Charles III : « Avec la famille royale, le défi consiste à découvrir ce que les gens ne veulent pas vous dire »
Le Royaume-Uni fête le premier anniversaire du couronnement de Charles III. Valentine Low a été pendant quinze ans correspondant royal du « Times », un poste qui l’a plongé au cœur de la machinerie Windsor. Il raconte à « 20 Minutes »
Charles, WIlliam, Harry… Et les autres – Le Royaume-Uni fête le premier anniversaire du couronnement de Charles III. Valentine Low a été pendant quinze ans correspondant royal du « Times », un poste qui l’a plongé au cœur de la machinerie Windsor. Il raconte à « 20 Minutes »
Comment couvrir une famille qui, par son rôle constitutionnel, est au sommet d’un pays, mais qui déteste à des degrés divers – et parfois à juste titre – la presse ? Ce défi, Valentine Low l’a relevé pendant quinze ans pour le Times.
De 2008 à 2023, ce journaliste britannique était le correspondant royal de ce journal de centre droit qui fait référence outre-Manche. Il n’est pas le seul à pratiquer cette spécialité : au Royaume-Uni, chaque média ou presque, de la chaîne de télévision Sky News aux tabloïds The Sun ou Daily Express en passant par la BBC, compte un journaliste qui se consacre à l’actualité de la famille royale la plus connue au monde. À l’occasion du premier anniversaire du couronnement de Charles III, 20 Minutes a demandé à Valentine Low d’en dire plus sur ce métier si particulier.
En 2008, la famille royale était un peu boring
Mais tout d’abord, pourquoi le Times – comme les autres médias – dédie-t-il des ressources pour couvrir l’actualité des Windsor ? « Les gens s’y intéressent », répond simplement Valentine Low. « Quand il s’agit de ce que font les membres de la famille royale, soit ce n’est pas très important, c’est un peu trivial, un peu flou, et personne ne s’y intéresse vraiment, soit c’est la chose la plus importante qui se passe à ce moment-là, développe-t-il. Lorsque Harry et Meghan ont quitté la famille royale, cela a fait la une cinq jours d’affilée, c’était extraordinaire. »
Quand il arrive au Times en 2008, ce journaliste expérimenté reçoit pour mission de couvrir l’actualité de la reine Elisabeth et de ses enfants, mais pas seulement. Ses responsables lui demandent de couvrir d’autres thématiques car « à l’époque, la famille royale n’était pas si intéressante ». Après les turbulentes années 1990 et la mort tragique de Diana, la monarchie semble s’être repliée sur elle-même. En 2008, Charles est marié à Camilla depuis trois ans, à l’occasion d’une cérémonie loin des fastes habituels de la monarchie. Harry et William sont enrôlés dans l’armée. La reine Elisabeth est en vie et on est encore loin de l’agitation du « Megxit ».
« On devenait tous fous »
C’est dans les années 2010 que l’intérêt autour de la famille royale renaît : William épouse Kate en 2011, s’ensuit la naissance de trois héritiers. Comme le reste de la presse, Valentine Low se souvient d’avoir fait le pied de grue devant l’hôpital londonien où Kate Middleton devait accoucher de son premier enfant. Les journalistes ont patienté plusieurs jours, attendant le communiqué du palais annonçant l’arrivée de George. « On se tenait devant cet hôpital, la journée se terminait, et il n’y avait rien à signaler, se rappelle-t-il. Parce que la plupart du temps, Kate n’était même pas à l’hôpital. Nous devenions tous absolument fous. Et on finissait par s’interviewer les uns les autres ! »
En 2O13, les journalistes ont patienté plusieurs jours devant l’hôpital londonien où Kate, alors duchesse de Cambridge, était attendue pour accoucher de son premier enfant, le prince George. – Lefteris Pitarakis/AP/SIPA
« On voyageait dans le monde entier »
Les membres de la famille royale, Valentine Low les a aussi attendus dans la cour de l’Elysée – lorsque Charles et Camilla ont effectué une visite d’Etat en France en septembre –, ou bien à l’autre bout du monde, comme lorsqu’il a accompagné Harry et Meghan lors d’un voyage officiel en Australie et aux Fidji. « Ce travail avait beaucoup d’avantages, sourit-il. On voyageait beaucoup et dans le monde entier. »
Mais ces déplacements ne sont pas qu’une partie de plaisir : « On devait aller à des rendez-vous officiels sans fin. Le plus dur, c’était de suivre Charles, parce qu’il case beaucoup de choses dans sa journée, qu’il travaille très dur et ne prend pas vraiment le temps de déjeuner. » Si ces tournées sont l’occasion d’obtenir quelques mots directement de la famille royale – comme lorsqu’il se retrouve à interviewer le prince Charles de manière impromptue, sous la pluie, dans la forêt tropicale – elles sont aussi l’occasion de prendre la température entre les Windsor et la presse. Et elles sont souvent comme en Ecosse : fraîches.
