Détail de l’affiche du FIPADOC 2024.
Le plus grand festival international de documentaires en France ouvre ce vendredi 19 janvier ses portes à Biarritz avec plus de 160 films et pour la première fois un programme « Histoires d’Afrique ». « Face au déferlement d’images… faire émerger un présent plus désirable ». Le FIPADOC présente toutes les formes du récit documentaire pour tous les écrans : cinéma, télévision, séries, réalité virtuelle, podcasts… Entretien avec la déléguée générale Christine Camdessus.
RFI : Le Fipadoc 2024 ouvre avec un focus sur l’Italie. Les documentaires présentés, que révèlent-ils sur cette Italie dont le gouvernement a basculé à l’extrême droite, suscitant des inquiétudes parmi les démocraties européennes ? Quel état des lieux dessinent-ils de l’Italie d’aujourd’hui ?
Christine Camdessus : C’est toujours très étonnant quand vous prenez le temps de regarder la cinématographie documentaire d’un pays. Elle est parfois un peu en décalage par rapport à l’actualité récente, parce qu’il faut le temps de fabriquer les documentaires. Il y a des films assez étonnants sur la question de la migration. Inconnu, réalisé par Valentina Cicogna et Mattia Colombo, raconte le travail fait par une médecin légiste qui recherche l’identité de gens morts en mer, notamment les migrants dans les Méditerranées. Apnea, de Stefano Poggioni, Claudia Cataldi et Elena Poggioni, est un film de témoignages de migrants installés en Italie, parlant d’ailleurs tous en italien et montrant plutôt l’étape d’après : qu’est-ce que ça veut dire de vivre dans un nouveau pays ?
Ce que nous montre la cinématographie documentaire italienne, c’est que les problématiques que nous avons en Europe se rejoignent d’un pays à l’autre. Dans la catégorie Impact, nous présentons Toxicily. Réalisé par François-Xavier Destors et Alfonso Pinto, il montre les effets néfastes de deux grandes industries chimiques et la dégradation environnementale que ça provoque. Il y a aussi Un village en résistance, de Catherine Catella et Shu Aiello, sur l’affaire de Riace. Dans ce petit village italien en Calabre, le maire avait décidé d’installer un certain nombre de migrants pour repeupler le village. Mais cette harmonie va être brisée par la vague populiste qui ronge l’Italie.
Pourqoi avez-vous choisi Bellaciao de Giulia Giapponesi pour ouvrir le festival ?
Parce que ça raconte l’Italie, une Italie résistante. Ce film incroyable raconte l’histoire de cette chanson qui continue à exister un peu partout dans le monde, comme un message de résistance. Donc voilà, de beaux films dans un environnement documentaire qui a sans doute été un peu abîmé par la dégradation de la télévision publique italienne. Pour qu’il y ait une industrie documentaire forte, il faut qu’il y ait une télévision publique forte.
Pourquoi le Fipadoc programme-t-il pour la première fois une sélection spéciale Histoires d’Afrique ?
Nous voyons émerger depuis deux ou trois ans à la fois des films faits par des réalisateurs européens qui découvrent une autre Afrique et surtout une cinématographie africaine sur son propre continent. Une dizaine de films racontant l’Afrique se sont imposés dans la sélection. Comme on avait créé il y a quelques années Histoires d’Europe, on avait très envie d’identifier à l’intérieur de la programmation ce qui relève de la problématique africaine.
Ces Histoires d’Afrique parlent de la situation des femmes, de l’histoire du cinéma africain, de la violence coloniale, de la créativité malgré le manque de moyens, de l’homosexualité aussi. Donnez-nous un exemple réussi d’un réalisateur africain sur son pays.
Un film qui a eu beaucoup de succès et qu’on avait très envie de montrer, c’est Amchilini, choisis-moi, du cinéaste tchadien Kader Allamine. C’est un regard tchadien sur une histoire tchadienne. Sur une cérémonie traditionnelle dont je n’avais pas la moindre idée. Au départ, c’est vraiment un film ethnologique sur une cérémonie dans les villages tchadiens où les femmes non mariées choisissent des hommes, pour qu’elles ne restent pas non mariées. Et les hommes sont obligés de l’accepter, sinon ils payent une amende.
Cette année, il n’y a pas de films du Mali, ni du Burkina Faso ou du Niger. La situation géopolitique, avec le retrait des troupes militaires françaises et l’hostilité grandissante en Afrique de l’Ouest envers la France, cette situation politique très tendue, a-t-elle des répercussions sur la production de documentaires sur le continent africain ou sur l’accueil de films africains en France ?
Je ne dirais pas ça. Je dirais que la production documentaire en Afrique reste petite, mais elle est réelle. Et il y a un temps de fabrication nécessaire pour les documentaires qui ne permet pas de tirer une conclusion comme ça. Nous regardons les films qui s’inscrivent et nous essayons d’en repérer quand ils sont de très bonne qualité, comme La mère de tous les mensonges, de la réalisatrice marocaine Asmae El Moudir, qu’on avait très envie de présenter. C’est une évidence, quand les situations sont plus tendues, c’est plus compliqué de fabriquer des films.
Quelle forme prendra l’hommage rendu à la lutte des femmes iraniennes ?
Nous avons, par exemple, programmé Fils de mollah, de la réalisatrice suédo-iranienne Nahid Persson Sarvestani. Il y a aussi le court métrage Jina Mahsa Amini, de la réalisatrice polonaise Emilia Pluskota. Jina est le prénom de cette jeune femme kurde assassinée par la police des mœurs en Iran en septembre 2022. Et nous accueillons une exposition autour du mouvement Femmes, Vie, Liberté, qui avait été présentée dans de grands musées parisiens. Nous nous inscrivons aussi dans un temps long où il y a des batailles qu’on trouve dans les films et dont on veut bien qu’elles aient une résonance au-delà de la présentation des films.
Une expérience spéciale attend les spectateurs avec Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, de Tania de Montaigne. Qu’est-ce que cela change de vivre cette histoire sur la résistance à la ségrégation pas dans un livre, sur la scène d’un théâtre ou sur grand écran, mais en réalité augmentée ?
En réalité augmentée, vous n’êtes pas simplement exposé à ce que vous voyez dans le casque, mais à ce qu’on crée comme réalité virtuelle autour de vous. Vous êtes dans un espace, en multispectateurs, et vous voyez apparaître le bus dans lequel est assise Claudette après la prison. Vous assistez au procès de Claudette comme si vous étiez dans les lieux où ça se passe.
► FIPADOC, Festival international du film documentaire à Biarritz, du 19 au 27 janvier 2024
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