"Des risques très élevés": l'extension de puits de pétrole en Seine-et-Marne menace l'eau potable à Paris
Une société exploitante de pétrole a obtenu le feu vert du gouvernement pour agrandir son site de forage pétrolier en Seine-et-Marne. Mais les habitants et les élus locaux sont vent debout contre le projet qui pourrait polluer des nappes phréatiques fournissant de l’eau potable à 180.000 personnes en région parisienne. Pour des gains jugés marginaux…
En Seine-et-Marne, dans la commune de Nonville, deux nouveaux puits de pétrole pourraient bientôt voir le jour. L’entreprise exploitante Bridge Energies, qui veut s’agrandir, a l’autorisation de la préfecture mais la mairie de Paris s’y oppose. Elle a saisi le tribunal administratif de Melun pour annuler cette autorisation. Elle invoque le risque sur un point de captage d’eau située à proximité qui alimente 180.000 personnes en eau potable à Paris.
Les installations de forage de pétrole en Seine-et-Marne
Sur place, les riverains eux aussi ne veulent pas de ces nouveaux puits de pétrole. Une pétition a même été lancée contre ce projet par l’association Environnement Bocage Gâtinais: “La plateforme est très proche d’habitations, à 150-200 mètres”, prévient Fabiola Sustendal, la présidente.
L’exploitation apporte déjà son lot de désagréments au quotidien, alors forcément l’agrandissement inquiète: “Le forage, ça pue. En plein été, les gens sont obligés de rentrer chez eux, fenêtres fermées. Cela pourrit la vie les gens”, ajoute Fabiola Sustendal.
“Deux incidents en dix ans”
Malgré la présence de risques pour l’eau potable, le ministre de l’industrie Roland Lescure justifie le projet par des contrôles nombreux et poussés sur l’exploitation. Insuffisant pour Jean-Claude Beillot, le maire de Nonville: “On ne peut pas laisser deux activités de captage et de pétrole sur le même lieu. On vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le risque est faible mais il y a déjà eu deux incidents en dix ans”.
Des fuites d’hydrocarbures sur la plateforme pétrolière et sur les routes environnantes qui n’avaient pas affecté la qualité de l’eau. Mais le danger sur l’eau pompée, et distribuée à 180.000 Parisiens, est bien réel selon la Mairie de Paris.
“Pour forer un puits pétrolier, il faut aller à 1.500m sous terre et traverser les nappes phréatiques”, rappelle ce jeudi sur RMC et RMC Story Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique et président d'”Eau de Paris”. “Il y a des risques au moment du forage et au moment de l’exploitation”, alerte-t-il.
“Les risques de pollution sont très élevés. C’est une zone où les pollutions peuvent s’infiltrer très rapidement, en profondeur, dans les nappes. Ce serait vraiment une catastrophe écologique en puissance si ces forages étaient définitivement autorisés”, alerte Dan Aert.
Selon lui, c’est l’ex-Première ministre Elisabeth Borne qui a “autorisé en toute discrétion”, l’extension de cette concession pétrolière, la multipliant par 5: “On a deux nouveaux forages autorisés qui vont doubler la production de pétrole et donc les risques”.
75 barils par jour
Des risques “inconsidérés pour un gain anecdotique car les productions ne sont pas importantes”, ajoute Dan Aert, alors que l’exploitant produit actuellement 75 barils de pétrole, une goutte d’eau dans l’océan mondial d’or noir dont la production en 2022 était de 17,8 millions de barils quotidiens.
Dans ces conditions, l’adjoint à la mairie de Paris demande au gouvernement d’abandonner le projet. Et il l’assure, cette extension du forage “inquiète même le ministre de la Santé Frédéric Valletoux, député de la circonscription jusqu’à sa nomination en mars 2024: “En 2020, il écrivait une lettre où il se disait opposé au forage pétrolier en raison du risque de la pollution de l’eau. Aujourd’hui, je partage cette inquiétude”, conclut Dan Aert.