Harry aime les punchlines
Dans son livre Courtiers*, Valentine Low raconte comment Harry, poussé par ses conseillers à venir dire quelques mots à la presse lors d’une de ces tournées à l’étranger, lance aux journalistes présents : « Merci d’êtres venus, même si vous n’étiez pas invités ». Faux, répond Valentine Low dans ces pages : la presse était bien conviée, mais le fils de Diana déteste le système du « royal rota », ces journalistes accrédités parmi lesquels figurent des représentants de titres à scandale avec lesquels Harry entretient des relations hostiles.
Dans ces conditions, comment travailler et avoir des informations ? Difficile d’en obtenir des intéressés eux-mêmes, qui ne donnent quasiment jamais d’interviews. Et le rôle de correspondant royal ne consiste pas seulement à suivre les Windsor quand ils vont couper des rubans ou supporter publiquement une des nombreuses associations qu’ils soutiennent. C’est pourtant ce que Charles, William ou encore Harry souhaiteraient. « Les membres de la famille royale, tous, ne veulent pas que des choses sortent, analyse Valentine Low. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on sache ce qu’ils font en public. Ils seraient plus heureux si tout ce qu’on rapportait, ce sont leurs déplacements pour des associations. »
« Un jeu de piste »
A qui parler alors ? Probablement à ces fameux courtiers (« courtisans ») les multiples assistants qui entourent chaque membre de la famille. Le prince Harry le dénonce lui-même dans son autobiographie : selon lui, des proches conseillers de Camilla ou de la reine Elizabeth II ont donné des tuyaux à certains médias. « En tant que journaliste, c’est très difficile, explique Valentine Low. Si vous couvrez la politique, vous pouvez parler à de nombreuses personnes. Le flux d’informations est énorme. Alors que dans la famille royale, il n’y a qu’un tout petit nombre de personnes à qui parler et qui peuvent vous dire ce qui se passe. Le défi consiste toujours à découvrir ce qui se passe quand les gens ne veulent pas vous le dire. On a l’impression qu’il s’agit parfois d’un véritable jeu de piste. »
Ce jeu de piste, Valentine Low a dû le relever lorsqu’il a révélé en 2021 qu’un membre de l’équipe de Meghan Markle avait accusé la duchesse de harcèlement. Son scoop a fait le tour du monde. « L’un des aspects intéressants de cette histoire est que le courriel [dans lequel étaient formulées ces accusations] avait été écrit environ deux ans et demi plus tôt. Ils ont réussi à passer cette affaire sous le tapis pendant tout ce temps. »
« Il a fallu beaucoup de temps à Kate pour s’intégrer à la famille royale »
Cette culture du secret a été parfaitement adoptée par Kate Middleton. Depuis son entrée dans la famille royale en 2011, elle s’est consacrée à son rôle d’épouse et de mère, sans prise de parole publique controversée. « Elle est très prudente, contrôle tout, analyse Valentine Low. Il lui a fallu beaucoup de temps pour s’intégrer à la famille royale. Ce qui est très notable, c’est que, [lors de déplacements officiels], William peut reconnaître votre présence [des journalistes], il peut vous dire bonjour. Mais Kate ne le ferait jamais, elle se contente de parler aux gens qu’elle est venue voir. C’est compréhensible. »
L’annonce fin mars de son cancer, qui a causé un choc au Royaume-Uni et dans le monde entier après plusieurs semaines de spéculation sur son absence prolongée, « a dû être difficile pour elle », note le journaliste, d’autant plus qu’elle ne s’était jamais exprimée en public sur un sujet aussi intime.
La différence avec la façon dont a été annoncé le cancer dont souffre Charles est notable. « Je pense qu’il est plus âgé, plus à l’aise et qu’il a senti qu’il pouvait dire ce qu’il a dit. Il n’a pas non plus de jeunes enfants à protéger », à la différence de Kate et William, note Valentine Low.
Que pense-t-il de la première année de Charles en tant que monarque ? « Si vous mettez de côté tous les problèmes de santé, qui sont évidemment un coup dur, je pense qu’il s’est bien débrouillé. Je suis parfaitement à l’aise avec le fait d’être critique à son égard – je l’ai été dans le passé – mais j’ai toujours pensé qu’il ferait mieux que ce que ses détracteurs prédisaient, et je pense que j’ai raison. Je ne dis pas qu’il est aussi populaire que l’était la reine – il est difficile d’y parvenir sans prendre du temps –, mais je ne pense pas qu’il a commis d’erreurs majeures. » Un quasi-sans-faute que Valentine Low suit désormais depuis son domicile, où il s’attelle à l’écriture d’un nouveau livre. Le sujet ? La famille royale, bien sûr.
*Courtiers, The Hidden Power behind the Crown (Courtisans, le pouvoir caché derrière la Couronne) est paru aux éditions Headline le 6 juillet 2023.
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