine ou des organes génitaux).

Or le domaine médical est confronté dans plusieurs pays à une hausse des demandes de transition, accompagnée d’une montée en puissance des revendications des mouvements trans, qui dénoncent des conditions d’accès trop difficiles aux parcours de transition. Les militants transactivistes réclament en particulier deux choses : être impliqués davantage en tant qu’acteurs des décisions de santé relatives aux trans, et obtenir la dépathologisation complète des parcours de transition. À leurs yeux, la prudence des acteurs de santé (psychologues, endocrinologues, gynécologues, chirurgiens…) confrontés à des patients qui souhaitent transitionner constitue un «gate-keeping», un obstacle au libre choix des trans, qu’il faudrait faire sauter à tout prix.

C’est dans ce contexte déjà qu’une décision prise par l’OMS en 2019 a constitué une première victoire pour les associations trans : la onzième révision de la Classification internationale des maladies (CIM-11), entrée en vigueur au 1er janvier 2022, a sorti «l’incongruence de genre» du champ des troubles mentaux et du comportement, pour la classer comme une affection de la santé sexuelle. Par ailleurs, depuis 1979, la WPATH, l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres, publie et met à jour un ensemble de recommandations de soins que les militants trans entendent imposer aux autorités médicales de chaque pays. Ces standards sont centrés sur l’idée d’autodétermination : les personnes trans seraient les mieux à même de décider des soins qu’il convient de leur dispenser, et tout refus de la part des médecins risquerait d’aggraver leur mal-être.

» LIRE AUSSI – Transition de genre : comment les militants trans ont infiltrГ© la Haute autoritГ© de santГ©

«Un processus précipité»

Ce nouveau travail de l’OMS vise à aller plus loin dans les recommandations faites aux États, pour harmoniser la prise en charge médicale des personnes trans, en particulier tout au long de leur parcours de transition.

L’initiative est très similaire à celle conduite dans le même temps en France, sous l’égide de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui a nommé un groupe de travail pour produire des recommandations sur le même sujet. Le Figaro avait du reste révélé en juin que pratiquement tous les experts sollicités par la HAS adhèrent très largement aux thèses des mouvements transactivistes. Mais contrairement à la HAS qui avait refusé (et refuse toujours, malgré les révélations du Figaro suivies d’une décision contraignante du tribunal administratif) de révéler la composition de ce groupe de travail, l’organisation mondiale est bien plus transparente que l’institution française. Ainsi l’OMS a communiqué les noms et biographies de ses 21 experts, précisant que ceux-ci ont été sélectionnés parmi les chercheurs dont l’expertise est la plus pertinente, mais aussi parmi les représentants des professions de santé concernées, et parmi les usagers, c’est-à-dire les trans et les associations qui les représentent.

Or la communication de cette liste d’experts, ainsi que les conditions dans lesquelles ceux-ci doivent se réunir, ont fait bondir plusieurs autres associations qui militent au contraire pour une approche plus prudente des questions liées à la transition de genre.

C’est le cas en particulier de la Society for Evidence-based Gender Medicine (SEGM), une association internationale réunissant une centaine de médecins et chercheurs dénonçant le manque de garanties scientifiques entourant les interventions hormonales ou chirurgicales à destination des personnes trans. Ce collectif déplore la «composition biaisée» du collège d’experts de l’OMS, mais aussi une consultation publique menée dans un délai trop court et donc, en définitive, «un processus d’élaboration de recommandations précipité». Dans un courrier adressé à l’OMS, les médecins et chercheurs regrettent que le vocabulaire employé par l’OMS ne soit pas neutre, car le but avoué du travail des experts est de faciliter l’accès aux transitions de genre, et d’encourager les États à permettre «l’autodétermination de l’identité de genre».

La SEGM ajoute que les pays avancent en ordre dispersé sur ce sujet : certains d’entre eux, comme le Royaume-Uni, la Suède et la Finlande, ont adopté des règles de précaution qui seront incompatibles avec les recommandations de l’OMS, et passeront outre l’avis des experts. D’autres pays au contraire, faute d’avoir mené un travail fondé sur une approche scientifique et médicale, seront plus vulnérables aux partis pris militants de l’OMS, affirment les membres de l’association.

