Changement climatique : un nouvel algorithme pourrait révolutionner la manière dont sont élaborées les projections du GIEC
Une forte dépression au-dessus de la Nouvelle Orléans.
Pour améliorer la fiabilité des prévisions relatives au réchauffement climatique, une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford a élaboré un nouvel algorithme en s’appuyant sur une méthode bien connue des scientifiques.
Les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC) sont notamment élaborées selon les calculs fondés sur les modèles dits “de système Terre” (Earth System Model ou ESM).
Ces derniers sont des modèles informatiques complexes simulant la réaction de la terre, des océans et l’atmosphère aux émissions de gaz à effet de serre générées par l’homme. Fiables dans la prédiction des changements environnementaux à venir, ces modèles, qui prennent en compte de très nombreux processus complexes, sont toutefois confrontés à une difficulté majeure : leur temps de démarrage très long.
La simulation ne peut en effet être lancée que si elle a atteint un équilibre représentatif des conditions réelles qui prévalaient à l’ère préindustrielle. Il s’agit d’un préalable indispensable pour pouvoir déterminer quel a été, et quel sera, l’impact de l’homme sur le climat. Mais la manoeuvre peut prendre jusqu’à deux ans. “Sans cette période initiale de stabilisation – appelée phase de ‘spin-up’ – le modèle peut ‘dériver’, simulant des changements qui peuvent être attribués à tort à des facteurs d’origine humaine”, observe l’Université d’Oxford.
Un algorithme basé sur l’accélération d’Anderson
Le professeur Samar Khatiwala, du département des sciences de la terre de l’Université britannique, et ses équipes ont ainsi élaboré un algorithme informatique qui pourrait être appliqué aux modèles du système terrestre et ainsi réduire leur temps de démarrage. Les résultats de leurs recherches ont été publiés dans la revue Science Advances.
Ce nouvel algorithme utilise une approche mathématique connue sous le nom d’accélération de séquence. Cette idée a été appliquée par D. G. Anderson pour accélérer la résolution de l’équation de Schrödinger, équation fondamentale en physique quantique.
Le professeur Samar Khatiwala s’est appuyé sur l’accélération d’Anderson et s’est rendu compte qu’elle pourrait réduire le temps d’élaboration des modèles. “L’accélération des séquences est utile lorsqu’un problème est de nature itérative, exactement comme le spin-up des modèles climatiques : vous réinjectez la sortie du modèle en tant qu’entrée dans le modèle. Répétez jusqu’à ce que la sortie devienne égale à l’entrée et que vous ayez trouvé votre solution d’équilibre”, explique le chercheur dans The Conversation.
Un démarrage 10 fois plus rapide
L’algorithme a été testé sur des modèles utilisés dans les simulations du GIEC, et il s’est avéré en moyenne 10 fois plus rapide à démarrer le modèle que les techniques actuelles. Le temps nécessaire pour atteindre l’équilibre est ainsi passé de plusieurs mois à moins d’une semaine.
Il s’agit non seulement d’un gain de temps et d’énergie considérable, mais cet algorithme pourrait aussi être appliqué à d’autres modèles (acidification des océans, perte de la biodiversité, élévation du niveau de la mer, intensité des ouragans etc.)
“Mais la plus grande valeur de cette recherche pourrait finalement être pour les décideurs politiques qui ont besoin de savoir à quel point les projections climatiques sont fiables”, observe le Professeur Khatiwala. En faisant tourner les modèles plus rapidement, les scientifiques pourront ainsi améliorer la précision de leurs prédictions et mieux définir leur part d’incertitude.