Guerre au Soudan : « Il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités »

Dans une tribune, Martin Griffiths, secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, appelle la communauté internationale à « prendre ses responsabilités » après un an de conflit dévastateur.

guerre au soudan : « il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités »

Des fumées s’échappent de Khartoum après des bombardements aériens, le 1er mai 2023.

Les enjeux de la conférence humanitaire sur le Soudan qui se tiendra lundi 15 avril à Paris, un an exactement après le début du conflit, sont immenses : l’avenir du troisième plus grand pays d’Afrique est compromis ; la survie de millions d’enfants, de femmes et d’hommes est en jeu alors qu’une éventuelle famine et la période de soudure se profilent ; la stabilité de toute une région, qui accueille déjà des centaines de milliers de réfugiés, est menacée. Et que dire de l’intégrité morale du monde entier, ici remise en question, avec en toile de fond les atrocités que nous n’avons pas réussi à arrêter il y a deux décennies de cela au Darfour ?

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Comme je l’ai dit trois mois après l’éclatement du conflit actuel au Soudan, la communauté internationale ne peut ignorer ce douloureux écho de l’histoire. Mais c’est exactement ce qui s’est passé. D’une manière ou d’une autre, nous avons oublié l’inoubliable. Et les conséquences de cet oubli sont impardonnables. Soyons clairs, notre inattention a enhardi les parties au conflit à bafouer les règles fondamentales de la guerre. Nous avons vu des gens être abattus alors qu’ils tentaient de fuir. Des enfants tués. Des femmes violées. Des hôpitaux pris pour cible.

Deux généraux ont déclenché un conflit qui a contraint plus de 8 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, à quitter leur foyer, et ceci sous nos yeux. Ce même conflit a attisé les violences ethniques et les maladies, anéanti vies et moyens de subsistance. Il a détruit les piliers de la société – les soins de santé, l’éducation, l’agriculture – et la moitié de la population, soit quelque 25 millions de personnes, a maintenant besoin d’aide humanitaire. Tel est le bilan d’une année de guerre. Le Soudan ne doit pas en subir une autre. Nous devons donc saisir ce moment pour ce qu’il est : un bilan et une chance de redoubler d’efforts pour atteindre trois objectifs clés.

Permettez-moi de commencer par un objectif qui est à notre portée, collectivement :

En accueillant la conférence humanitaire internationale pour le Soudan et ses voisins, la France, l’Allemagne et l’Union européenne (UE) nous offrent une plateforme d’action et il n’y a pas de temps à perdre. Notre appel humanitaire pour cette année est financé à 6 %. Sur les 2,7 milliards de dollars [2,5 milliards d’euros] dont nous avons besoin pour aider 15 millions de personnes parmi les plus vulnérables, nous disposons de 155 millions de dollars. La communauté internationale peut empêcher la famine de s’installer au Soudan, mais seulement en agissant immédiatement. J’invite les pays à s’engager généreusement et à tenir leurs promesses.

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Le deuxième objectif est, il est vrai, beaucoup plus difficile à atteindre :

Le ramadan est passé sans que les combats ne cessent, malgré les nombreux appels lancés par le secrétaire général des Nations unies, le Conseil de sécurité et d’innombrables autres dirigeants et organes en faveur d’une trêve pendant le mois sacré. Il est clair que nous avons besoin d’un regain de diplomatie pour parvenir à un cessez-le-feu et, sans tarder, à une solution politique négociée au conflit.

Nous savons que cette dernière ne se fera pas du jour au lendemain. En attendant, ceux qui ont de l’influence sur les parties au conflit doivent les obliger à respecter la déclaration d’engagements qu’elles ont signée il y a onze mois à Djedda. Les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide (FSR) s’étaient alors engagées à protéger les civils et à faciliter l’acheminement de l’aide, mais elles ont largement failli à leur mission.

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Ce qui m’amène à un troisième et dernier objectif, pour lequel nous ne devrions pas avoir à supplier :

Au cours de l’année écoulée, plus de 20 travailleurs humanitaires ont été tués au Soudan et des dizaines de milliers de tonnes de matériel ont été pillées. La communauté humanitaire – avec en première ligne les organisations locales et leurs courageux volontaires – maintient les opérations d’aide, cessez-le-feu ou pas. Mais nous pourrions faire beaucoup plus si les parties s’engageaient dans un dialogue humanitaire pour débloquer l’accès et l’acheminement de l’aide.

Ce dont nous avons besoin, purement et simplement, c’est de pouvoir atteindre les personnes qui ont besoin d’aide, où qu’elles se trouvent, par tous les itinéraires possibles, que ce soit à travers les frontières ou les lignes de conflit. La grande majorité des quelque 5 millions de personnes qui risquent de souffrir de la famine dans les mois à venir vivent dans les régions du Soudan les plus difficiles d’accès pour nous : Darfour, Kordofan, Khartoum et Gezira. Empêcher l’aide d’arriver jusqu’à eux serait les condamner à la famine.

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Leur avenir dépend de notre capacité à tous à faire en sorte que ces trois priorités soient respectées. En retombant dans la passivité, dans l’oubli, nous enverrions le message que nous ne nous soucions pas de ce qui se passe au Soudan. Pour la communauté internationale, il est temps de prendre ses responsabilités. La conférence de Paris doit se traduire par des résultats tangibles : plus d’accès pour les humanitaires, plus de financement pour la réponse et plus de diplomatie pour mettre fin à cette guerre.

Quant aux parties au conflit et à ceux qui les soutiennent, il est temps de regarder la réalité en face. Vous rendez le Soudan invivable. Votre quête de pouvoir et de ressources alimente la faim, les déplacements et les maladies. Faites taire les armes maintenant ! Après un an de guerre, il doit y avoir une lumière au bout de ce tunnel de pénombre et de mort. Des millions de personnes au Soudan ont déjà perdu leur maison, leurs moyens de subsistance et leurs proches. Nous ne pouvons pas les laisser perdre espoir.

Martin Griffiths est secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU.

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