» LIRE AUSSI – Face aux Г©lГЁves transgenres, le gouvernement britannique rГ©affirme l’importance du sexe biologique

Pétition internationale

La SEGM n’est pas seule à s’alarmer : des cliniciens britanniques et irlandais ont également écrit à l’OMS dans le même sens, sous l’égide d’un réseau de médecins préoccupés par ces questions, le Clinician Advisory Network on Sex and Gender.

En France, en Belgique et en Suisse, ces spécialistes ont été rejoints par l’Observatoire de la petite sirène, un collectif présidé par la pédopsychiatre Caroline Eliacheff et la psychanalyste Céline Masson, qui a également écrit à l’OMS. Une pétition internationale rassemble à ce jour plus de 11.000 signatures d’associations ou de personnalités inquiètes par l’initiative de l’OMS.

Les signataires dénoncent à nouveau le délai laissé aux chercheurs du monde entier (à peine trois semaines) pour faire part de leurs observations à l’OMS, et réitèrent leur critique à l’encontre d’un collège d’experts dont la composition ne reflète pas, à leurs yeux, la pluralité des approches au sujet de la transition de genre.

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Sur 21 experts, 16 sont des militants

«Sur les 21 experts choisis par l’OMS, 7 sont des personnes trans, observe Caroline Eliacheff. Et au total, 16 sont des militants transactivistes, tandis qu’aucun n’est porteur d’une voix critique sur l’approche trans-affirmative du sujet. Ce collГЁge d’experts ne reprГ©sente pas l’état des controverses actuelles soulevГ©es par cette approche. Surtout, aucun des pays qui ont optГ© pour des voies alternatives Г  l’approche trans-affirmative n’est reprГ©sentГ© dans ce groupe !В»

Dans le détail, le collège d’experts de l’OMS réunit en effet 16 membres sur 21 ayant un engagement militant (passé ou actuel) auprès d’associations transactivistes : le juriste Apako Williams (Tranz Network Uganda), Ayouba El Hamri (African Trans Network et WPATH), Chris McLachlan (WPATH), Cianán Russell (ILGA), la médecin Elma de Vries (Association professionnelle pour la santé des transgenres en Afrique du Sud), Erika Castellanos et l’avocate Eszter Kismödi (toutes deux à Global Action for Trans Equality), le psychiatre Gail Knudson (WPATH), Rena Janamnuaysook (Thai Transgender Alliance), le pédiatre Sanjay Sharma (parent d’un enfant transgenre et militant à l’Association for Transgender Health in India), la médecin Shobini Rajan (Agenda Santé des transgenres en Inde), Teddy Cook (TransHub, ACON), le professeur de psychologie Walter Bockting (ex-président de la WPATH), le médecin Walter Bouman (également ex-président de la WPATH et membre fondateur d’EPATH), Yanyan Araña (Association professionnelle philippine pour la santé des transgenres) et Zakaria Nasser (Organisations féministe trans et queer).

À quoi s’ajoute la juriste Florence Ashley, ouvertement transgenre comme six des militants susnommés, et fervente pourfendeuse, dans ses travaux universitaires à l’Alberta Faculty of Law, des politiques publiques visant à limiter le recours aux transitions de genre. Diplômée de pharmacologie et ancienne fonctionnaire du ministère de la Santé au Brésil, Alicia Krüger est officiellement consultante pour le Conseil fédéral des pharmaciens, au Brésil, en matière de santé pour «les personnes LGBTQIAPN+» (sic). Conseillère auprès du ministre de la Santé du Mozambique, Felisbela Maria de Oliveira Gaspar oeuvre auprès des pouvoirs publics pour une meilleure inclusion de la diversité des genres dans le système de santé, dans le cadre de la prévention du Sida et des maladies sexuellement transmissibles. Directrice au Vietnam de l’administration chargée de la lutte contre le Sida, Phan Thi Thu Huong a participé à de nombreux travaux sur l’inclusion de genre, et en particulier sur l’élargissement de l’accès aux transitions de genre au Vietnam.

Seule la pédiatre Saima Paracha, membre du programme national de lutte contre le Sida au Pakistan, semble n’avoir pas participé jusqu’ici à des travaux visant à faciliter l’accès aux transitions de genre.

Autre surprise, seuls 7 des 21 experts sont des représentants de pays occidentaux, les autres étant tous issus de pays du Sud, dans lesquels la question de l’accès des personnes trans au système de santé se pose en des termes différents que dans les pays les plus développés du globe.

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