Comment le compas magnétique des oiseaux migrateurs fonctionne-t-il ? La réponse se trouve dans leur rétine

Les oiseaux réussiraient à migrer grâce à une protéine dans les yeux.

Dans une nouvelle étude, des biologistes se sont penchés sur le rôle d’une protéine dans les yeux des oiseaux, pour comprendre leurs migrations.

Comment les oiseaux migrateurs arrivent-ils, année après année, à parcourir des distances parfois gigantesques, sans se perdre ? Voilà une question qui fascine depuis bien longtemps les scientifiques, même s’ils ont déjà mis en évidence certains mécanismes, à commencer par le compas magnétique de ces oiseaux.

Afin d’approfondir leurs connaissances, des biologistes, dirigés par Corinna Langebrake et Miriam Liedvogel, ont comparé les génomes de plusieurs centaines d’espèces d’oiseaux. Comme ils le révèlent dans une nouvelle étude publiée dans le journal Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, ils y ont découvert des preuves supplémentaires impliquant une protéine présente dans leurs yeux – cryptochrome 4 -, qui joue le rôle de magnétorécepteur, à la base de ce processus.

Une première étude en 2021

Dans une étude précédente, publiée en 2021 dans Nature, les auteurs avaient dans un premier temps pu prouver que la fameuse protéine cryptochrome 4 était bien présente dans la rétine des oiseaux. Ils ont ensuite pu montrer qu’elle présentait l’effet quantique suspecté en réponse aux champs magnétiques. Enfin, ils ont noté que ces protéines étaient bien plus sensibles aux champs magnétiques chez les merles, espèces migratrices, que chez les poules et les pigeons, qui sont des espèces résidentes.

Dans l’étude actuelle, les biologistes ont analysé les gènes de 363 espèces d’oiseaux. Ils ont ainsi découvert que le taux d’évolution de deux autres cryptochromes apparentés était très similaire chez toutes les espèces. “Ils semblent avoir très peu changé au cours de l’évolution. Cela est probablement dû à leur rôle clé dans la régulation de l’horloge interne, un mécanisme essentiel pour tous les oiseaux et dans lequel des modifications auraient des effets extrêmement négatifs”, indique l’étude.

En revanche, le taux d’évolution du cryptochrome 4 s’est révélé très variable. “Cela suggère que la protéine est importante pour l’adaptation à des conditions environnementales spécifiques, a expliqué Miriam Liedvogel. La spécialisation qui en résulte pourrait être la magnétoréception. Une tendance similaire a été observée dans d’autres protéines sensorielles telles que les pigments sensibles à la lumière dans l’œil.”

En se penchant sur l’évolution de la protéine au fil de l’évolution chez les différentes espèces, les scientifiques ont notamment conclu, dans le cas de l’ordre des passereaux, que celle-ci avait été optimisée grâce à une sélection rapide. “Nos résultats indiquent que des processus évolutifs au cours de l’Histoire auraient pu conduire à la spécialisation du cryptochrome 4 en tant que magnétorécepteur chez les oiseaux chanteurs”, a souligné Corinna Langebrake.

En revanche, chez certaines espèces, comme les perroquets, les colibris et les tyranni, l’information sur le cryptochrome 4 a été perdue au cours du processus évolutif, faisant que ces oiseaux sont incapables de produire ladite protéine. Cela signifie que le cryptochrome 4 ne joue pas un rôle vital dans leur survie.

De nombreuses questions sans réponse

Mais les auteurs de l’étude s’interrogent. Car si les perroquets et les colibris sont sédentaires, certains tyranni migrent sur de longues distances de jour comme de nuit. Ont-ils développé un sens magnétique qui fonctionne indépendamment du cryptochrome 4 ? Ou sont-ils capables de s’orienter sans sens magnétique ? Leur sens magnétique a-t-il les mêmes caractéristiques que celui des merles, qui dépend de la lumière (et peut être perturbé par les ondes radio, par exemple) ?

“Le fait que, contrairement aux merles, ils ne possèdent pas le cryptochrome 4 en fait un système idéal pour étudier diverses hypothèses sur la magnétoréception, a affirmé Corinna Langebrake. Les deux premiers scénarios corroboreraient fortement l’hypothèse du cryptochrome 4, tandis que le troisième poserait problème à la théorie.”

La prochaine étape pour l’équipe de biologistes sera d’étudier l’orientation magnétique des tyranni, afin de déterminer s’ils ont ou non un sens magnétique. “Le clade Tyranni nous fournit un outil naturel pour comprendre la fonction du cryptochrome 4 et l’importance de la magnétoréception chez les oiseaux migrateurs”, a conclu Miriam Liedvogel.