EDITORIAL. Philippe Pozzo di Borgo, l’Intouchable a touché les cœurs

Philippe Pozzo di Borgo, en visite à Ouest-France 2013.

Philippe Pozzo di Borgo s’est éteint à l’âge de 72 ans. Sa vie, retracée dans le film Intouchables, a bouleversé des millions de personnes en France et dans le monde. Paralysé pendant trente ans, il a donné un exemple de courage réconfortant tous ceux qui croisaient son chemin.

Il est des voix qui se gravent au plus profonds des consciences, des sourires qui élèvent comme l’aurore, des regards pétillants qui dissipent toute vanité en éclats de rire. Philippe Pozzo di Borgo que tant de Français ont connu grâce au film Intouchables était de ces porteurs de vie, si rares aujourd’hui.

Il était au mitan de sa vie, une vie heureuse, pleine de succès. Il débordait d’énergie, de projets quand survint ce terrible accident. Il frôla la mort. Une paralysie totale et insurmontable s’en suivit. Puis, il eut l’immense peine de perdre son épouse bien-aimée, atteinte par une grave maladie. Son cœur et son corps étaient brisés.

À quoi bon vivre ? « J’aurais cédé à la désespérance si je n’avais pas lu dans le regard de mes soignants et de mes proches, un profond respect de ma vie. Dans l’état lamentable dans lequel j’étais, leur considération fut la lumière qui m’a convaincu que ma propre dignité n’était pas atteinte » , se souvenait-il (1).

Au lieu de tirer de cet abîme de souffrance le vin amer de la colère et de la révolte, il apportait la bienveillance et la bonté, l’accueil inconditionnel de l’autre et ce message indicible, doux et joyeux : la vie est bien plus que ce que l’on en perçoit mais souvent on la parcourt trop vite pour s’en rendre compte, on fait trop de bruit pour entendre ses appels discrets qui peuvent nous guider des déserts les plus arides aux sources qui désaltèrent.

Témoin de l’espérance

De là, cette lente et douloureuse acceptation mais aussi cette découverte étonnante des ressources insoupçonnées enfouies dans les cœurs des hommes et des femmes et qui transforment chaque instant en une parcelle d’éternité. Mais de là aussi son engagement et son appel.

Engagement au service de tous ceux qui comme lui dépendent des soins des autres. Que n’a-t-il pas fait pour leur rendre courage et adoucir leur vie ? Il les aidait, par exemple, à s’équiper de fauteuils pour leur assurer un peu plus de confort et de mobilité.

Son appel vigoureux retentit particulièrement à l’heure où se prépare une loi sur la fin de vie : « Chers concitoyens […] Ne poussez pas les plus fragiles et ceux qui les entourent à la désespérance, à l’auto-exclusion, au suicide ou à l’euthanasie. Protégez-les d’une prétendue « liberté de mourir » qui les presserait à quitter notre société. Réaffirmez le droit de chacun d’être aidé à vivre et jamais à mourir. Alors la société que nous construisons ensemble sera plus humaine (2) . »

Témoin de l’espérance, il a touché les cœurs d’innombrables personnes. Et l’on n’a pas fini de voir se lever tous ceux qui, malgré l’épreuve, deviennent à leur tour les messagers de la vie indicible. « Nous avons tous besoin les uns des autres pour vivre : notre présence à nous, les plus fragiles, vient le rappeler à tous », souriait-il.

Le promeneur immobile qui faisait découvrir l’océan immense de la vie a largué les amarres laissant un sillage de sagesse, de tendresse, de considération dont personne ne doit être exclue.

(1) Le Figaro, 2juin 2023

(2) Ouest-France