Julie Enning, Associate Principal chez Gallup, propose des pistes pour lutter contre l’épuisement professionnel, une des principales causes de l’absentéisme de longue durée
La reconnaissance, levier d’engagement est parfois mise de côté.
qualité de vie – Julie Enning, Associate Principal chez Gallup, propose des pistes pour lutter contre l’épuisement professionnel, une des principales causes de l’absentéisme de longue durée
Les entreprises françaises doivent relever les grands défis liés au vieillissement de la population active, à la transition écologique, ou à l’accélération de la digitalisation. Outre ces enjeux de taille, elles font face à des mutations profondes de l’organisation du travail avec les nouvelles attentes des salariés pour un environnement plus flexible. Mais il existe un autre phénomène de fond qui touche bon nombre de salariés français : le mal-être au travail. Julie Enning, Associate Principal chez Gallup, analyse le phénomène d’engagement des salariés.
Une étude du groupe Axa, de mai 2023, révèle que l’absentéisme en entreprise aurait atteint un niveau record en 2022. Cette augmentation peut-elle être uniquement expliquée par les flambées épidémiques de ces dernières années ?
Comme l’indique le rapport, les troubles psychologiques (incluant le syndrome du burn-out) sont les premières causes des arrêts maladie de longue durée en France. Les recherches en économie comportementale n’ont cessé de mettre en évidence l’impact de l’environnement de travail et de la culture managériale sur l’épanouissement et l’engagement des salariés. En effet, selon Gallup, les individus les plus engagés au travail sont 66 % plus susceptibles de se sentir épanouis dans leur vie que ceux ayant un niveau d’engagement plus faible.
Qu’en est-il du niveau d’engagement des salariés français ?
Selon le dernier rapport State of The Global Workplace publié par Gallup, l’épanouissement des Français au travail continue d’être parmi les plus faibles au monde. Avec seulement 7 % de salariés engagés, la France compte un taux d’engagement près de deux fois inférieur à la moyenne européenne (13 %), plus de deux fois inférieur à l’Allemagne (16 %) et près de cinq fois moindre qu’aux Etats-Unis (34 %). De nombreuses raisons sont souvent invoquées pour tenter d’expliquer ce manque de motivation et d’implication des Français au travail. La perte de sens, la place moins centrale accordée au travail dans la vie quotidienne, ou encore la prépondérance des processus au détriment de la valorisation de l’individu dans l’entreprise sont autant de réalités qui influent sur l’état d’esprit des salariés. Le faible investissement des entreprises dans la formation, la rigidité du marché du travail ou encore une culture managériale verticale sont également avancés comme spécificités françaises contribuant à cette tendance.
Quelle est la différence entre engagement et satisfaction au travail ?
Encore faut-il comprendre ce qui se cache derrière la notion d’engagement. Un collaborateur dit « engagé » est psychologiquement investi dans son travail. Il travaille avec passion et enthousiasme, assure un niveau élevé de performance et cherche constamment de nouvelles façons d’améliorer sa contribution. La satisfaction, quant à elle, repose sur des facteurs rationnels le plus souvent matériels tels que le niveau de rémunération. Un employé satisfait ne consacre pas réellement son énergie à son activité professionnelle ; il n’y consacre que du temps. Il peut adopter une attitude attentiste caractéristique du quiet quitting qui touche près de 74 % des salariés français selon le dernier rapport State of the Global Workplace.
Les managers de proximité ont-ils un rôle à jouer ?
Gallup a démontré que 70 % de l’engagement des équipes était attribuable au supérieur hiérarchique direct. Sélectionner les individus avec le profil et les qualités adaptés au rôle de manager, investir dans leur développement professionnel et les sensibiliser aux risques psychosociaux doivent devenir une priorité pour améliorer la culture managériale en France. Si les besoins émotionnels fondamentaux évoqués plus haut sont immuables, les attentes des salariés ont fortement évolué. Ils ne se contentent désormais plus de leur bulletin de salaire, ils recherchent du sens à leur travail. Ils souhaitent que leur supérieur se focalise sur leurs points forts et les accompagne dans leur développement professionnel. En un mot, les salariés ne veulent plus d’un patron, ils veulent un coach. Les entreprises françaises doivent commencer par (enfin) intégrer la distinction fondamentale entre satisfaction et engagement des salariés dans leur culture organisationnelle. C’est en replaçant l’individu au centre des approches managériales et en adressant efficacement ses besoins émotionnels qu’elles parviendront à créer un environnement propice à l’engagement et à stopper la propagation de ce fléau qu’est l’épuisement professionnel.
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